Colloque économique les 5&6 Mars 2015 tenu à Lomé avec la
participation de l'économiste Nadim Michel KALIFE, 1er Doyen de l'ESTEG
(en 1975/76) rebaptisée FASEG qui nous livre le résumé de sa
communication portant sur GOUVERNANCE & EMERGENCE
Plan de l'exposé
• LE CONCEPT D'EMERGENCE
• LES EXPERIENCES DE HONG-KONG, SINGAPOUR ET MAURICE
• LA LEÇON A TIRER DE CES EXPERIENCES
• LES BLOCAGES A L’EMERGENCE DU TOGO
• CONCLUSION et RECOMMANDATIONS POUR L'EMERGENCE DU TOGO
I- LE CONCEPT DE PAYS EMERGENT
L’émergence résulte d’un parcours collectif nécessitant Audace, Rigueur
et Transparence dans la gestion publique. Sur son parcours d’émergence,
le pays connaît un progrès social généralisé aux masses populaires qui
bénéficient de la baisse accélérée du chômage et de la pauvreté grâce à
une nette amélioration de la qualité de l'enseignement, de la formation
professionnelle, des services de santé publique, du logement social et
des transports publics ainsi que des télécommunications.
A l'analyse historique des expériences d'émergence de Singapour,
Hong-Kong et de l'Île Maurice, il ressort que, pour y arriver, l’Etat a
dû assainir le climat des affaires et instaurer un partenariat
Public/Privé de confiance, jusqu'à prendre des participations dans les
industries stratégiques, le grand commerce, les banques et assurances.
Il a même créé des agences spécialisées pour faciliter les
investissements privés en rassurant les hommes d’affaires.
Et, à titre d'accompagnement structurel des investisseurs, l'Etat a
équipé le pays de solides infrastructures sous forme de bonnes routes,
de grand port, d'aéroport international et des télécommunications
performantes. Il a aussi veillé à offrir une formation professionnelle
adaptée aux besoins de tous les secteurs économiques porteurs de
croissance et d'emploi. Enfin, tous ces progrès ont été accompagnés d’un
grand saut qualitatif en matière de démocratie politique.
Il faut savoir que ces avancées se sont faîtes grâce aux réformes suivantes:
• des réformes juridiques qui rassurent les citoyens et les
investisseurs jouissant de la sécurité physique, d'une justice non
corrompue et de l'absence d’arbitraire;
• des réformes institutionnelles qui ont instauré un véritable Etat de
droit luttant contre la corruption et l'impunité, de façon à inspirer la
confiance et la sécurité morale indispensable à l'entrepreneuriat et au
partenariat Public/Privé ;
• des réformes productives pour passer d'un mode de production
rudimentaire au stade moderne qui a permis d'exporter des produits
transformés à forte valeur ajoutée locale au lieu des produits primaires
du passé ;
• des réformes sérieuses dans l'attribution des marchés publics de façon
à favoriser la libre concurrence qui sert à améliorer les performances
de la dépense publique au service du bien-être général de la population ;
• des réformes sociales performantes qui améliorent rapidement du niveau
de vie de la population grâce à une formation professionnelle adaptée
aux besoins des investisseurs, une éducation nationale de qualité et de
bons hôpitaux pour tous;
Toutes ces réformes caractérisent la bonne gouvernance qui a permis à
certains pays pauvres d'émerger de la pauvreté pour vivre dans un
développement durable.
A contrario, la mauvaise gouvernance condamne le pays pauvre au
sous-emploi de ses forces vives, ce qui enfonce la population dans une
misère durable.
Pour illustrer le rapport entre Gouvernance et Emergence, je vais vous
exposer succinctement l'expérience de 3 petits pays qui dont les noms
évoquent les miracles de la bonne gouvernance et de l'émergence:
Hong-Kong, Singapour et Maurice.
II- L'EXPERIENCE D'EMERGENCE DE HONG-KONG
C'est un tout petit territoire de 1.100 km² avec 7 millions d’habitants
qui affiche aujourd'hui environ 40.000 US$ de revenu par tête et le rang
de 9ème puissance commerciale du monde. C'est un archipel pauvre en
ressources naturelles, certes, mais c'est son secteur des services qui
fournit 93% de son PIB et 88% de ses emplois. Quant à sa sphère de
production industrielle, elle est délocalisée en Chine Populaire voisine
où Hong Kong fait tout produire à bon marché dans plusieurs localités
de zone franche.
