. Vers des tensions politiques à l’approche du scrutin
2015
sera une année cruciale au Togo, et pour cause. C’est elle qui verra
organiser l’élection présidentielle à enjeu énorme. Et dans cette
perspective, la problématique des réformes constitutionnelles et
institutionnelles qui attendent depuis 2006 devra être réglée. Et c’est
ici qu’il faut redouter des tensions politiques, comme avant les
dernières élections législatives.
Des réformes qui attendent depuis…7 ans !
« Les Parties prenantes au
Dialogue s’engagent à poursuivre toutes les réformes visant à consolider
la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance » ; elles « s’accordent pour que le gouvernement d’union nationale engage les réformes dans un esprit de large consensus ». Lesquelles réformes porteront sur les questions d’intérêt national suivantes : « le
fonctionnement régulier des institutions républicaines; le respect des
droits humains; la sécurité, la paix publique ; le caractère républicain
de l’Armée et des Forces de Sécurité; l’équité et la transparence des
élections à savoir : les conditions d’éligibilité, le mode de scrutin,
le découpage électoral, le contentieux électoral, etc, le renforcement
des moyens d’actions de la Haute Autorité de l’Audio-visuel et de la
Communication (HAAC) », indique l’Accord politique global (Apg) du
20 août 2006 en son titre III. Les plus importantes de ces réformes et
qui concernent l’élection présidentielle, l’échéance qui entraine
souvent une déflagration de violences au Togo sont stipulées par le
point 3.2 libellé comme suit : « Les Parties au Dialogue National
engagent le Gouvernement à étudier les propositions de révision
constitutionnelle, notamment : le régime politique, la nomination et
les prérogatives du Premier Ministre, les conditions d’éligibilité du
Président de la République, la durée et la limitation des mandats
présidentiels, l’institution d’un Sénat, la réforme de la Cour
Constitutionnelle. Le Gouvernement prendra en charge ces propositions
pour la prochaine législature ».
Ces réformes matérialisées, auront
l’effet de consolider la démocratie, l’Etat de droit, de rendre
paisibles les élections présidentielles et favoriser l’alternance
pacifique au pouvoir, un principe de la démocratie. Raison pour laquelle
les parties prenantes au dialogue ayant abouti à l’Apg les ont
recommandées. Le gouvernement d’union nationale, dirigé à l’époque par
Me Yawovi Agboyibo, n’a pas eu le temps de les matérialiser, et sa
limitation dans le temps a joué contre lui. Il revenait donc au pouvoir
en place de prendre ses responsabilités. A l’approche de chaque
consultation électorale, l’opposition met la pression et exige ces
réformes. Mais à chaque fois, elle est toujours dissuadée par le pouvoir
d’en faire une condition de sa participation, et parfois avec l’aide de
l’Union européenne. Il lui est promis ces réformes après l’échéance ;
mais jamais, elles ne sont exécutées. Deux élections législatives et une
présidentielle sont déjà passées depuis 2006. On en est à l’orée de la
seconde présidentielle, celle de 2015 cruciale pour la survie de la
démocratie au Togo. Faure Gnassingbé est au terme de son second mandat
et devra vider le plancher, et l’exécution de ces réformes devrait
constituer une assurance pour le peuple assoiffé d’alternance. Mais
elles sont restées en l’état, et ca fait 7 ans que cela dure.
Le pouvoir opaque à tout appel
L’opposition s’est fait un point
d’honneur à rappeler ce devoir au pouvoir à l’orée de chaque échéance
électorale, mais ses appels sont à chaque fois multipliés par zéro. Il
arrive que les partenaires européens aussi les requièrent, et parfois
menacent de ne pas financer les processus électoraux ; mais le pouvoir
réussit toujours à dompter Bruxelles ou à la contourner. La dernière
stratégie a consisté à refuser d’exécuter les réformes et les
recommandations des missions électorales de l’Ue et financer les
législatives du 25 juillet 2013 sur fonds propres du Togo. Et ce sera
ainsi de toute vraisemblance pour la présidentielle de 2015.
La Commission Vérité, Justice et
Réconciliation mise en place par Faure Gnassingbé himself s’est rendue à
l’évidence que la non exécution des réformes constitutionnelles et
institutionnelles essentielles recommandées par l’Apg du 20 août 2006 en
est pour quelque chose dans la tension politique qui caractérise le
landerneau depuis l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir. Convaincus
que leur matérialisation aura l’effet d’apaiser le climat, Mgr Nicodème
Barrigah et les siens les ont inscrites dans les recommandations
transmises à leur mandant le 3 avril 2012, au terme de trois ans de
travaux. Ce sont en tout cinq (05) recommandations qui ont été faites
sur la question des réformes politiques.
