Saturday, January 25, 2014

TOGO::Les réformes institutionnelles et constitutionnelles toujours au placard

A un an de la présidentielle de 2015
. Vers des tensions politiques à l’approche du scrutin
faure_gnassingbe2015 sera une année cruciale au Togo, et pour cause. C’est elle qui verra organiser l’élection présidentielle à enjeu énorme. Et dans cette perspective, la problématique des réformes constitutionnelles et institutionnelles qui attendent depuis 2006 devra être réglée. Et c’est ici qu’il faut redouter des tensions politiques, comme avant les dernières élections législatives.
Des réformes qui attendent depuis…7 ans !
« Les Parties prenantes au Dialogue s’engagent à poursuivre toutes les réformes visant à consolider la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance » ; elles « s’accordent pour que le gouvernement d’union nationale engage les réformes dans un esprit de large consensus ». Lesquelles réformes porteront sur les questions d’intérêt national suivantes : « le fonctionnement régulier des institutions républicaines; le respect des droits humains; la sécurité, la paix publique ; le caractère républicain de l’Armée et des Forces de Sécurité; l’équité et la transparence des élections à savoir : les conditions d’éligibilité, le mode de scrutin, le découpage électoral, le contentieux électoral, etc, le renforcement des moyens d’actions de la Haute Autorité de l’Audio-visuel et de la Communication (HAAC) », indique l’Accord politique global (Apg) du 20 août 2006 en son titre III. Les plus importantes de ces réformes et qui concernent l’élection présidentielle, l’échéance qui entraine souvent une déflagration de violences au Togo sont stipulées par le point 3.2 libellé comme suit : «  Les Parties au Dialogue National engagent le Gouvernement à étudier les propositions de révision constitutionnelle, notamment : le régime politique, la nomination et  les prérogatives du Premier Ministre, les conditions d’éligibilité du Président de la  République, la durée et la limitation des mandats présidentiels, l’institution d’un Sénat, la  réforme de la Cour Constitutionnelle. Le Gouvernement prendra en charge ces propositions pour la prochaine législature ».
Ces réformes matérialisées, auront l’effet de consolider la démocratie, l’Etat de droit, de rendre paisibles les élections présidentielles et favoriser l’alternance pacifique au pouvoir, un principe de la démocratie. Raison pour laquelle les parties prenantes au dialogue ayant abouti à l’Apg les ont recommandées. Le gouvernement d’union nationale, dirigé à l’époque par Me Yawovi Agboyibo, n’a pas eu le temps de les matérialiser, et sa limitation dans le temps a joué contre lui. Il revenait donc au pouvoir en place de prendre ses responsabilités. A l’approche de chaque consultation électorale, l’opposition met la pression et exige ces réformes. Mais à chaque fois, elle est toujours dissuadée par le pouvoir d’en faire une condition de sa participation, et parfois avec l’aide de l’Union européenne. Il lui est promis ces réformes après l’échéance ; mais jamais, elles ne sont exécutées. Deux élections législatives et une présidentielle sont déjà passées depuis 2006. On en est à l’orée de la seconde présidentielle, celle de 2015 cruciale pour la survie de la démocratie au Togo. Faure Gnassingbé est au terme de son second mandat et devra vider le plancher, et l’exécution de ces réformes devrait constituer une assurance pour le peuple assoiffé d’alternance. Mais elles sont restées en l’état, et ca fait 7 ans que cela dure.
Le pouvoir opaque à tout appel
L’opposition s’est fait un point d’honneur à rappeler ce devoir au pouvoir à l’orée de chaque échéance électorale, mais ses appels sont à chaque fois multipliés par zéro. Il arrive que les partenaires européens aussi les requièrent, et parfois menacent de ne pas financer les processus électoraux ; mais le pouvoir réussit toujours à dompter Bruxelles ou à la contourner. La dernière stratégie a consisté à refuser d’exécuter les réformes et les recommandations des missions électorales de l’Ue et financer les législatives du 25 juillet 2013 sur fonds propres du Togo. Et ce sera ainsi de toute vraisemblance pour la présidentielle de 2015.
