A l’approche des élections présidentielles de 2015, l’Agence de presse Afreepress a voulu savoir comment se préparent les différentes écuries politiques pour ces échéances? Le président national du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD), Me Mouhamed Tchassona Traoré est le premier à accepter de se prêter à notre jeu de questions-réponse.
L’homme parle dans cet entretien des « multiples » candidatures qui se font jour au sein de la Coalition Arc-en-ciel, du rejet par le parlement de la loi sur les réformes constitutionnelles et de la polémique qui entoure la répartition des cinq (5) places de l’opposition au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Afreepress : Bonjour Me Mouhamed Tchassona Traoré. Vous êtes le président national du MCD, un parti membre de la Coalition Arc-en-ciel. Dites-nous, comment se porte la Coalition Arc-en-ciel ? Comment préparez-vous les élections présidentielles à venir ?
Me Mouhamed Tchassona Traoré : La Coalition Arc-en-ciel a été conçue sur l’idée que compte-tenu des difficultés que la classe politique éprouve à arracher les réformes, il fallait entendre les cris des populations qui demandent aux politiques de s’entendre pour aller vers une unicité d’action. Nous avons conscience qu’on ne peut réussir ces élections, dans les conditions actuelles, qu’en ayant une démarche unitaire. La Coalition Arc-en-ciel est consciente que l’unité d’action dont il est question ne peut se limiter à elle seule encore moins à un autre regroupement pris seul. Pour qu’elle soit efficace, cette unité d’action doit être partagée par l’ensemble de la classe politique de l’opposition. Et sur cette question, nous sommes en train de travailler avec l’ensemble de nos partenaires. Les choses ne sont pas aussi faciles du moment où il y a déjà des velléités qui s’expriment.
Afreepress : Des velléités au sein de votre coalition ?
Me Mouhamed Tchassona Traoré : Au sein de la Coalition Arc-en-ciel il y a plusieurs personnes qui veulent être candidats sur les sept (7) membres. Au CST on sait que Jean-Pierre Fabre est déjà annoncé comme candidat. Il y a encore d’autres qui s’annoncent. Pour le moment on ne sait pas comment faire mais je pense qu’on parviendra à une candidature unique.
Afreepress : Comment avez-vous accueilli le rejet par le parlement de la loi sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles ?
Me Mouhamed Tchassona Traoré : Nous sentons que cette question est toujours d’actualité et c’est normal parce que nous ne devons pas évacuer le rejet de ce projet de loi comme si c’était un épiphénomène. Pour nous, les réformes constituent la seule alternative pour libérer l’avenir de ce pays afin que nous tous nous puissions nous concentrer sur les choses qui concernent le développement de notre pays. Les questions d’ordre constitutionnel et institutionnel qui ont toujours pris le devant du débat ont freiné tout élan de développement et cela fait qu’à la veille de chaque élection présidentielle, la tension monte d’un cran.
Nous sommes de ceux qui avaient salué la démarche du Chef de l’Etat qui avait entendu l’appel des populations pour prendre l’initiative des réformes. Pour nous c’est un courage politique qu’il fallait saluer. Mais nous avons rapidement déchanté après que le parlement ait rejeté ce projet.
Cela est une anomalie parce qu’on n’a jamais vu ça nulle part. Aujourd’hui le Togo est la risée du monde. Nous avons entendu les explications que les gens d’UNIR tentent d’apporter à ce rejet mais plus ils expliquent plus ils se rendent ridicules. Nous savons tous comment se fait le débat à l’Assemblée nationale autour d’un projet de loi. Ce n’est pas comme à un dialogue où les gens peuvent s’entendre et trouver des compromis. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous disions que l’Assemblée n’était pas le cadre idéal pour tenir un dialogue parce qu’elle sa façon de travailler et ses mécanismes de fonctionnement.
Revenons d’abord au projet de loi en question. Vous vous souvenez qu’après le dialogue Togotélécom2 il n’y a pas eu d’attente et on s’était séparés en queue de poisson. Mais le projet de loi qui a été envoyé au parlement a repris les deux exigences qui ont fait l’objet de consensus au sein du CPDC rénové et qui sont également contenues dans les recommandations de la CVJR. Nous avons été agréablement surpris que le projet soit allé au-delà de ce que le CPDC a prévu parce que la mention de phrase qui dit qu’«en aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats » était une exigence de l’opposition. Cette phrase n’était pas dans les conclusions du CPDC rénové encore moins dans les recommandations de la CVJR.
Le gouvernement a dit qu’il n’a fait que reprendre ce que le CPDC a proposé. Si tel est le cas c’est qu’ils sont allés au-delà des propositions du CPDC rénové. Et pour nous cela marquait une prise de conscience d’aller de l’avant.
