Les Togolais se rappellent ce 5 octobre,
le soulèvement populaire qui a marqué le début du processus de
démocratisation de notre pays. 25 ans après, cette lutte peine à aboutir
au grand désarroi du peuple. Claude Améganvi, président du Parti des
Travailleurs, nous livre ici quelques obstacles qui handicapent la lutte
pour l’avènement de la démocratie au Togo. Lecture !
icilome : Que représente le 5 octobre pour vous aujourd’hui ?
Claude Améganvi : Permettez-moi d’abord, avant de répondre à cette
question de rendre un hommage solennel aux plus de 10 000 martyrs qui
sont morts assassinés pendant les 25 ans de lutte qui nous séparent de
cette mémorable date où le peuple togolais a commencé à reprendre ses
droits face à un régime dictatorial qui s’est imposé à lui depuis 23
ans.
Le lourd sacrifice que constitue leur perte ne sera pas vain et ne
restera pas impuni : un jour que nous souhaitons vivement très proche,
justice leur sera rendue.
J’ajouterai que, pour moi, le 5 octobre représente une date où a
commencé à être bouleversé l’ensemble des rapports politiques édifiés au
Togo depuis l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le 13 janvier 1963.
Une date qui continue à vivre dans la conscience du peuple togolais
parce qu’il a commencé ce jour-là une révolution qu’il peine à achever
justement, parce que cette révolution a été trahie par ceux-là mêmes qui
se sont portés à la direction politique de la lutte depuis 25 ans.
Pensez-vous qu’une telle révolution est encore possible aujourd’hui au Togo ?
Plus que jamais ! Comme vient de nous le démontrer de manière magistrale
le peuple burkinabè qui s’est levé et a réussi à balayer, l’année
dernière, la dictature vieille de 27 ans de Blaise COMPAORE et, près
d’un an après, les putschistes qui ont tenté de s’imposer à lui par le
chantage du coup d’Etat du 16 septembre dernier.
D’aucuns disent que cette révolution n’a pas été bien gérée. Dites-nous, qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Ce qui n’a pas marché ? C’est la duperie dont ont fait preuve les «
leaders » qui se sont accaparés de la direction politique de la lutte,
en faisant faussement croire au peuple qu’ils voulaient la fin de la
dictature du clan des GNASSINGBE alors qu’en réalité, ils n’ont jamais
voulu son départ.
Rappelez-vous de comment en avril 1991, à la découverte des massacres de
la Lagune de Bè, Joseph Kokou KOFFIGOH et Yawovi AGBOYIBO se sont
ouvertement opposés au départ d’EYADEMA en prétendant qu’il y aurait un «
vide politique » et qu’il n’y aurait plus personne avec qui ils
pourraient discuter alors que ce départ était unanimement exigé par le
peuple insurgé.
Rappelez-vous de la proposition faite au mois de janvier de cette année
2015 par les groupes parlementaires CAR et ADDI, bientôt suivis par
l’ANC, de « Donner un 3e mandat à Faure GNASSINGBE » pour qu’il se
maintienne encore au pouvoir pour 5 à 10 nouvelles années.
Rappelez-vous qu’entre ces deux dates : avril 1991 – janvier 2015, nous
avons eu plus d’une vingtaine de « dialogues », « négociations » et
autres « accords » entre le régime RPT ou UNIR et les « leaders » de la
plupart des partis institutionnels de l’opposition dont l’objectif a
toujours été de négocier des solutions de parage du pouvoir avec EYADEMA
ou son fils Faure Essozimna. Et force est pour nous de constater
aujourd’hui que la plupart des responsables de ces partis ont fini par
rallier le RPT pour aller satisfaire leurs intérêts personnels.
Exagérons nous ?
Sachez que sur les 10 formations politiques qui ont constitué le Front
de l’opposition démocratique en 1991 (CAR, CDPA, CDPA-BT, FDT-France,
PAD, PDU, SDT, UDS, UTD), l’écrasante majorité suivie par d’autres qui
se sont créés par la suite, sauf 3 d’entre eux (CDPA-BT, FDT-France,
SDT), est passée au RPT et à l’UNIR ou a participé et continue de
participer à une formule gouvernementale avec lui. Pour quels intérêts ?
Certainement pas ceux du peuple togolais, si on en juge par la
situation catastrophique dans laquelle il se trouve aujourd’hui.
Nous n’hésitons pas à caractériser ces partis et les responsables qui
ont inspiré leur politique pour ce qu’ils sont : ce sont des traîtres !
C’est pourquoi nous disons qu’il faut que le peuple togolais rejette
cette direction politique corrompue, indifférente à tant de précieuses
vies humaines perdues avec plus des 10 000 morts que nous avons eus,
direction qui a également fait perdre 25 bonnes années au même peuple
togolais qui doit désormais prendre sa propre lutte en main comme le
peuple burkinabè vient de nous en administrer une magistrale leçon.
Dans cette voie-là, nous ne tarderons pas à conduire un nouveau
soulèvement populaire qui surviendrait à la victoire parce qu’il est
désormais clair pour tous qu’il est illusoire de chercher à se
débarrasser de cette dictature du clan des GNASSINGBE par la voie des
urnes alors que, pour se maintenir au pouvoir, elle s’est spécialisée
dans l’organisation de mascarades électorales sur mascarades.
Dans la marche vers la démocratie et l’Etat de droit, les Togolais
ont-ils fait plus que les Burkinabé que les autres peuples apprécient
dans la sous-région ?
Non, nous n’avons pas fait plus que les burkinabè parce que la lutte du
peuple togolais a été constamment désorganisée, divisée, désorientée par
les « leaders » traîtres de l’opposition. Il faut que le peuple
togolais apprenne à savoir dire « NON ! » aux inacceptables propositions
qu’on lui fait, comme l’a fait le peuple burkinabè en disant « NON ! »
aux inacceptables 12 propositions de la mission de la CEDEAO, même si
ces propositions lui viennent des « leaders » opportunistes.
La condition pour ce faire, c’est que le peuple apprenne à
s’auto-organiser en toute indépendance avec l’aide des organisations de
la société civile et des partis politiques qui sont restés fidèles à ses
aspirations.
Qu’est-ce qui manque à l’opposition pour réaliser l’alternance au Togo ?
Qu’on fasse le ménage dans nos rangs en sachant mettre de côté tous ceux
qui viennent proposer les fausses solutions que sont les négociations,
dialogues, accords et autres participations aux mascarades d’élection
sur la base de fichiers électoraux truqués pour sauver le régime
RPT/UNIR qui fait tant souffrir le peuple togolais.
Lorsqu’on sait tout le vol et le pillage qui se passe au quotidien à
l’ombre de ce régime qui, selon les informations provenant de sources
autorisées, organise une fuite illicite de capitaux à hauteur de plus 9
000 milliards de F CFA en l’espace de 2 ou 3 ans, il faut qu’on arrête
de s’amuser avec la vie et le destin du peuple togolais, alors lorsqu’on
sait que nombre de familles n’ont même pas les moyens de s’assurer un
seul repas quotidien chaque jour.
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