Et il faut savoir que c'est cet exemple du miracle économique de
Hong-Kong qui a inspiré les grandes entreprises américaines à venir
délocaliser leurs productions industrielles en Chine à partir de 1978,
date où Mme Thatcher et le Président Reagan ont adopté le néolibéralisme
de Friedman qui a abouti à la création de l'OMC en 1995 et à la
Mondialisation des échanges et de l'économie planétaire.
D'où vient le miracle économique de Hong-Kong?
Il repose essentiellement sur:
• la libre entreprise qui remonte au temps de la colonisation
britannique qui avait fait de cette enclave chinoise le principal centre
des échanges de l'immense Chine communiste avec l’Asie non communiste
et l'Occident ;
• l’Etat de droit que l’ancienne puissance coloniale britannique avait
institué à Hong-Kong pour servir de modèle politique en montrant aux
pays asiatiques menacés par la contamination communiste chinoise, la
supériorité du mode de vie capitaliste et libéral sur le collectivisme
du communisme chinois;
• un investissement massif dans la formation des ressources humaines qui
sont adaptées aux besoins des entreprises avec une éducation de haut
niveau;
• un système hospitalier très performant, qui rassure tous les résidents
et les nombreux touristes venant de toute l'Asie du Sud-est et
d'ailleurs ;
• une infrastructure commerciale très compétitive grâce notamment à la
sous-traitance industrielle dans les enclaves de zone franche de la
Chine voisine.
• un régime fiscal simple et allégé attirant les investisseurs ;
• une excellente infrastructure de transports et de télécommunications;;
• un système juridique solide et fiable, qui garantit les droits de propriété et le juste exercice du droit des affaires ;
• une stabilité macro-économique qui rassure les bailleurs de fonds et les IDE.
Toutefois, il faut rappeler ici que cette expérience de bonne
gouvernance de Hong-Kong fut initié par la volonté politique du
colonisateur britannique dans le contexte de "Guerre froide" de
l'après-guerre. La puissance coloniale avait instauré une dure
concurrence géostratégique, à caractère idéologique et politique, entre
le capitalisme libéral véhiculé par l'Occident et le communisme
collectiviste promu par la Chine Populaire de Mao-Tsé-Toung.
III- L'EXPERIENCE D'EMERGENCE DE SINGAPOUR
C'est une ville-Etat qui s'est détachée de la Malaisie en 1965 avec un
niveau de R/t de 500 US$. Aujourd'hui elle affiche 60.000 U$ de R/tête
avec un taux de croissance économique moyen de 9 % sur les 50 dernières
années, ce qui est le record mondial. En outre, chaque année Singapour
est classé 4ème ou 5ème rang mondial de l'indice de perception de la
corruption, derrière les pays nordiques et loin devant la France.
Sa pratique d'un partenariat Public/Privé très performant a contribué à
assainir le climat des affaires en éradiquant la corruption qui
prévalait à son indépendance en 1965. Le secteur des services, du
commerce et de la finance couvrent 22% du PIB, l’électronique 53 %,
l‘industrie pétrolière 17 %, et l’industrie chimique 8 %. Son ouverture
sur le monde fait que le commerce extérieur représente 3 fois le montant
de son PIB, notamment grâce à ses infrastructures: un aéroport
ultramoderne, le 1er port mondial pour conteneurs, et des
télécommunications les plus performantes.
Son économie, quoique de type capitaliste néolibéral, se caractérise par
son aspect très social, puisque 93 % des ménages sont propriétaires de
leur logement, ce qui protège sa population de la spéculation
immobilière qui sévit dans toutes les villes surpeuplées. Son taux
d’inflation tourne autour de 1%. Son taux de chômage n'est que de 3%, ce
qui représente un chômage frictionnel.
Son miracle économique repose sur sa gouvernance qui se caractérise par:
• Une politique d’harmonie interethnique et interreligieuse dans une population multiculturelle et multiconfessionnelle;
• Une politique de défense nationale renforçant le patriotisme singapourien;
• Une lutte efficace contre la forte corruption et l'impunité qui
sévissaient à l’Indépendance en 1965: son PM Lee Kwan Yew a dû procéder
à des arrestations, des appels à témoins, des enquêtes sur les comptes
bancaires, sur les revenus et les déclarations d'impôts des personnes
suspectes, toutes ces actions étant menées avec détermination, sans
réserves ni exceptions;
• Une politique nataliste adaptée aux exigences du développement;
• Des châtiments corporels des écoliers garçons et des militaires dans
le but de leur inculquer le sens du civisme, de la discipline et du
devoir patriotique;
• Le renouvellement des générations de talents en faisant place aux
jeunes générations en fonction de leurs performances et de leurs
mérites, sans discriminations ethniques.
