Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,
L’adoption du budget de l’Etat par
l’Assemblée nationale est véritablement au cœur de la gouvernance de la
République en ce qu’elle offre l’occasion de débattre en toute
transparence de la nature et de l’importance des moyens à mettre en
œuvre par les pouvoirs publics pour assurer la sécurité et le bien être
des populations, au cours de l’année à venir.
C’est donc un exercice qui revêt une
importance particulière à la fois pour les élus que nous sommes et pour
les populations que nous représentons. C’est donc avec grand soin, avec
sérieux, avec expertise et professionnalisme que cet exercice devrait
être préparé et conduit.
Force est de constater que depuis
toujours, les gouvernements successifs du régime RPT, aujourd’hui
RPT/UNIR/UFC, tournent délibérément le dos aux bonnes pratiques en la
matière et font de la session budgétaire de l’Assemblée nationale, une
bouffonnerie inqualifiable.
Monsieur le Président,
Chers Collègues Députés,
Il nous semble que cette année, le refus
du gouvernement d’adhérer aux bonnes pratiques de la présentation, de
l’examen et de l’adoption de la loi des finances atteint son paroxysme,
au point de tourner en dérision notre auguste Assemblée.
Après l’échec de la tentative du
gouvernement de faire abandonner les débats sur les dépenses des
ministères, vous avez été témoins de l’organisation délibérée de
l’indisponibilité des membres du gouvernement concernés par les
chapitres budgétaires en examen. Ainsi, sous la pression à peine voilée
du gouvernement, la Commission des Finances de notre Assemblée a dû
poursuivre ses travaux, avec le Ministre des Transports venu répondre en
lieu et place des Ministres des Enseignements ; le Ministre du Plan et
de l’Aménagement du Territoire à la place du Ministre des Travaux
Publiques, puis du Ministre de l’Energie et des Mines, et enfin du
Ministre de l’Economie et des Finances. Il en résulte une cacophonie qui
confirme les velléités d’opacité. En raison des délais étriqués, il est
à déplorer que les chapitres budgétaires de certains ministères
sectoriels, notamment, ceux de la Santé, de la Défense, de la Sécurité,
n’aient pu être discutés.
Vous avez, une fois encore, constaté la
volonté délibérée du gouvernement de ne pas rendre compte de l’exécution
des recettes et des dépenses de l’Etat, par une loi de règlement, telle
que prévue par la loi organique relative aux lois de finances et les
directives pertinentes de l’UEMOA.
Vous avez également constaté que le
gouvernement ne respecte jamais le délai légal pour l’examen du budget
et de la loi de finances, et cette année encore en violation de la
Constitution qui prévoit 45 jours, les travaux ont été confinés dans le
délai étriqué de 10 jours. Le caractère expéditif et bâclé des travaux
enlève toute sa crédibilité à la session budgétaire et entame
l’honorabilité de la Représentation nationale elle-même.
Vous avez enfin constaté que c’est en vue
de gérer les finances de l’Etat en toute opacité, que le gouvernement
ne fournit jamais les documents réglementaires d’accompagnement du
projet de loi de finances, tels que le plan de trésorerie prévisionnel
et mensualisé de l’exécution du budget de l’Etat, le tableau
prévisionnel des opérations financières de l’Etat et le bilan financier
de l’Etat à la date de dépôt du projet de loi de finances au Parlement.
En effet, ce sont des documents importants, qui permettent d’apprécier
et d’évaluer la réalité et la pertinence des prévisions des recettes et
des dépenses publiques ainsi que la qualité de la gestion des finances
de l’Etat.
Au total, comme chaque année, par des
manœuvres grossières, le gouvernement use de sa majorité mécanique
acquise frauduleusement à l’Assemblé nationale, pour ‘’légaliser’’
l’exposition des ressources de l’Etat à la corruption, à la gabegie et
au détournement. Cette année encore, nous avons constaté que pour faire
abréger les discussions sur le projet de budget, le Ministre des
Finances n’a pas hésité à offrir ‘’gracieusement’’ un déjeuner
aux députés, mettant dans l’embarras, le pouvoir législatif qui devrait
être lui-même doté des moyens nécessaires à la prise en charge autonome
des députés, afin de les mettre à l’abri de toute tentative de
corruption par l’exécutif. Nous demandons au pouvoir exécutif d’avoir un
peu plus de respect pour les autres pouvoirs républicains.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
L’analyse des prévisions des recettes et
des dépenses nous permet de relever un manque total de transparence.
