Vous êtes l’un des nouveaux venus sur la scène politique togolaise ? Comment la jugez-vous?
Complexe. L’environnement politique togolais est sans doute le moins
lisible de la sous-région. Vous avez un parti au pouvoir, qui domine
toute la scène politique sans disposer d’une architecture clarifiée et
sans avoir jamais organisé un congrès, et une multitude de partis de
l’opposition qui peinent à trouver une cohésion.
Vous avez fustigé l’attitude des députés de la majorité quand ils ont
rejeté le projet de loi sur les réformes sur le mandat présidentiel et
le mode de scrutin. Pensez-vous que le gouvernement devrait réintroduire
de nouveau le projet à l’Assemblée quand on sait que le ministre Bawara
a dit que la page des réformes est tournée ?
Le 9 mai dernier, Robert Dussey, dans une allocution a dit que le
gouvernement voulait faire des réformes non pas pour faire plaisir aux
partenaires du Togo, mais parce qu’elles s’imposaient car utiles pour
l’avancement du Togo.
C’est donc le gouvernement qui a pris des engagements et qui se doit de
les honorer. Donc, oui, il faut que ce texte retourne au parlement afin
que les réformes soient.
L’opposition parlementaire n’a-t-elle pas tiré un peu sur la corde en demandant la retro activité de la loi?
Comme vous le savez, notre parti est membre de la coalition Arc-en-ciel
et nous recevons régulièrement les comptes-rendus des travaux
parlementaires. A aucun moment il n’a été question de la non
rétroactivité de la loi. Le gouvernement a soumis un projet de loi, sur
lequel les seules modifications apportées sont venues de lui-même. Le
texte soumis au vote est intégralement celui du gouvernement.
Si rétro activité ou non rétroactivité de la loi il y a, il reviendra,
au temps opportun, à la cour constitutionnelle, de dire les champs
d’application de ce texte. Le gouvernement a présenté un texte,
l’opposition l’a décrié, mais l’a voté quand même. Ce sont les députés
de la majorité présidentielle qui l’ont retoqué. C’est eux mêmes qui ont
tiré la corde et l’ont cassé.
Après votre expérience de l’élection législative de 2013, tenterez- vous l’expérience pour 2014 ?
Si c’est pour savoir si je serai candidat, non, dans le contexte
présent. Nous avons depuis longtemps été les chantres de l’union de
l’opposition, et nous allons continuer à nous battre pour qu’il en soit
ainsi.
Pourquoi optez-vous pour le choix unitaire d’un candidat de Arc- en- ciel ?
Je voudrais préciser que la Coalition n’a pas un candidat pour
l’élection, mais un candidat pour l’hypothèse d’une candidature unique
de l’opposition. C’est-à-dire que si demain, l’ensemble de la classe
politique décidait d’avoir un candidat unique, la coalition présentera
un seul nom pour cette sorte de primaire. C’est tout. Autrement, nous
restons attachés à la démarche unitaire de l’opposition.
Le choix d’un candidat unique de l’opposition est-il possible ?
Sera-t-il celui de l’ANC puisque Jean-Pierre Fabre se dit le candidat
naturel de l’opposition togolaise.
Bien sûr que ce choix est possible. Mais il parait prématuré de dire
qu’il s’agit de tel ou tel. Nous sommes en conclave depuis une semaine,
et quand le moment viendra, nous mettrons en place les modalités de
désignation de ce candidat unique.
Mais en attendant, il est logique que chacun dispose ses pions. La
politique est une question d’ambition, il n’y a par conséquent rien
d’étonnant à ce que chacun monte les enchères.
Est-ce la seule possibilité pour battre Faure Gnassingbé en 2015 ?
Bien sûr que non. A notre sens, la candidature unique est une première
étape. Ensuite, il faut avoir une bonne équipe pour une stratégie
gagnante (communication et logistique, surveillance du processus
électoral, et mobilisation financière, beaucoup de mobilisation
financière). La candidature unique a le réel mérite de susciter
l’espoir. Mais il faut qu’on y aille vite. Le temps presse. Il ne faut
surtout pas attendre une semaine avant les élections pour décider de
travailler ensemble.