Ce projet a été discuté en Conseil des ministres et envoyé à l’Assemblée nationale où le gouvernement dispose d’une majorité. On ne comprend donc pas que ce soient les députés de la majorité qui refusent de voter ce projet de loi. C’est quand même une aberration.
S’il y avait en réalité des problèmes sur le projet de loi, on devrait le retourner à l’auteur pour être repris et corriger. On ne le rejette pas. Ou on peut même discuter avec le commissaire du gouvernement qui est là pour voir si on peut trouver avec lui un compromis. On ne peut pas modifier un projet de loi sans l’avis de celui qui a proposé ce projet de loi et le projet de loi en question étant du gouvernement, c’est avec le gouvernement que l’Assemblée nationale pouvait discuter pour trouver une formule qui l’arrange.
On ne peut pas demander à l’opposition qui n’en est pas l’auteur de venir trouver une formule au texte qui arrange le gouvernement étant entendu que c’est le gouvernement qui a pris de façon discrétionnaire l’initiative.
Par rapport au principe de séparation des pouvoirs, l’Assemblée n’est pas un organe qui à l’initiative de l’interprétation de la loi. L’Assemblée vote les lois mais elle ne les interprète pas. Pour ce qui est de l’applicabilité de cette loi, il n’est pas du ressort de l’Assemblée de déterminer qui va être candidat demain et qui ne va pas l’être. C’est le rôle de la Cour constitutionnelle. Elle n’avait qu’à voter ce projet de loi par rapport à ce qui lui était proposé ou demander une amélioration.
Aujourd’hui la classe politique de l’opposition est orpheline. On est seul à nous battre contre un système qui est ancien et qui a tous les moyens pour se perpétuer. Nous en appelons à la conscience de tout le monde. Je ne suis pas de ceux qui croient que c’est un jeu, si c’est un jeu c’est un jeu dangereux. Ce n’est pas une bonne chose pour notre pays, que les gens se ressaisissent et qu’on trouve les voies et moyens pour pouvoir faire revenir ce projet à l’Assemblée afin de libérer l’énergie et l’avenir de ce pays. Il y a beaucoup de choses à faire et nous devons rapidement nous y atteler.
La CEDEAO qui a pris une décision interdisant les modifications constitutionnelles 6 mois avant les élections doit se sentir interpelé par ce rejet et jouer sa partition. Elle doit venir voir les autorités togolaises et leur expliquer que ce qu’ils sont en train de faire est dangereux pour la sous-région parce que demain s’il y a des problèmes, ça va déborder à tous les niveaux. Nous ne le souhaitons pas. Le Togo aujourd’hui bénéficie d’une paix relative et nous voulons que cette paix relative puisse se perpétuer et s’installer ad vitam mais quand on met le pays dans une situation d’incertitude nul ne peut présager de l’avenir. Personne n’est maître du pays pour dire aujourd’hui que ce qu’il veux doit s’imposer à tout le monde. Le Togo est pour nous tous.
Afreepress : Merci Me Mouhamed Tchassona Traoré. Parlons de la question de la représentation de l’opposition au sein de la CENI. Nous apprenons que le Collectif Sauvons le Togo (CST) et la Coalition Arc-en-ciel n’arrivent pas à s’entendre.
Me Mouhamed Tchassona Traoré : Nous avons toujours eu des comptes-rendus de nos réunions. Je sais que nous avons reçu une lettre nous demandant de proposer les noms de nos représentants au sein de la CENI. Malheureusement jusqu’à la veille de la clôture, Arc-en-ciel avait posé un préalable, que nous obtenions du président de l’Assemblée nationale la clarification autour du statut de l’opposition. Nous voulions savoir qui est membre de l’opposition et qui ne l’est pas. On ne voudrait pas voir un parti qui siège aux côtés du gouvernement et l’accompagne dans sa politique, dire qu’il est de l’opposition. On est opposant lorsqu’on s’oppose à la politique d’un gouvernement. On avait donc besoin de cette clarification avant de se décider.
En attendant, on s’était entendu avec nos amis du CST pour qu’ils envoient des noms pour couvrir les cinq (5) places qui revenaient de droit à l’opposition et que lorsqu’on aurait la réponse du président de l’Assemblée, Arc-en-ciel enverrai ses deux (2) noms pour occuper les sièges qui lui revenaient. Maintenant le débat qui se fait sur les médias pour dire qu’Arc-en-ciel n’aurait qu’une seule place ne relève que de supputations qui sont d’ordre personnel à leurs auteurs.
Afreepress : Donc, entre le CST et la Coalition, il y a une entente pour se répartir les cinq places ?
Me Mouhamed Tchassona Traoré : Oui. Nous nous sommes entendus avec le CST que l’ANC-ADDI prendrait trois (3) sièges et que nous aurons deux (2).
Interview réalisée par Olivier A.
Source : AfreePress
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