A la faveur du débat qui a cours autour
de la question des réformes constitutionnelles et institutionnelles, cet
ancien président des travaux du Dialogue national ayant débouché sur
l’APG (Accord Politique Global) revient dans cette interview sur la
compréhension qu’il se fait du principe de la rétroactivité.
La non-rétroactivité, dit-il, peut se
concevoir pour le « premier mandat que le Président Faure Gnassingbé a
exercé de 2005 à 2010 ». « Elle ne peut en revanche s’appliquer au
second mandat que le Président en exercice a débuté en 2010 et qui n’est
pas révolu à ce jour » et de mettre l’accent sur le fait que plusieurs
responsables de CAP 2015 ont déclaré sur des médias qu’il « n’existe
pas d’obstacle juridique à ce que le Président en exercice brigue un
nouveau mandat ». Le parti au pouvoir UNIR a-t-il la même vision des
choses que lui ?
Sur le sujet, Me Yawovi AGBOYIBO fait
une révélation. « En réalité les esprits sont divisés à UNIR sur
l’abandon du mandat présidentiel illimité et du mode de scrutin à un
tour », avance-t-il. Lire l’intégralité de l’entretien accordé à
l’Agence de presse Afreepress.
Afreepress
: Depuis le mois de novembre, le pays est confronté à un bras de fer
entre l’opposition et les partisans du pouvoir à propos des réformes
institutionnelles et constitutionnelles, notamment au sujet de la
limitation du mandat présidentiel et sur le point de savoir, au cas où
le nombre de mandats serait limité à deux, si le Président de la
République en exercice peut être candidat au prochain scrutin
présidentiel.
Quelle est votre opinion sur le sujet ?
Yawovi AGBOYIBO : Si
j’ai accepté de me prêter à cet entretien, c’est exclusivement en ma
qualité de juriste et pour avoir dirigé le Dialogue national de 2006
clôturé par l’APG. Le volet concernant les réformes institutionnelles ne
peut s’appliquer sans qu’on ait à l’esprit les préoccupations qui ont
guidé les discussions.
Pour venir à votre question, je constate
à l’écoute des points de vue du pouvoir et de l’opposition un consensus
sur la nécessité de limiter le mandat présidentiel. Je m’en réjouis.
C’est parce que le mandat présidentiel était illimité et couplé avec le
mode de scrutin à un tour, que le même bord politique a pu garder le
pouvoir pendant près de 50 ans et s’en est servi pour verrouiller toutes
les institutions de gouvernance des libertés publiques, des
consultations électorales et des richesses nationales.
Les populations ne peuvent pas
indéfiniment supporter les travers que le Chef de l’Etat a dénoncés dans
ses messages à la Nation du 31 décembre 2012 et du 26 avril 2013 en
parlant d’accaparement des richesses nationales par une minorité. Les
citoyens finissent par en être surchauffés. Il faut éviter de faire
sauter le couvercle. C’est sans doute pour en avoir pris la température
que le Chef de l’Etat a fait initier en juin 2014 par le gouvernement,
un projet de révision constitutionnelle comportant entre autres, la
limitation du mandat présidentiel et le mode de scrutin à deux tours.
Le projet a été malheureusement rejeté
le 30 juin 2014 par l’Assemblée Nationale parce que les députés UNIR ont
estimé qu’il fallait faire reconnaitre par l’opposition que les
réformes à opérer ne peuvent pas être rétroactives et empêcher le
Président en exercice de briguer un nouveau mandat.
Le projet, à l’initiative du CAR et de
l’ADDI, a été repris par l’opposition, sous forme de proposition de
réformes constitutionnelles. A l’occasion de l’examen de la proposition,
la divergence a refait surface.
Afreepress : Quelle est alors, à votre avis, la manière de surmonter ce désaccord ?
