Chaque
jour qui passe rapproche un peu plus du scrutin présidentiel de 2015.
Malgré les dénonciations, le pouvoir continue les préparatifs
unilatéraux et le verrouillage du processus. Le dernier acte, c’est
l’élection des membres de la Cour constitutionnelle. Ou plutôt la
reconduction des anciens pensionnaires, spécialistes des forfaitures.
Toutes choses qui illustrent les intentions obscurantistes du Prince qui
aspire à une nouvelle pige.
Six anciens reconduits
Ouverte depuis le mardi 9 septembre et
suspendue afin de permettre des tractations entre les différentes
parties, la séance extraordinaire de l’Assemblée nationale consacrée à
l’élection des seize (16) membres de la Commission électorale nationale
indépendante (Céni) et des six (06) de la Cour constitutionnelle, dans
le cadre de l’élection présidentielle de l’année prochaine, a repris
lundi dernier et abouti au choix des nouveaux (sic) membres de la Cour
constitutionnelle.
Ils ont pour noms : Mme Hohouéto Ablavi
Méwa, Amados-Djoko Koami, Nahm-Tougli Mipamb, Aboudou Salami Mama Sani,
Polo Arégba et Tagbé Koffi. Ce sont en réalité les anciens pensionnaires
de l’équipe sortante en place depuis 2007 qui ont été reconduits. Des
gens qui se sont illustrés par des forfaitures. Plus qu’une élection,
c’est en fait à une reconduction qu’on a assisté. Il ne reste que les
trois (03) autres membres que devra nommer Faure Gnassingbé. Et de toute
vraisemblance, les mêmes personnes (ou presque) devraient être
reconduites. Même si des indiscrétions font état de l’entrée de
l’ancienne présidente de la Céni de 1998 et néo-retraitée de la Cour de
justice de la Cédéao, Mme Awa Nana, pressentie à la présidence de cette
Cour constitutionnelle, en remplacement d’Aboudou Assouma. Sauf
revirement de dernière minute, ce dernier devrait tout de même être
reconduit au sein de l’équipe.
Une fois de plus, l’obscurantisme du
pouvoir a encore parlé lors de cette séance. Au service du pouvoir
Rpt/Unir, le président de l’Assemblée a refusé d’accéder à une requête
simple de l’opposition parlementaire, celle de connaitre l’identité, les
compétences et de s’assurer de la probité morale des candidats à la
Cour constitutionnelle. Ce qui a poussé les députés Anc-Addi et de la
Coalition Arc-en-ciel à boycotter le vote.
Un passé fait de forfaitures
« La Cour constitutionnelle est la
plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est
juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits
fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est
l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité
des pouvoirs publics », indique l’article 99 de la Constitution. Dispositions complétées par l’article 104, par rapport aux élections : «La Cour constitutionnelle est la juridiction chargée de
veiller au respect des dispositions de la Constitution. La Cour
constitutionnelle juge de la régularité des consultations référendaires,
des élections présidentielles, législatives et sénatoriales. Elle
statue sur le contentieux de ces consultations et élections ».
C’est en somme une mission importante pour l’enracinement de la
démocratie et assez noble qui est assignée à la Cour constitutionnelle.
Raison pour laquelle ses membres sont censés répondre à certaines vertus
comme l’intégrité et la probité morale.
Le renouvellement de la Cour
constitutionnelle fait partie des exigences de l’opposition. Cette
élection des six membres est une étape de franchie dans le processus et
devrait mettre du baume au cœur des Togolais, au vu de l’expérience
qu’ont ces hommes et femmes de la mission qui leur est assignée. Les
différentes équipes de la Cour constitutionnelle, de toute l’histoire
électorale du Togo, n’ont pas laissé une bonne image dans la mémoire
collective. Mais la carte de visite des nouveaux élus, ou plutôt le
passé peu glorieux de l’équipe d’Aboudou Assouma dont ils sont membres
pousse à se retenir et nourrir des appréhensions fort légitimes. Il
suffit de se transporter en 2010 pour s’en convaincre.