Alors que certaines informations sont délibérément soustraites, il
existe de nombreuses incohérences dans les données, des variations
importantes ne sont pas expliquées et l’on cherche en vain, des
hypothèses de prévision crédibles.
Ainsi, aucune hypothèse sérieuse ne
sous-tend les prévisions des recettes. Les recettes douanières
connaissent une augmentation inexpliquée de 60%. Le Port Autonome de
Lomé (PAL), qui attend un accroissement substantiel de ses activités
avec la mise en service du 4ème quai, voit ses impôts
diminuer de 35%, sans justification. Il y a lieu de relever les
incohérences entre les données sur les entreprises publiques fournies
par les services du Ministère des Finances et celles fournies aux
députés par les chefs desdites entreprises. Enfin, les contributions aux
finances publiques de certains établissements publics et entreprises
privées, comme la LONATO, l’ARTP, la BB, la Direction Générale de la
Documentation Nationale chargée des passeports, la SAFER et l’ANSAT,
n’apparaissent nulle part, indiquant qu’elles sont exposées à une
collecte en dehors des circuits budgétaires légaux. La baisse du niveau
des impôts payés par les banques est remarquable mais inexpliquée (UTB
-56,7% ; BTD -53,4% ; BIA-Togo – 10,8%).
L’on relève une contradiction flagrante
entre le mode de financement effectivement privilégié par le
gouvernement et sa volonté de mettre ‘’l’accent sur le recours aux
dons et aux appuis budgétaires d’une part, et d’autre part, privilégier
les emprunts à des conditions concessionnelles et orientés vers les
secteurs de croissance et d’infrastructures.’’
En l’occurrence, les mauvaises
performances du gouvernement en matière de gouvernance, ont pour
conséquence l’inéligibilité de notre pays à de nombreux financements
extérieurs concessionnels. On note par exemple qu’à fin octobre 2013 les
estimations de mobilisation des ressources extérieures au titre des
dons projets et emprunts projets s’élevaient à 90 milliards contre des
prévisions de 150 milliards de F CFA.
Le financement des infrastructures pâtit
singulièrement de cette situation du fait que, sous le faux prétexte de
contourner les contraintes et les ‘’humiliations’’ qui
accompagnent les emprunts à taux concessionnel auprès d’institutions
internationales, le gouvernement donne une préférence au préfinancement
des travaux par des concours bancaires internes au taux du marché !
C’est également la mal gouvernance au
plan politique, avec l’absence d’un dialogue politique sérieux entre le
parti au pouvoir et l’opposition démocratique, doublée d’une volonté
d’échapper à un scrutin transparent, qui a amené le gouvernement à
imposer à la trésorerie de l’Etat, le coût de l’organisation des
élections législatives de juillet 2013 évalué à 15 milliards, alors que
des ressources extérieures concessionnelles étaient disponibles,
notamment celles de l’UE. La conséquence de cette incartade est
l’incapacité du gouvernement de faire face aux situations d’urgence dans
les secteurs de l’enseignement et de la santé publique, pourtant
reconnus comme prioritaires.
Monsieur le Président,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,
Le constat que nous faisons est très
grave. Il confirme à maints égards, que le gouvernement n’est nullement
préoccupé par le bien-être et l’intérêt des populations. Le projet de
loi de finances qui nous est soumis ne répond en rien au chapelet de
bonnes intentions égrené ici-même par le Premier ministre, lors de la
présentation de son programme de gouvernement. C’était le 18 septembre
2013.
Même les répartitions sectorielles des
ressources, suivant les priorités sur lesquelles le gouvernement prétend
avoir réuni l’adhésion de l’ensemble des populations togolaises à
travers la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi
(SCAPE,) ne sont nullement respectées.