La Commission Vérité, Justice et Réconciliation mise en place par Faure Gnassingbé himself s’est rendue à l’évidence que la non exécution des réformes constitutionnelles et institutionnelles essentielles recommandées par l’Apg du 20 août 2006 en est pour quelque chose dans la tension politique qui caractérise le landerneau depuis l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir. Convaincus que leur matérialisation aura l’effet d’apaiser le climat, Mgr Nicodème Barrigah et les siens les ont inscrites dans les recommandations transmises à leur mandant le 3 avril 2012, au terme de trois ans de travaux. Ce sont en tout cinq (05) recommandations qui ont été faites sur la question des réformes politiques.
« Les réformes institutionnelles doivent notamment viser la mise en place de mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que le mandat présidentiel devra être, à l’avenir, limité. A cet effet, la CVJR recommande le retour à la formule originale de l’article 59 de la Constitution du 14 octobre 1992 : « Le président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq (05) ans, renouvelable une seule fois » », ainsi est libellée la recommandation n°5, complétée par la 8e qui dispose : « La question des réformes institutionnelles constitue un problème complexe qui mériterait d’être posée dans le cadre d’une réflexion sérieuse devant nous amener à nous interroger sur l’adaptation, à nos réalités sociologiques, du modèle occidental en vigueur dans notre pays depuis l’indépendance. Fondé sur l’individualisme et une conscience citoyenne rationnelle, ce modèle éprouve du mal à régir notre société nationale pluriethnique où les reflexes grégaires ou communautaires constituent d’être prédominants. La CVJR recommande par conséquent l’organisation d’une large réflexion sur la question associant personnalités politiques, juristes, sociologues, historiens, organisations de la société civile en vue de déterminer les institutions en mesure de nous assurer une gouvernance adaptée à nos réalités ». Mgr Barrigah et ses commissaires croyaient ainsi convaincre Faure Gnassingbé, leur mandant, de s’exécuter. Le rapport ainsi que les recommandations lui ont été transmis depuis le 3 avril 2012. Dans trois mois donc, cela fera deux ans qu’elles dorment dans ses placards.
Les évêques du Togo sont revenus à la charge, dans un message adressé aux fidèles et à la Nation le 27 novembre 2013. « Au sujet des élections locales et des réformes institutionnelles, nous rappelons les engagements pris à diverses reprises par le Gouvernement ; ces engagements ont été rappelés solennellement par le Premier Ministre lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée le 18 septembre 2013. Le temps passe ; le temps presse ; les délais sont assez brefs. Il importe d’enclencher rapidement le processus pour éviter la précipitation et les tensions inévitables que celle-ci génère », disent les prélats. Avec leur manteau d’hommes de Dieu, ils croyaient ainsi faire changer d’avis à Faure Gnassingbé ; mais c’était ignorer toute la personnalité de leur interlocuteur. Il ne reste peut-être que l’appel du bon Dieu pour le décider à exécuter les réformes.
Des tensions politiques inutiles en perspective
La présidentielle, c’est en 2015. Et douze mois, c’est suffisant pour exécuter les réformes, si la volonté anime tous les acteurs politiques. C’est justement ici que le bât blesse. Le pouvoir Faure Gnassingbé aurait vraiment envie de mettre en exécution ces recommandations qu’il l’aurait fait depuis 2006. Les réformes risquant de sceller le sort du prince, on ne se gêne aucunement pour ce faire.
Ces questions sensibles touchant au pouvoir de Faure Gnassingbé, c’est évident que les discussions tout autour devront s’étaler dans le temps, à considérer les sautes d’humeur et les manœuvres dilatoires traditionnelles du pouvoir. Et même si le lieu idéal pour les exécuter c’est l’Assemblée nationale où sont présentes des sensibilités de l’opposition, il est requis des discussions préalables inclusives au maximum, au regard de la complexité du problème togolais. Ce qui va nécessiter davantage de temps. Et pour avoir assez de marge de manœuvre, il est préférable de commencer les discussions le plus tôt possible. Mais rien n’a commencé dans ce sens. A l’allure où vont les choses, on évolue vers le traditionnel schéma : manifestations de rue de l’opposition pour réclamer ces réformes – organisation d’un dialogue express par Monsieur Réconciliation au Togo, Mgr Nicodème Barrigah – accord à minima – non respect des clauses par le pouvoir. Avec leur lot de tensions politiques et de coulée d’adrénaline. Comme   avant les dernières législatives.
Tino Kossi
LIBERTE HEBDO TOGO

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