Le miracle économique est redevable au PM Lee Kwan Yew qui a su montrer
que l’émergence est une question de volonté politique fondée sur la
bonne gouvernance qui encourage les opérateurs économiques à venir
investir et créer des emplois dans les secteurs que l'Etat veut
promouvoir en y allégeant la fiscalité..
Cela fut rendu possible grâce à la lutte effective contre la corruption
et l'impunité qui a renforcé l'efficacité du partenariat Public/Privé.
IV- L'EXPERIENCE D'EMERGENCE DE MAURICE
Parmi les 3 pays modèle d'émergence cités, seule l’île Maurice est
africaine. Elle est composée de 3 îles couvrant seulement 2.040 km² avec
1,3 millions d'habitants. C'était une colonie anglaise depuis 1810
qu'elle fut reprise à la France de Napoléon.
En 1967, le parti du futur Premier ministre Ramgoolam, d'origine
indienne, remporte les élections législatives et négocie avec la
puissance coloniale britannique l’accession de Maurice à l’Indépendance
le 12 mars 1968, tout en restant membre du Commonwealth.
Il faut savoir que l’opposition, constituée d'une minorité démographique
francophone de 32%, composée de Créoles Blancs et de Noirs Africains,
était contre l'indépendance par défiance envers la majorité
démographique des 68% d’origine indienne. Et au sein de cette majorité
indienne de 68%, il y avait de graves tensions religieuses entre les 51 %
d'hindouistes et les 17 % de musulmans, ce qui faisait craindre
l'instabilité politique.
A tout cela s’ajoutaient les difficultés sociales liées à la
surpopulation et au chômage dans une économie vivant alors
essentiellement de ses seules exportations de 650 000 tonnes/an de sucre
brut dont les cours fluctuaient souvent à la baisse.
Tous ces défis avaient amené les observateurs internationaux à prédire un sombre avenir à cette jeune République en 1968.
Heureusement que son Premier ministre, Sir Ramgoolam, sut pratiquer une
sage politique d’harmonie sociale en associant toutes les ethnies au
gouvernement et en pratiquant le consensus politique. Au niveau
économique, il s'appuya sur la France pour obtenir des débouchés à prix
garantis pour ses exportations de sucre dans le Marché Commun Européen
dont il sut obtenir l'aide et l'assistance technique dans le cadre des
Accords ACP-UE signés à Lomé en 1975. Cela lui permit de diversifier la
production de l'économie mauricienne dans l'industrie exportatrice avec
la création de zones franches.
Et voici qu'en 4 décennies, ce petit pays sans richesses naturelles a
obtenu dans le classement mondial de la compétitivité la première place
sur le continent africain.
Maurice est aussi répertorié comme un modèle d’État de droit et de cohabitation à la fois multiethnique et multiconfessionnel.
Elle vient même de devancer la France dans le classement mondial de l'indice de perception de la corruption.
Aujourd'hui, son R/tête atteint 9300 US$ alors que le Togo n'estb qu'à 600 US$.
Enfin, Maurice est, aujourd'hui, le seul pays du continent africain qualifié de "démocratie parfaite".
Mais comment Maurice a réussi à émerger ?
La canne à sucre couvre encore 90 % de la surface cultivée mais moins de
25 % de ses exportations, ceci grâce à la diversification de son
économie dans les secteurs l'industrie, des services et des NTIC. Sa
stratégie d'émergence repose sur 5 facteurs déterminants :
1. La diversification agricole et agro-industrielle orientée sur l'exportation vers les pays riches occidentaux;
2. Un secteur manufacturier dynamique employant plus de 100 000
personnes produisant pour l’exportation grâce à une Zone Franche
dynamique abritant 9.000 entreprises qui fournissent les 2/3 des
exportations mauriciennes
3. Le pari de la nouvelle économie en diversifiant sa production dans le secteur des nouvelles technologies
4. La promotion d'un tourisme de haut standing qui joue déjà un rôle
nouveau dans sa croissance économique, en attirant des touristes à fort
pouvoir d'achat. Cela fait de ce secteur le 3ème pilier de l’économie
mauricienne.