Sur quels axes le projet du candidat unique de l’opposition ou du
candidat de la coalition Arc-en-Ciel devra porter pour emporter
l’adhésion du peuple togolais ?
Encore une fois, je dis que le candidat de la coalition arc-en-ciel
n’est pas encore candidat à l’élection présidentielle, mais si
l’ensemble de l’opposition le désigne, il jouera son rôle. Si j’étais le
candidat de l’opposition, ma campagne portera sur trois axes : La
réduction de la pauvreté, la justice sociale et la réconciliation
nationale.
Notre pays dispose d’un potentiel sous exploité et inégalement réparti.
La formation professionnelle, la promotion de l’agriculture et
l’investissement dans le tourisme seront les axes secondaires de mon
action. Il s’agit juste là de grandes lignes.
Un accent devrait être mis sur le tourisme je présume, puisque vous vous investissez dans ce secteur.
Le tourisme est la première industrie du monde, avec 12% du PIB
planétaire. Notre pays a décidé de se détourner de cette activité. La
preuve, nous n’avons pas de ministère du tourisme.
J’ai décidé d’investir depuis deux ans dans cette activité. Même si les
retombées sont faibles pour le moment, je reste persuadé que c’est l’un
des secteurs clés d’une vraie reprise économique, par la capacité que
dispose le tourisme de fournir des emplois.
Pensez-vous que Faure Gnassingbé gère correctement le pays ?
Il me faudra un manifeste pour répondre à la question. La gouvernance de
Faure s’est améliorée de par la soumission de notre gouvernement aux
injonctions des institutions de Breton Wood (FMI Banque Mondiale) En
réalité, le projet économique du Togo est dirigé par l’extérieur. Mais
par son incapacité à réduire la pauvreté depuis neuf (9) ans, on doit en
déduire que cette gouvernance a échoué.
S’appuyer sur des indicateurs macroéconomiques uniquement pour évaluer
une politique nationale est une grave erreur. Les Togolais voient leur
pouvoir d’achat baisser de jour en jour. Donc, non, la gouvernance, même
si elle s’est améliorée ces dernières années, est encore en deça des
attentes des Togolais.
Que pensez-vous de la refondation des forces armées togolaises initiée
par le président ? Est-elle nécessaire et qu’apporterait- elle aux
hommes de cette armée et au pays ?
Il n’y a pas de refondation, mais une réorganisation administrative avec
cinq régions militaires et deux secteurs militaires. Pour parler de
refondation, il faudrait faire une mutation en profondeur, ce qui n’est
pas le cas.
Par contre, avec les nouvelles menaces, il est important que nos forces
de défense se réorganisent, avec une chaine de commandement souple, avec
une capacité de recueil de l’information et un traitement du
renseignement simplifié et de proximité. Donc, il fallait cette
réorganisation. Ce que nous déplorons, c’est qu’on continue à proroger
cette tradition qui fait de l’armée une sorte de chasse gardée du
Président de la République.
L’armée Togolaise dispose d’une bonne réputation à l’extérieur. Il faut
faire en sorte qu’elle se réconcilie durablement avec le peuple
togolais. Et pour se faire, elle doit s’ouvrir, et non donner
l’impression qu’elle est complètement acquise à Faure Gnassingbé. Il
faut qu’elle donne des signaux extérieurs de son caractère républicain.
Il y a dans notre pays trop de rares occasions où l’armée va à
l’encontre du reste de la nation. Il faut corriger cela.
Gerry Taama, votre mot pour le peuple togolais.
Mon amour pour le Togo est aussi grand que ce que ce pays m’a donné. Mon
ambition est de léguer ce pays dans un état meilleur que je ne l’ai
trouvé aux générations futures.
Propos recueillis par Ali SAMBA
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