La validation des résultats frauduleux
est une caractéristique commune à toutes les Cours constitutionnelles du
Togo. Mais le scrutin du 4 mars 2010 était sorti du lot. Au-delà des
traditionnelles irrégularités et fraudes massives qui ont eu lieu, la
phase de proclamation du verdict a été caractérisée par le sabotage en
règle du Vsat, le système installé et testé pour la transmission des
résultats sortis des urnes, afin de sauver leur crédibilité. Alors qu’il
fonctionnait normalement ce 6 mars 2010, une panne technique fut
alléguée pour abandonner son usage. Il était simplement saboté dans les
officines obscures du pouvoir qui redoutait la défaite de son pion, car
les résultats qui tombaient donnaient son challenger Jean-Pierre Fabre
large vainqueur. Le plan B concocté fut mis en branle, avec un homme aux
commandes, Pascal Bodjona, à l’époque tout-puissant ministre de
l’Administration territoriale, mais aujourd’hui pensionnaire de la
prison civile de Tsévié. Les présidents des Célis furent héliportés à
Lomé et les résultats proclamés sans authentification, en toute
violation des dispositions légales. Conséquence, Faure Gnassingbé fut
déclaré vainqueur. Ce scénario pourtant clair n’avait pas empêché la
Cour constitutionnelle de valider les résultats proclamés par la Céni.
Novembre 2010. Pour avoir trahi ses
desseins obscurs, Gilchrist Olympio en voulaient à mort à Jean-Pierre
Fabre et les siens qui ont décelé très tôt son manège lors du dépôt des
candidatures à la présidentielle de 2010. Il brandit alors de pseudos
pactes de fidélité à l’Union des forces de changement (Ufc) des députés
élus, les transmet au président de l’Assemblée nationale de l’époque,
Abass Bonfoh, et demanda que neuf (09) d’entre eux apparentés à
l’Alliance nationale pour le changement (Anc) soient exclus. Cette
requête ne répondait à aucune disposition légale et, qui plus est,
violait la Constitution qui interdit tout mandat impératif. Au cours de
la séance plénière convoquée pour les besoins de la cause, les règles de
procédures inscrites dans le règlement intérieur de l’Assemblée
nationale ont été violées, les concernés privés de parole. L’un d’eux
qui avait réussi à s’exprimer n’avait pas été écouté. Comme si de rien
n’était, Abass Bonfoh introduit le dossier à la Cour constitutionnelle.
Aboudou Assouma et les siens, parmi lesquels les six nouveaux membres de
la Cour constitutionnelle de 2014 qui devraient prendre de la hauteur,
ont commis la forfaiture d’exclure ces neuf députés. Une décision qui va
valoir au Togo opprobre et discrédit à travers le monde, et surtout
coûter des centaines de millions de FCFA de dédommagement au
contribuable. La Cour de justice de la Cédéao n’a pas hésité à condamner
notre pays. Cette erreur, la Cour constitutionnelle pouvait l’éviter.
Et pourtant les victimes et la presse avaient attiré l’attention
d’Aboudou Assouma là-dessus. Mais rien n’y fit.
Les intentions obscures se précisent
Dire que ce sont les auteurs de telles
forfaitures qui sont reconduits pour connaitre des résultats d’un
scrutin aussi crucial pour la démocratie et le sort de l’alternance que
celui de 2015, ne peut qu’augmenter les appréhensions sur leurs
prestations. On savait le pouvoir Faure Gnassingbé dans une logique de
verrouillage du scrutin. La préparation unilatérale du processus et la
fixation des règles iniques y participent. Et jour après jour, il pose
donc les pions du hold-up.
La reconduction de ces spécialistes des
forfaitures à la Cour constitutionnelle n’est qu’une confirmation des
desseins obscurs du Prince qui veut rempiler au pouvoir. On s’en
convainc davantage lorsqu’on voit la carte de visite de certains élus de
la Céni : Taffa Tabiou, Kolani Lardja et Extase Akpotsui. Il s’agit des
carriéristes et experts en fraudes électorales. Ce dernier est même
fiché comme le saboteur du Vsat en 2010. On ne change pas une équipe qui
gagne, dit-on. La devise semble être : on prend les mêmes, et on
recommence (à préparer) le hold-up!
Tino Kossi
No comments:
Post a Comment