Yawovi AGBOYIBO : La
polémique aurait été moindre si on s’était aperçu que la
non-rétroactivité ne s’applique qu’à des situations révolues et qu’il
fallait procéder à l’application par mandat. Dans cette optique, la
non-rétroactivité se conçoit pour le premier mandat que le Président
Faure Gnassingbé a exercé de 2005 à 2010. Elle ne peut en revanche
s’appliquer au second mandat que le Président en exercice a débuté en
2010 et qui n’est pas révolu à ce jour.
Ce point de vue n’est pas un compromis à
concéder par l’opposition mais la réponse qui s’impose au regard du
droit à la question posée.
Afreepress : Est-il partagé par vos partenaires de l’opposition ?
Yawovi AGBOYIBO : Des
responsables du CAP 2015 ont déclaré sur les médias qu’il n’existe pas
d’obstacle juridique à ce que le Président en exercice brigue un nouveau
mandat.
Afreepress : S’il en est ainsi,
pourquoi fait-on circuler au sein de la population que c’est le refus
par l’opposition de concéder ce nouveau mandat qui est la cause du
blocage des réformes ?
Yawovi AGBOYIBO : Il y a
effectivement de quoi s’en intriguer. Rien ne justifie la clarification
que réclament les députés de l’UNIR à l’opposition. Elle découle de
l’application des principes de référence en la matière. Sa réclamation
s’apparente davantage à une manœuvre. En réalité les esprits sont
divisés à UNIR sur l’abandon du mandat présidentiel illimité et du mode
de scrutin à un tour. Certains d’entre eux préfèrent que les réformes
soient opérées après le scrutin présidentiel de 2015 dans le but de
faire couvrir le mandat en cours par la non-rétroactivité et d’offrir
par là au Président en exercice la faculté de briguer deux nouveaux
mandats de 5 ans au lieu d’un. D’autres vont plus loin : ils trouvent
absurde que l’UNIR abandonne de son propre gré un système de mandat et
un mode de scrutin grâce auxquels il a gagné dans le passé toutes les
élections présidentielles et qui lui garantissent à l’avenir la
pérennité du pouvoir.
Afreepress : Mais d’aucuns
pensent que le blocage des réformes provient plutôt des rangs de
l’opposition où certains, tout en revendiquant publiquement les
réformes, agissent dans l’ombre pour les empêcher de manière à maintenir
le mode de scrutin à un tour et justifier la nécessité d’une
candidature unique de l’opposition. Qu’en dites-vous ?
Yawovi AGBOYIBO : Je
n’ai pas de commentaire à faire à ce propos. J’ai la conviction ferme
que, dans le contexte actuel, la candidature unique est une stratégie
erronée pour parvenir à l’alternance. Je ne pense pas, en dépit des
apparences, qu’elle soit la façon la plus indiquée de réaliser la
dynamique unitaire propice à la réalisation de l’alternance.
Je disais plus haut que le mandat
présidentiel et le mode de scrutin à un tour constituent les deux
piliers du régime en place. La grande illusion à ne pas servir à nos
populations est de leur faire croire que l’opposition peut réaliser
l’alternance sans faire tomber ces deux piliers, pourvu qu’elles se
mobilisent derrière un candidat unique.
Les actions de l’ombre dont vous parlez
sont d’autant plus contreproductives que les conditions sont aujourd’hui
réunies pour l’adoption de la proposition de réformes comportant entre
autres, la limitation du mandat présidentiel et le remplacement du
scrutin à un tour par un scrutin à deux tours.
Par cette adoption la victoire sera
désormais à portée de main. Il suffira à l’opposition de substituer la
dynamique unitaire actuelle bâtie sur l’idée de la candidature unique à
une dynamique unitaire construite sur le mode de scrutin à deux tours :
tous les candidats potentiels mobilisent chacun son fief au premier tour
et se retrouvent derrière celui qui viendra à être qualifié pour le
second tour.
Afreepress : Votre mot de fin ?
Yawovi AGBOYIBO : Merci à Afreepress et à ses lecteurs.
Interview réalisé par A.G.
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