Thursday, August 28, 2014

TOGO: Des étrangers qui cassent les prix, des produits périmés écoulés avec la complicité de certaines sociétés

Réglementation du commerce au Togo
Légzim-Balouki, ministre du Commerce
Légzim-Balouki, ministre du Commerce
Il y a moins de trois mois, un Forum consultatif sur le commerce au Togo s’est tenu au Centre togolais des expositions et foires (Cetef) avec pour objectif de faire l’état des lieux du commerce au Togo. Mais comme pour montrer que les recommandations de cette rencontre iront rejoindre celles déjà existantes sans que les autorités ne posent des actes incitatifs et encourageants, voici rapportées par des commerçants, quelques réalités au grand marché de Lomé. Des conditions d’accès aux prêts exorbitantes pour des commerçants nationaux, des méthodes d’enquêtes sur l’écoulement de produits périmés trop archaïques et des sociétés qui écoulent toujours des produits périmés sans être rappelées à l’ordre, le tout couronné par une concurrence déloyale des étrangers envers les nationaux… le commerce au Togo nourrit l’étranger, mais appauvrit l’autochtone.
Les 5 et 6 juin 2014 s’est tenue au Cetef une rencontre sur le commerce au Togo. Le but étant de dégager des recommandations pour faire du commerce un levier de développement de l’économie togolaise. Ces recommandations ont-elles été adressées à qui de droit ? Dans l’affirmative, La ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur Privé, Bernadette Légzim-Balouki a-t-elle la carrure requise pour traduire ces recommandations dans les faits ? Les échos qui nous parviennent du grand marché d’Adawlato (même si le bâtiment central a été incendié par des pyromanes jaloux des acquis des femmes de ce marché) montrent qu’en matière de commerce au Togo, les adhérents à ce métier ne sont pas logés à la même enseigne.
Il y a deux semaines, nous avons appris que des agents du ministère en charge des marchés visitaient inopinément des commerçants pour soi-disant enquêter sur des produits périmés qui sont régulièrement écoulés dans le marché par des revendeuses de détails. Mais plus que le but recherché, c’est la procédure qui prête à sourire. Car, des informations qui nous sont parvenues, ce sont des équipes avec à leur traîne des policiers en tenue qui sillonnent le marché à la recherche de grossistes indélicats. Or, les femmes auprès desquelles les enquêtes sont menées, sont celles-là mêmes qui écoulent les produits en voie de péremption ou déjà périmés. C’est à croire que ces femmes accepteront de couper la branche sur laquelle elles sont assises. Nous n’avons pas mis longtemps avant de découvrir le pot aux roses. Des dires d’une commerçante, dans le domaine de l’écoulement des produits périmés, « deux sociétés bien connues de la place (nous nous gardons pour l’instant de révéler leurs noms) sont des spécialistes en la matière et à l’approche des dates de péremption, elles cassent les prix des produits, et la pauvreté aidant, les femmes se ruent sur ces produits aux prix cassés ».
Selon la procédure adoptée par ces sociétés, « elles s’arrangent pour vendre en détail aux bonnes femmes les produits dont les dates de péremption sont imminentes et de ce fait, elles arrivent à toujours tirer leur épingle du jeu, alors que ces revendeuses ne sont pas souvent instruites pour déterminer la date exacte de péremption des produits qu’elles écoulent », nous a confié une revendeuse ayant requis l’anonymat. Celle-ci poursuit que ces sociétés poussent encore plus loin le bouchon. « Parfois, elles s’arrangent pour modifier les dates de péremption par des machines que la douane a participé à faire entrer dans le pays par le Port autonome de Lomé (PAL) », ajoute-t-elle. Et pourtant, ce sont beaucoup de produits alimentaires que ces sociétés font entrer dans le pays : lait, tomate, huile, pâte alimentaire, pilchard, etc. Interrogée pour déterminer la manière de lutter contre ce fléau, notre commerçante répond : « Avec les milliards que le PAL brasse chaque mois, il est aisé pour le ministère du Commerce, de concert avec les services douaniers qui seraient soucieux de la santé des consommateurs, de détenir un fichier des produits qui entrent sur le territoire avec leurs dates de péremption et les grossistes qui les écoulent. Et de ce fait, les autorités savent quand et chez quel fournisseur tel ou tel produit doit expirer. Il leur sera alors aisé de remonter la piste des détaillants de ces gros fournisseurs pour extirper des lots les produits périmés et ainsi éviter qu’ils soient servis aux pauvres citoyens à majorité analphabètes ».
Au marché d’Adawlato, une autre forme de concurrence déloyale s’est installée vis-à-vis des institutions bancaires. Selon un autre commerçant spécialisé dans la commande de pâte alimentaire, « des institutions bancaires comme la BTCI exigent des mouvements sur des comptes qui frisent la mauvaise volonté d’aider les commerçants à prospérer. Un client qui veut par exemple accéder à un prêt de 10 millions de FCFA, doit effectuer sur son compte des mouvements de fonds de près de 120 millions de FCFA. Nous avons été victimes de cette situation ». Mais, même lorsque le prêt est finalement octroyé à certains, ceux-ci doivent faire face à une autre situation toute aussi déloyale, mais que les autorités en charge du commerce entretiennent. A en croire ce commerçant, « lorsque vous passez une commande en Chine pour un conteneur d’un produit que vous êtes sûr d’écouler, la société fournisseuse en Chine dispose d’une agence au grand marché à qui elle envoie 5 ou 10 conteneurs du même produit. Résultat, vous êtes victime d’une mévente sans pareille parce que l’agence chinoise vendra moins cher le produit. Finalement on ne sait pas ce que sont devenues les règles du commerce international ». Et pour mieux écouler leurs produits sur le marché, ces étrangers dont des Chinois arpentent le grand marché comme le font les bonnes femmes togolaises pour proposer des prix moins disants que ceux des nationaux. La question qui revient sur les lèvres des commerçants est de savoir si des commerçants togolais dans les marchés d’autres pays peuvent aussi se permettre de pareilles pratiques pour saper les chiffres d’affaires de commerçants chinois dans des marchés chinois.
D’après les informations reçues, les enquêteurs se focalisent sur les revendeuses de détails et ignorent les gros poissons. Bref, on laisse la proie pour l’ombre alors qu’en matière de fraude, le voleur est puni au même titre que le receleur. La plupart de ceux qui ont bien voulu témoigner connaissent ceux qui écoulent les produits périmés, sauf bien sûr les enquêteurs. Et ils affirment que c’est à cause des dessous de table et autres prises de participation dans ces sociétés de certaines autorités qu’on a de la peine à réprimer les fautifs. Des échanges que nous avons eues avec certains commerçants, il ressort que loin de s’inscrire dans une procédure xénophobe, ils souhaitent ardemment qu’une réelle réglementation du commerce soit mise en place pour non pas exclure les étrangers, mais promouvoir l’épanouissement des citoyens togolais car après tout, chaque pays doit avoir à cœur la promotion de son commerce par ses citoyens.
Godson K.
Liberte Togo

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