Sunday, August 24, 2014

Les aventures de deux cordonniers ambulants nigériens à Lomé


cordonnierk    Ils déambulaient dans les ruelles d’Avédji, ce mardi 19 août vers 12h, sacoches au dos, vêtus de pantalons Jeans et de T-shirts, causant, ricanant aux éclats et tapant par moments sur leurs  tablettes de bois en signe d’appel aux clients.  Eux, ce sont deux jeunes nigériens en aventure à Lomé et qui servent comme cordonniers. Un périple depuis le Niger, très long et pénible, disent-ils, avec des journées de marches fatiguantes… ils se sont retrouvés à Lomé.
Le plus âgé, Hassan 18 ans, est peuhl. Le plus petit, mais de grande taille, Mohamed, alias 2Pac (fan de 2Pac) est, lui, touareg et a 16 ans.     Tous deux sont cordonniers ambulants. Un métier peu valorisant selon le commun des mortels, mais qui nourrit son homme, disent-ils. Ils se promènent ainsi chaque jour de quartier en quartier à la recherche de clients. Et ce mardi 19 août, ils étaient dans le quartier Avédji, une banlieue de la capitale. Ils triment chaque jour pour survivre. Et par jour, ils peuvent sillonner de fond en comble  3 à 4 quartiers, et peuvent faire un chiffre d’affaires de plus de 1000 F CFA.           «Jusqu’alors, on n’a fait que 400 FCFA. On espère jusqu’au soir, Inch Allah, ça va aller », déclare 2Pac.  Hassan, lui, habitué des rues depuis un an déjà, sait qu’il y a des jours fastes et des jours de vaches maigres. « Lui, c’est mon petit. Il n’est pas encore habitué  aux jours difficiles. Au moins, on gagne 1000 FCFA par jour, de quoi nous nourrir en attendant de voir l’avenir. 2Pac est là ça fait presque cinq mois », déclare-t-il. Ce travail de cordonnier a trait plus au rafistolage où les jeunes n’utilisent que de l’aiguille pour coudre, de la colle pour encoller, des cirages pour donner à nouveau l’éclat à de vieilles chaussures.  « Avec un cirage de 200 FCFA, on peut gagner 1000 CF par jour. Surtout le samedi, on gagne bien parce que les zens vont aller à l’église le dimanche », note Hassan. Un chiffre d’affaires qui peut valoir le salaire mensuel d’un employé togolais.
Les deux jeunes ont quitté individuellement le Niger, leur pays d’origine. Ils n’ont même pas eu la chance d’être instruits. Ils ont chacun leurs aventures à raconter. Hassan, lui,  a quitté sa pauvre famille de 11 enfants, dont il est le cadet,  à Tchirozérine, une ville au centre du Niger pour une destination inconnue. Au départ, il voulait se rendre à Cotonou au Bénin, mais au finish il se retrouve à Lomé. Avec son sac contenant des fromages au lait, des dattes et trois bidons remplis d’eaux, Hassan débuta ainsi son aventure avec deux de ses amis. Mais ces derniers n’ont pas tenu longtemps. Avant d’arriver à la frontière avec le Bénin, ils ont marché pendant de longs jours, dormi à la belle étoile ; ils ont fait face à la pluie, aux vents violents,  aux rayons solaires très brulants, à des affrontements avec des petits clans de gangs.   Le plus dur était d’être confrontés à la faim et à la soif. Ils proposaient à chaque ville et quartier de petits services moyennant quelques pièces pour tenir la route avant d’arriver à  la frontière béninoise. Et là, ils deviennent vendeurs ambulants pour pouvoir s’infiltrer dans le pays. Hassan a ensuite réussi à rejoindre Cotonou en procédant de la même manière. Et là, il devient vendeur ambulant de cigarettes, de bonbons et autres gadgets jusqu’au jour où il tombe sur un ressortissant nigérien résidant au Togo qui effectue le voyage Cotonou-Lomé pour ses affaires.
Celui-ci l’a fait venir au Togo en l’intégrant à la petite communauté nigérienne. « J’avais 17 ans lorsque ze suis venu au Togo pour chercher de l’argent et aider ma famille au Niger. Inch Allah, je suis sûr que je vais réussir. J’ai fait le métier de cordonnier un an, guidé par un frère comme je le fais à 2Pac ; et aujourd’hui il a une boutique qu’il gère lui-même. C’est mon tour de guider 2Pac à connaître les quartiers de Lomé et ensuite, il va être lui-même », rétorque-t-il, tout fier. Grace à la solidarité dont cette petite communauté fait preuve, Hassan a économisé en un (1) an plus de 100.000 F, une somme avec laquelle il compte monter une petite affaire sous la tutelle de son bienfaiteur.
Ils sont nombreux, ces jeunes nigériens à Lomé, à quitter leurs pays pour des vendeurs ou cordonniers ambulants, des petits métiers dans lesquels ils font pourtant de grandes choses en vivant dans des conditions très peu désirables.  « On est  6 jeunes à louer une chambre de 7000 fcfa à Totsi. A chaque fin du mois, on cotise pour payer le loyer, l’électricité et l’eau ; ce qui nous revient moins cher que si ze prends une chambre seul. Cela nous permet d’économiser, surtout qu’on prépare nous-mêmes nos repas », confie Hassan. Ce que confirme 2Pac : « Ze paie aussi hein. Ze zère moi-même mon argent tout en économisant aussi », glose le petit touareg, l’aîné de 5 enfants qui s’est sevré tôt  de la chaleur familiale.  Lui par contre est venu à Lomé avec son cousin en faisant des escales au Burkina-Faso et ensuite dans les villes et hameaux du Togo.
Autrefois, le travail de cordonnier ambulant était l’apanage des Ghanéens qui rentrent chez eux une fois après avoir gagné de  l’argent pour monter une affaire. Mais aujourd’hui, de plus en plus de jeunes nigériens, burkinabés, guinéens, camerounais, maliens, sénégalais, etc.  s’adonnent à ce travail. La solidarité, principe de ces communautés est érigée en règle. « On se serre les coudes entre nous. On s’aide à avancer et on réussit »,  conclut Hassan.
Annie-Stevia

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