« Les réformes institutionnelles
doivent notamment viser la mise en place de mesures garantissant de
meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que
le mandat présidentiel devra être, à l’avenir, limité. A cet effet, la
CVJR recommande le retour à la formule originale de l’article 59 de la
Constitution du 14 octobre 1992 : « Le président de la République est
élu au suffrage universel pour un mandat de cinq (05) ans, renouvelable
une seule fois » », ainsi est libellée la recommandation n°5, complétée par la 8e qui dispose : « La
question des réformes institutionnelles constitue un problème complexe
qui mériterait d’être posée dans le cadre d’une réflexion sérieuse
devant nous amener à nous interroger sur l’adaptation, à nos réalités
sociologiques, du modèle occidental en vigueur dans notre pays depuis
l’indépendance. Fondé sur l’individualisme et une conscience citoyenne
rationnelle, ce modèle éprouve du mal à régir notre société nationale
pluriethnique où les reflexes grégaires ou communautaires constituent
d’être prédominants. La CVJR recommande par conséquent l’organisation
d’une large réflexion sur la question associant personnalités
politiques, juristes, sociologues, historiens, organisations de la
société civile en vue de déterminer les institutions en mesure de nous
assurer une gouvernance adaptée à nos réalités ». Mgr Barrigah et
ses commissaires croyaient ainsi convaincre Faure Gnassingbé, leur
mandant, de s’exécuter. Le rapport ainsi que les recommandations lui ont
été transmis depuis le 3 avril 2012. Dans trois mois donc, cela fera
deux ans qu’elles dorment dans ses placards.
Les évêques du Togo sont revenus à la charge, dans un message adressé aux fidèles et à la Nation le 27 novembre 2013. « Au
sujet des élections locales et des réformes institutionnelles, nous
rappelons les engagements pris à diverses reprises par le Gouvernement ;
ces engagements ont été rappelés solennellement par le Premier Ministre
lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée le 18
septembre 2013. Le temps passe ; le temps presse ; les délais sont assez
brefs. Il importe d’enclencher rapidement le processus pour éviter la
précipitation et les tensions inévitables que celle-ci génère »,
disent les prélats. Avec leur manteau d’hommes de Dieu, ils croyaient
ainsi faire changer d’avis à Faure Gnassingbé ; mais c’était ignorer
toute la personnalité de leur interlocuteur. Il ne reste peut-être que
l’appel du bon Dieu pour le décider à exécuter les réformes.
Des tensions politiques inutiles en perspective
La présidentielle, c’est en 2015. Et
douze mois, c’est suffisant pour exécuter les réformes, si la volonté
anime tous les acteurs politiques. C’est justement ici que le bât
blesse. Le pouvoir Faure Gnassingbé aurait vraiment envie de mettre en
exécution ces recommandations qu’il l’aurait fait depuis 2006. Les
réformes risquant de sceller le sort du prince, on ne se gêne aucunement
pour ce faire.
Ces questions sensibles touchant au
pouvoir de Faure Gnassingbé, c’est évident que les discussions tout
autour devront s’étaler dans le temps, à considérer les sautes d’humeur
et les manœuvres dilatoires traditionnelles du pouvoir. Et même si le
lieu idéal pour les exécuter c’est l’Assemblée nationale où sont
présentes des sensibilités de l’opposition, il est requis des
discussions préalables inclusives au maximum, au regard de la complexité
du problème togolais. Ce qui va nécessiter davantage de temps. Et pour
avoir assez de marge de manœuvre, il est préférable de commencer les
discussions le plus tôt possible. Mais rien n’a commencé dans ce sens. A
l’allure où vont les choses, on évolue vers le traditionnel schéma :
manifestations de rue de l’opposition pour réclamer ces réformes –
organisation d’un dialogue express par Monsieur Réconciliation au Togo,
Mgr Nicodème Barrigah – accord à minima – non respect des clauses par le
pouvoir. Avec leur lot de tensions politiques et de coulée
d’adrénaline. Comme avant les dernières législatives.
Tino KossiLIBERTE HEBDO TOGO
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