En effet, le projet de budget attribue
23,2% des ressources à l’Axe 2 (renforcement des infrastructures
économiques), contre 10,2% prévus par la SCAPE. L’Axe 1, devant
favoriser une meilleure exploitation des potentialités en matière de
croissance, ne reçoit que 11,8% des ressources contre les 17,4% prévus
par la SCAPE, alors que les actions pour le renforcement de la
gouvernance ne bénéficient que de 21,9% des ressources contre 26,3%
prévus par la SCAPE.
La stratégie de financement adoptée pour
la réalisation des infrastructures et la répartition entre les
différents sous-secteurs de cet axe sont sources d’inquiétudes. Par
exemple, le sous-secteur de l’énergie 617 millions de F CFA (mines et
énergie) est laissé pour compte, par rapport aux travaux publics et
transports 139 933 milliards. Les fréquents délestages et la croissance
prévisible de la demande d’énergie, en soutien à la croissance, mérite
une meilleure attention.
Le projet de budget du Ministère des
Enseignements Primaire et Secondaire n’indique aucune marge de manœuvre
pour la prise en considération des négociations avec les syndicats des
enseignants. Le Groupe parlementaire ANC/ADDI a proposé en vain, une
révision des dotations des régies de recettes et notamment de l’Office
des Recettes du Togo (ORT), en vue de dégager des ressources pour une
satisfaction partielle des revendications légitimes des syndicats des
enseignants et du corps médical.
Dans le même temps, une dotation de 1,3
milliards de FCFA est prévue pour la consommation d’électricité de la
présidence de la République, un crédit budgétaire de 450 millions de
FCFA est ouvert pour la construction d’un bâtiment annexe de la
présidence de la République alors que l’Assemblée nationale ne dispose
pas de siège et les députés continuent de siéger dans une salle de
banquet. De plus, tout en maintenant les dépenses fantaisistes de
l’exécutif, le gouvernement se permet, au mépris de la loi, de réduire à
sa plus simple expression, le budget de l’Assemblée nationale. Enfin le
coût de la construction de l’annexe devant abriter les services de
marketing de la LONATO n’a jamais été communiqué aux députés malgré leur
insistance.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Chers Collègues Députés,
Mesdames, Messieurs,
Le 18 septembre dernier, dans sa réaction
à la présentation du programme d’action du Gouvernement, le groupe
ANC-ADDI a exprimé sa disponibilité à soutenir le gouvernement chaque
fois que l’action gouvernementale aura pour finalité, notamment :
- la collecte transparente et la juste allocation des ressources de l’Etat ;
- la rationalisation des dépenses publiques et la suppression des dépenses fantaisistes et des dépenses hors budget ;
- l’assainissement de la gestion des sociétés d’Etat ;
- l’intérêt général, la sécurité et la protection des populations ;
- l’amélioration des conditions de vie des populations togolaises et l’amélioration des conditions d’études et de travail des élèves, des étudiants, du corps enseignant, du corps médical ainsi que des fonctionnaires et des autres travailleurs.
Nous constatons avec regret que le
gouvernement fait fi des mesures d’apaisement qu’appelle la situation
sociopolitique tourmentée que vit notre pays. En outre, il n’apporte à
travers le budget 2014, aucune réponse aux revendications sociales. Nous
constatons de surcroît :
- que le projet de loi de finances qui nous est soumis, ne respecte aucune stratégie claire de développement en liaison avec le programme d’action du gouvernement, tel que présenté par le Premier Ministre ;
- que ce projet ne respecte pas les règles élémentaires de procédures prescrites par les lois togolaises et les directives communautaires ;
- qu’il viole la Constitution ainsi que les engagements internes et externes du gouvernement en matière de bonne gouvernance, de saine gestion des finances publiques et d’allocation transparente et optimale des ressources nationales.
En raison de ce qui précède, le projet de loi de finances 2014 ne saurait recevoir la caution du Groupe ANC-ADDI.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Fait à Lomé, le 30 décembre 2013
Pour le Groupe ANC-ADDI,
La Présidente
Signé
Maître AMEGANVI Manavi Isabelle
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