Il y a moins de trois mois,
un Forum consultatif sur le commerce au Togo s’est tenu au Centre
togolais des expositions et foires (Cetef) avec pour objectif de faire
l’état des lieux du commerce au Togo. Mais comme pour montrer que les
recommandations de cette rencontre iront rejoindre celles déjà
existantes sans que les autorités ne posent des actes incitatifs et
encourageants, voici rapportées par des commerçants, quelques réalités
au grand marché de Lomé. Des conditions d’accès aux prêts exorbitantes
pour des commerçants nationaux, des méthodes d’enquêtes sur l’écoulement
de produits périmés trop archaïques et des sociétés qui écoulent
toujours des produits périmés sans être rappelées à l’ordre, le tout
couronné par une concurrence déloyale des étrangers envers les
nationaux… le commerce au Togo nourrit l’étranger, mais appauvrit
l’autochtone.
Les 5 et 6 juin 2014 s’est tenue au
Cetef une rencontre sur le commerce au Togo. Le but étant de dégager des
recommandations pour faire du commerce un levier de développement de
l’économie togolaise. Ces recommandations ont-elles été adressées à qui
de droit ? Dans l’affirmative, La ministre du Commerce et de la
Promotion du Secteur Privé, Bernadette Légzim-Balouki a-t-elle la
carrure requise pour traduire ces recommandations dans les faits ? Les
échos qui nous parviennent du grand marché d’Adawlato (même si le
bâtiment central a été incendié par des pyromanes jaloux des acquis des
femmes de ce marché) montrent qu’en matière de commerce au Togo, les
adhérents à ce métier ne sont pas logés à la même enseigne.
Il y a deux semaines, nous avons appris
que des agents du ministère en charge des marchés visitaient inopinément
des commerçants pour soi-disant enquêter sur des produits périmés qui
sont régulièrement écoulés dans le marché par des revendeuses de
détails. Mais plus que le but recherché, c’est la procédure qui prête à
sourire. Car, des informations qui nous sont parvenues, ce sont des
équipes avec à leur traîne des policiers en tenue qui sillonnent le
marché à la recherche de grossistes indélicats. Or, les femmes auprès
desquelles les enquêtes sont menées, sont celles-là mêmes qui écoulent
les produits en voie de péremption ou déjà périmés. C’est à croire que
ces femmes accepteront de couper la branche sur laquelle elles sont
assises. Nous n’avons pas mis longtemps avant de découvrir le pot aux
roses. Des dires d’une commerçante, dans le domaine de l’écoulement des
produits périmés, « deux sociétés bien connues de la place (nous
nous gardons pour l’instant de révéler leurs noms) sont des spécialistes
en la matière et à l’approche des dates de péremption, elles
cassent les prix des produits, et la pauvreté aidant, les femmes se
ruent sur ces produits aux prix cassés ».
Selon la procédure adoptée par ces sociétés, « elles
s’arrangent pour vendre en détail aux bonnes femmes les produits dont
les dates de péremption sont imminentes et de ce fait, elles arrivent à
toujours tirer leur épingle du jeu, alors que ces revendeuses ne sont
pas souvent instruites pour déterminer la date exacte de péremption des
produits qu’elles écoulent », nous a confié une revendeuse ayant
requis l’anonymat. Celle-ci poursuit que ces sociétés poussent encore
plus loin le bouchon. « Parfois, elles s’arrangent pour modifier les
dates de péremption par des machines que la douane a participé à faire
entrer dans le pays par le Port autonome de Lomé (PAL) »,
ajoute-t-elle. Et pourtant, ce sont beaucoup de produits alimentaires
que ces sociétés font entrer dans le pays : lait, tomate, huile, pâte
alimentaire, pilchard, etc. Interrogée pour déterminer la manière de
lutter contre ce fléau, notre commerçante répond : « Avec les
milliards que le PAL brasse chaque mois, il est aisé pour le ministère
du Commerce, de concert avec les services douaniers qui seraient
soucieux de la santé des consommateurs, de détenir un fichier des
produits qui entrent sur le territoire avec leurs dates de péremption et
les grossistes qui les écoulent. Et de ce fait, les autorités savent
quand et chez quel fournisseur tel ou tel produit doit expirer. Il leur
sera alors aisé de remonter la piste des détaillants de ces gros
fournisseurs pour extirper des lots les produits périmés et ainsi éviter
qu’ils soient servis aux pauvres citoyens à majorité analphabètes ».
Au marché d’Adawlato, une autre forme de
concurrence déloyale s’est installée vis-à-vis des institutions
bancaires. Selon un autre commerçant spécialisé dans la commande de pâte
alimentaire, « des institutions bancaires comme la BTCI exigent des
mouvements sur des comptes qui frisent la mauvaise volonté d’aider les
commerçants à prospérer. Un client qui veut par exemple accéder à un
prêt de 10 millions de FCFA, doit effectuer sur son compte des
mouvements de fonds de près de 120 millions de FCFA. Nous avons été
victimes de cette situation ». Mais, même lorsque le prêt est
finalement octroyé à certains, ceux-ci doivent faire face à une autre
situation toute aussi déloyale, mais que les autorités en charge du
commerce entretiennent. A en croire ce commerçant, « lorsque vous
passez une commande en Chine pour un conteneur d’un produit que vous
êtes sûr d’écouler, la société fournisseuse en Chine dispose d’une
agence au grand marché à qui elle envoie 5 ou 10 conteneurs du même
produit. Résultat, vous êtes victime d’une mévente sans pareille parce
que l’agence chinoise vendra moins cher le produit. Finalement on ne
sait pas ce que sont devenues les règles du commerce international ».
Et pour mieux écouler leurs produits sur le marché, ces étrangers dont
des Chinois arpentent le grand marché comme le font les bonnes femmes
togolaises pour proposer des prix moins disants que ceux des nationaux.
La question qui revient sur les lèvres des commerçants est de savoir si
des commerçants togolais dans les marchés d’autres pays peuvent aussi se
permettre de pareilles pratiques pour saper les chiffres d’affaires de
commerçants chinois dans des marchés chinois.
D’après les informations reçues, les
enquêteurs se focalisent sur les revendeuses de détails et ignorent les
gros poissons. Bref, on laisse la proie pour l’ombre alors qu’en matière
de fraude, le voleur est puni au même titre que le receleur. La plupart
de ceux qui ont bien voulu témoigner connaissent ceux qui écoulent les
produits périmés, sauf bien sûr les enquêteurs. Et ils affirment que
c’est à cause des dessous de table et autres prises de participation
dans ces sociétés de certaines autorités qu’on a de la peine à réprimer
les fautifs. Des échanges que nous avons eues avec certains commerçants,
il ressort que loin de s’inscrire dans une procédure xénophobe, ils
souhaitent ardemment qu’une réelle réglementation du commerce soit mise
en place pour non pas exclure les étrangers, mais promouvoir
l’épanouissement des citoyens togolais car après tout, chaque pays doit
avoir à cœur la promotion de son commerce par ses citoyens.
Godson K.Liberte Togo
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