L’informatisation des chaînes judiciaires
est un projet d’équipement en matériels informatiques et en composante
logiciel. C’est une application qui prend en compte la gestion des
dossiers, depuis l’étape de la saisine jusqu’à la phase finale et fait
intervenir des mécanismes d’automatisation des tâches. Cet outil
informatique a fait ses preuves dans les pays de la sous-région ouest
africaine notamment au Bénin, au Sénégal où il a fait l’objet en 2004
d’un projet né des besoins de disposer au niveau des tribunaux des
statistiques clairs fidèles reposant sur des indicateurs précis que
devrait produire de façon juridique l’Inspection Générale de
l’Administration Judiciaire.
Des experts sénégalais étaient à Lomé du 08 au 11 juillet dernier pour
la présentation et l’appropriation de l’application par les acteurs
judiciaires du Togo. La présentation est faite au Togo par des experts
sénégalais du programme.
Le Conseil Technique du Ministre togolais de la justice, Moustafa
Idrissou revient dans cet entretien sur l’utilisation de l’application,
des changements qu’elle va apporter et des avantages qu’elle présente
pour la justice togolaise en pleine modernisation.
Togobreakingnews : Qu’est-ce qui justifie l’introduction des Chaînes judiciaires dans l’administration de la justice togolaise ?
Moustafa Idrissou : Je voudrais tout d’abord vous remercier pour
l’opportunité que vous nous offrez pour parler des chaînes judiciaires.
Les chaînes judiciaires s’imposent aujourd’hui comme le passage obligé
pour l’administration d’une justice moderne, performante et efficace qui
répond aux atteintes légitimes des justiciables et aux aspirations
profondes des populations.
Pour résoudre un problème, il faut connaître ses racines. Au cœur des
problèmes qui minent la justice togolaise se trouvent la lenteur et la
lourdeur qui induisent tous les autres problèmes que l’on reproche à
notre justice. Pour résoudre donc les problèmes de lenteur et de
lourdeur, il s’est avéré nécessaire de mettre en place les chaînes
judiciaires qui ont été développées et expérimentées ailleurs comme au
Sénégal et au Bénin pour ne citer que ces pays que nous avons visités.
Togobreakingnews : Qu’est-ce que les chaînes judiciaires ?
Moustafa Idrissou : La chaîne judiciaire est une application
informatique qui prend en compte la gestion des dossiers depuis l’étape
de la saisine, c'est-à-dire l’enregistrement de la plainte jusqu’à la
phase finale, c'est-à-dire le prononcé du jugement et fait intervenir
des mécanismes d’automatisation des tâches comme l’enregistrement où
l’application attribue le numéro du dossier, l’édition de rôle,
l’édition de qualité, l’édition de factum, etc.
Il s’agit d’une chaîne. Cela suppose que tous les maillons de cette
chaîne soient bien huilés ; que chaque maillon joue son rôle pour que la
chaîne fonctionne bien. C’est dire que chaque acteur de la chaîne doit
absolument faire son travail en temps réel. Je précise qu’il y a quatre
(4) chaînes : pénale, civile, sociale et commerciale et que
l’application est paramétrable à volonté.
Togobreakingnews : Comment fonctionnent ces chaînes judiciaires ?
Moustafa Idrissou : Le fonctionnement de la chaîne est conforme à la
procédure en vigueur. Par exemple, lorsqu’un citoyen se présente au
parquet d’instance pour déposer une plainte contre X, le secrétaire du
parquet enregistre dans son poste ordinateur la plainte avec les
motifs. Le Procureur de la République, de son ordinateur, voit
immédiatement la plainte ainsi enregistrée. Le Procureur de la
République décide d’affecter le dossier à un substitut ou d’ouvrir
l’information en affectant le dossier à un juge d’instruction.
Le Procureur de la République fait tout ceci sur son ordinateur. Le
substitut ou le juge d’instruction sait à partir de son ordinateur que
tel dossier lui est affecté et fait toutes les diligences y afférentes.
C’est automatique. C’est la raison pour laquelle on parle
d’automatisation des procédures. Il en sera ainsi de toutes les
diligences à faire jusqu’au prononcé du jugement. C’est aussi la même
démarche pour les autres chaînes.
Togobreakingnews : Quels sont les avantages des chaînes judiciaires ?
Moustafa Idrissou : Les chaînes judiciaires présentent plusieurs
avantages dont la rapidité dans le traitement des dossiers permettant
d’avoir une décision de justice à la fin de l’audience. L’application
permet d’apprécier la performance d’un magistrat ou d’une juridiction
par rapport aux affaires traitées au cours d’une période donnée. Le
supérieur hiérarchique et l’inspection générale des services
juridictionnels et pénitentiaires peuvent contrôler à partir de leur
poste l’activité des magistrats et des juridictions.
Elle permet à tout justiciable de suivre l’évolution de son dossier à
partir du poste du greffier ou à l’accueil tout en assurant la sécurité
des données. Il en est de même pour les avocats qui peuvent suivre leurs
dossiers à partir du barreau. A ce stade, l’application est
interconnectée au barreau. Les chaînes judiciaires vont permettre une
gestion informatisée des détentions aussi bien préventives qu’en
exécution de peine et contribueront à désengorger nos prisons. D’autre
part, l’application permet d’avoir la cartographie judiciaire par la
production des statistiques en temps réel. A terme de cette
automatisation des procédures judiciaires, on aboutira à une
dématérialisation complète de celles-ci et on pourra parler de l’ère
d’E-JUSTICE.
Togobreakingnews : Cette application garantit-elle pleinement le secret de l’information judiciaire ?
Moustafa Idrissou : Les professionnels de la justice doivent se rassurer
: le secret de l’information judiciaire et la recherche de la
manifestation de la vérité ne seront pas sacrifiés sur l’autel de la
célérité judiciaire qu’induit l’application. Bien au contraire,
l’application informatique est un outil de travail qui concilie ces deux
impératifs de la justice à savoir : le secret de l’information dans la
recherche de la vérité et la célérité de traitement des dossiers.
Togobreakingnews : Le ministère a organisé une séance de présentation et
d’échanges sur l’application il y a quelques jours à Lomé. Quel sera la
suite du processus ?
Moustafa Idrissou : La rencontre avait un double objectif : sensibiliser
et familiariser les acteurs de la justice sur les chaînes
judiciaires, de leur faire connaître ce nouvel outil de travail. La
deuxième phase devrait être un projet pilote pour mettre en place ces
chaînes dans une juridiction. Cependant toutes les juridictions
demandent la mise en place immédiate des chaînes judiciaires. Les
autorités compétentes en décideront au moment venu. Après la mise en
place, viendra la phase de l’extension à toutes les juridictions du
Togo.
Togobreakingnews : Y a-t-il des préalables à l’extension à toutes les juridictions au Togo ?
Moustafa Idrissou : Il convient de souligner avec insistance que
l’informatisation des chaînes judiciaires suppose des pré-requis. Il
faut des installations électriques fiables, la disponibilité de
l’énergie, de l’internet, des infrastructures adéquates…… Pour cela, il y
a une mission qui va faire l’état des lieux de l’existant et des
besoins pour l’informatisation des chaînes judiciaires dans toutes les
juridictions du pays.
C’est un long processus. Peut-être que les résultats ne viendront pas
dans l’immédiat. Il faut donc beaucoup de patience. Nous communiquerons
au fur et à mesure de l’évolution de ce processus.
No comments:
Post a Comment