RFI : Quelle est la première mesure que Jean-Pierre Fabre prendra s’il est élu au soir de l’élection ?
Eric Dupuy : On veillera à ce que les réformes institutionnelles, constitutionnelles, électorales soient mises en place. Il y a la réforme du mode de scrutin, il y a la limitation du mandat présidentiel qui s’appliquera immédiatement pour lui-même. Il y a également la décentralisation, la réforme de la justice parce qu’aujourd’hui, malgré des milliards investis par la communauté internationale, notre justice est toujours soumise à ce régime.
Les Togolais attendent des réformes économiques, comment comptez-vous vous y prendre pour donner du travail à la jeunesse togolaise ?
D’abord, il faut s’occuper de la formation. Donc l’objectif de Jean-Pierre Fabre est de créer des lycées techniques notamment pour l’agriculture, parce que l’agriculture représente une bonne part dans l’économie de notre pays, mais l’agriculture est sous-développée puisqu’aujourd’hui encore, on utilise les dabas, les roues, les coupecoupes. Donc il y a une modernisation de l’agriculture et en même temps une réorientation de la main d’œuvre de la jeunesse après une solide formation technique.
On reproche souvent à Jean-Pierre Fabre d’entretenir des rapports difficiles avec l’armée. Est-ce que c’est un fantasme ou une réalité ?
C’est un fantasme. Jean-Pierre Fabre a de bonnes relations avec certains officiers, mais on doit regretter quand même que pendant trop longtemps le régime a utilisé l’armée pour des basses besognes, rappelez-vous 2005(une élections entachée de fraudes et de violences, NDLR). Mais je pense que tout cela est train de s’estomper. Nous devons continuer à soutenir cette armée et surtout à faire de cette armée, une armée véritablement républicaine.
En 2010, déjà Jean-Pierre Fabre était candidat à la présidentielle, il avait était crédité de 33% des voix. Qu’est-ce qui vous permet de penser qu’il peut faire mieux aujourd’hui ?
En 2010, il a été crédité de 33% des voix, mais il a toujours dit, il a toujours clamé sa victoire. Souvenez-vous qu’il a marché à Lomé tous les samedis pendant cinq années pour dire que, en réalité, c’est lui qui avait gagné la présidentielle de 2010.
Qu’est-ce qui lui permet de penser que les choses sont différentes aujourd’hui ? Les conditions pour un scrutin transparent sont réunies selon vous ?
Je ne pense pas que les conditions de transparence soient réunies, mais nous travaillons. Nous avons mis en place toute une structure qui compte 20 000 personnes environ pour collecter très rapidement tous les procès verbaux, bureau de vote par bureau de vote, les compiler dans un endroit sûr et pouvoir confronter ces résultats avec ceux proclamés par la Céni. Il sera difficile à ce régime d’annoncer des résultats qui seraient différents de ceux que nous avons en notre possession.
Lundi, vous avez adressé un courrier au président de la République pour dénoncer le système de compilation des résultats, que reprochez-vous à ce système baptisé SUCCES ?
C’est un outil de fraude parce que c’est une compilation parallèle. Nous ne savons pas quel est le système mis en place, nous n’avons pas accès à ces ordinateurs, nous ne connaissons pas les personnes chargées de transmettre les informations. Il faut que la Céni respecte le code électoral et prononce les résultats provisoires seulement après vérification des procès verbaux. Si Faure Gnassingbé s’entête à opérer un coup de force, ça risque de créer de graves incidents dans notre pays. Nous connaissons notre pays, nous savons queles résultats frauduleux annoncés risqueraient de provoquer un soulèvement populaire.
Le fichier électoral alimente aussi les débats. Le report de l’élection a permis à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de supprimer environ 50 000 doublons sur un fichier d’environ 3,5 millions d’électeurs. Vous aviez pourtant, il y a quelques semaines, porté plainte contre l’entreprise en charge de ce fichier estimant qu’elle comportait 30% d’électeurs fictifs. Finalement, vous acceptez le nouveau fichier, vous vous étiez trompés dans votre analyse ?
Non pas du tout. Vous savez qu’entre-temps, en attendant que l’OIF arrive, le fichier a été purgé de nombreuses anomalies et de dysfonctionnements, nous le savons, pour éviter que les experts de l’OIF s’en aperçoivent. La deuxième chose, nous continuons à dire que ce fichier n’est pas totalement fiable. L’Etat civil togolais ne permet pas d’ôter de notre fichier les décès qui sont intervenus depuis 2013. Et puis, il y a une curiosité, c’est que le fichier de 2015 est supérieur à celui de 2013, en cinq ans, notre fichier a été augmenté de 500 000 personnes.
Pourquoi accepter finalement de concourir finalement sur la base d’un fichier électoral que vous jugez biaisé ?
Nous avons pratiqué le boycott en 1993 et le père de Faure Gnassingbé a été élu avec moins de 16% des électeurs. En 2002, nous avons boycotté les législatives, ça a permis à Faure Gnassingbé et son père de tripatouiller la Constitution. Quand on a commis des erreurs, il faut éviter d’en commettre une troisième. Donc aujourd’hui, nous sommes prêts à aller à cette élection persuadés que la population togolaise en a assez de la même famille à la tête de notre pays depuis plus de 50 ans.
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