Monday, August 18, 2014

TOGO: Emiratgate / A la suite de ses sorties gênantes, Pascal Bodjona sera au tribunal ce jeudi

Il a fait un bref show, avec le soutien de ses riverains et son fan club. Une semaine après, une convocation lui parvenue tôt ce matin. Accusé dans une affaire dans laquelle la justice n’a pu établir aucune implication réelle à son encontre, l’ancien puissant ministre est attendu jeudi au tribunal de Lomé. Une convocation qui sonne comme un appel au silence pour un homme qui a de plus en plus de mal à se taire.


S’il n’a pas annoncé officiellement sa candidature pour la présidentielle de 2015, Afrikaexpress dispose d’un document sonore qui laisse à croire qu’il ne « peut plus être que candidat » contre son mentor d’hier, Faure Gnassingbé. Pascal Bodjona est décidé, parce que dit-il lui-même, il ne « sait faire que la politique« . Mais aussi une manière de prendre sa revanche après les multiples humiliations dont il a été victime alors qu’aucun élément ne permet, jusqu’à ce jour, d’établir sa culpabilité certaine. Dans une déposition de Sow Bertin Agba à la justice et dont nous avons copie, ce dernier reconnaît l’avoir "induit en erreur" . Amende honorable d’un rusé. S’il est établi que Bodjona ait reçu une montre en cadeau de la victime, ce qui n’est pas un délit dans la législation togolaise, Abbas Yusef lui-même ne lui attribue pas un rôle au-delà du fait "d’avoir, par sa présence, crédibilisé une escroquerie". Faire la compagnie d’un supposé escroc n’est pas anodin pour un ministre de ce niveau, ce que justifie son entourage par «les liens familiaux qui l’unissent à Agba». Les deux hommes sont des cousins très proches depuis leur enfance.


Mais ces derniers jours, profitant d’une manifestation de soutien de quelques dizaines de riverains et voisins à la suite du rejet de son appel par la Cour suprême, Pascal Bodjona a refait parler autrement de lui. Imprudente incidence pour quelqu’un d’aussi incernable à la veille de l’élection présidentielle, et à peine une semaine après, les effets sont visibles. Un long harcèlement judiciaire attend celui qui fut longtemps, lui aussi un baron du régime selon une source proche du dossier, « une procédure normale » selon le cabinet du Garde des Sceaux, sauf que dans le cas présent, « trop de coïncidences » font douter de la bonne foi de la justice.


Entre les interlignes

A la suite de notre article évoquant sa candidature éventuelle, un long entretien avec un conseiller du chef de l’Etat puis un ancien ministre proche de Lomé II. « Ce que fait Bodjona est trop grave, à cette allure, il va falloir le remettre au gnouf rapidement, il veut perturber l’ordre pour la présidentielle« . Si bien que de la même ethnie, ce conseiller et l’ex ministre se vouent réciproquement une haine inavouée mais sans mesure, il n’en est pas moins vrai que le point de vue de ce visiteur de soir de Lomé II répond à des discussions internes qui ont suivi des échanges de Palais.

« Le patron n’a pas aimé ses sorties indélicates, une conférence de presse floue, des manipulations d’opinion et une volonté d’embrouiller les pistes en 2015« , une inquiétude à laquelle la réponse est simple, « en le condamnant dans la foulée, il ne pourra pas se présenter« . Conclusion d’un avocat de Abbas Yusef reçu par le président de la République. La convocation en est-elle une suite logique ? « Non, nous ne voulons pas faire de l’amalgame » confie un journaliste proche du ministre selon qui, « il s‘agira de se prononcer sur le fond du dossier« . De sources judiciaires, il ressort que cette convocation sera l’une des nombreuses qui s’enchaîneront comme si, après avoir échoué à ramener Agba au Togo, la justice se décharge sur l’homme le plus visé dans cette affaire. Bodjona est-il innocent dans ce dossier ? Impossible de le dire à l’étape actuelle mais tant qu’au lieu de chercher la vérité, la justice ne cherche qu’à prouver sa culpabilité, la vérité ne sera jamais sue. Alors que dans le camp de l’inculpé, on semble ne vouloir que cela, que la vérité se sache. « Le plus important pour moi est la vérité » avait confié Bodjona lui-même.

Issue imminente


Bertin Agba, l’escroc supposé faisait sans crainte le tour du monde jusqu’à être mis en quarantaine début juillet à Athènes. Un peu plus tôt, il était déjà allé en espace Schengen, notamment en France et en Belgique. Sans être inquiété. Alors pourquoi l’urgence de l’extrader vers Lomé cette fois-ci? Un seul objectif selon une source maison, « condamner dans la foulée Pascal Bodjona et lui afin de mettre fin à toute ambition présidentielle« . Il ne sera pas question que l’ex ministre retourne en prison pour ne pas choquer une opinion de plus en plus acquise à l’idée qu’il soit « victime d’un harcèlement».


Après avoir fait huit mois de prison, il pourra soit être condamné et laissé en liberté ou plutôt au « nombre de mois correspondant à sa détention préventive suivi d’un sursis » selon le même conseiller cité plus haut pour qui, « chaque minute qu’il passe en liberté est un risque pour 2015» .

Mais puisqu’il sera ridicule de condamner le renard de Kouméa sans disposer d’Agba au moins, Pascal Bodjona peut se retrouver sans cesse convoqué pendant tout le processus électoral, une manière de garder sur lui la pression, une pression à laquelle il semble si ben habitué après sa détention à la gendarmerie où, chez lui, le mental du détenu est né. Inventeur de la nouvelle machine Rpt sous Faure Gnassingbé, le régime craint qu’il n’utilise contre eux, s’il et candidat, des armes qu’il a utilisé, pour eux, contre d’autres.


Agé de 48 ans, Pascal Bodjona fut pendant une décennie ambassadeur du Togo à Washington (1994 – 2005) avant de devenir directeur de cabinet et porte-parole personnel de Faure Gnassingbé à la présidence togolaise. Après avoir été plusieurs fois ministre et porte-parole du gouvernement, il a quitté l’exécutif fin juillet 2012.

Malin et calculateur, cet astucieux à l’allure mystérieuse ne fait pas l’unanimité. Généreux et sympathique pour les uns, goinfre et pouvoiriste pour les autres, tous reconnaissent ses qualités de dialogue qui ont permis au régime d’éviter plus d’une fois le clash social et/ou politique. Pendant ses années de grande influence, Bodjona n’a pas non plus fait grand chose pour que la justice togolaise se porte mieux alors qu’il en avait, ne serait-ce qu’en partie, les moyens. Aujourd’hui victime du même système, il se défend avec sa dernière énergie. Mais jusqu’à quand ?

Afrika express

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