5. Enfin, la sagesse politique des dirigeants mauriciens qui ont su
mettre en place de belles institutions politiques et administratives qui
en font un modèle de bonne gouvernance et de démocratie consensuelle
en Afrique
Il faut savoir que le point de départ du décollage économique de
Maurice, il y a la volonté politique déterminée du PM Sir Ramgoolam, en
1968, de sortir son pays du chômage lié à la surpopulation. Il procéda
alors à la création de zones franches industrielles qui ont accueilli à
ce jour 9.000 entreprises opérant dans diverses industries légères qui
emploient plus de 100.000 jeunes diplômés ou qualifiés.
Aujourd'hui, Maurice brille en Afrique comme le centre d’excellence en
matière de fiscalité, d’agro-industries, des NTIC, des finances, des
services et du tourisme.
Et il faut aussi savoir qu'après avoir brillamment développé son
industrie textile dans les années 1980/90, Maurice a su réagir à la
concurrence à bas coûts des pays asiatiques en se réorientant sur le
textile haut de gamme, les nouvelles technologies et le tourisme de
luxe. L'exemple de sa bonne gouvernance avait toujours attiré de
nouveaux investisseurs qui lui ont assuré une croissance annuelle réelle
de 6% depuis son Indépendance contre 1% pour l'ensemble du continent
africain.
Son excellente gestion publique a permis à Maurice de se classer en tête
des pays africains pour l’indice de développement humain (IDH des
Nations Unies) qui mesure le niveau de bien-être de la population, avec
une espérance de vie de 74 ans, un accès à l’eau potable et à
l’électricité de 99% de sa population.
Aussi, n'est-il pas surprenant que Maurice soit classé N°1 dans l’indice
africain de bonne gouvernance de "Bo Ibrahim", établi par l’université
Harvard.
V- QUELLE LEÇON TIRER DE L'EXPERIENCE DE CES 3 PAYS POUR DEFINIR UNE POLITIQUE ECONOMIQUE D'EMERGENCE ?
Au vu de l’analyse des miracles économiques de Hong Kong, Singapour et
Maurice, qui étaient, comme le Togo, classés parmi les pays
sous-développés en 1960, il ressort 9 impératifs de la bonne gouvernance
menant à l’émergence :
➢ 1. La sécurité physique qui protège la personne et qui évite l'arbitraire;
➢ 2. La sécurité juridique qui suppose l’assainissement intégral des
pratiques judiciaires de façon à rétablir la confiance dans notre
justice ;
➢ 3. Une formation professionnelle qui soit adaptée aux besoins de
développement du pays ainsi qu'aux impératifs techniques des usines à
implanter par les investisseurs ;
➢ 4. Un bon climat des affaires avec un partenariat Public/Privé
efficace qui rassure les IDE et les investisseurs tant nationaux
qu'étrangers;
➢ 5. Une politique de crédit au service des investisseurs et des PME/PMI ;
➢ 6. Une politique fiscale allégeant les charges sociales et l'impôt sur
les revenus, pour attirer les investisseurs tentés sous d'autres cieux
plus doux ;
➢ 7. Une lutte efficace contre la corruption et contre l’impunité, à
tous les niveaux, de façon à enrayer les discriminations et gagner la
confiance de tous les opérateurs économiques et des bâtisseurs de la
Cité;
➢ 8. Une stabilité macro-économique rassurant les bailleurs de fonds et
les IDE qui ne craignent pas que l'Etat plonge dans des difficultés
budgétaires .
➢ 9. Enfin, il faut que cette volonté d'émergence anime le peuple entier
qui doit ressentir dans les faits et dans son quotidien, la volonté
politique du pouvoir de mener durablement et avec force cette grande
bataille pour l'émergence économique et pour un net progrès social.
.
Face à ces 9 impératifs d'une politique pour l'émergence économique, il
nous reste beaucoup, beaucoup, beaucoup à faire pour que le Togo
devienne un pays émergent à l'horizon 2030 ou même 2035.
En effet, de nombreux facteurs de blocage de ces conditions de
l'émergence économique handicapent notre p ays. Aussi, pour ne pas
rester dans le vague des déclarations de principe, je me dois de citer
succinctement quelques éléments qui attireront l'attention du Président
de la République sur certaines réalités qui empêchent notre décollage
économique tout en maintenant la grande majorité de la population
togolaise en dessous du seuil de pauvreté, tout le contraire de
l'émergence.
VI- VOICI 7 FACTEURS DE BLOCAGE DE L’ÉMERGENCE DU TOGO
1) Un important manque frauduleux de recettes fiscales estimé à 200
milliards FCFA par an selon le Ministre des Finances motivant la
création de l'O.T.R en 2013. C'est 40% des recettes budgétaires qui nous
privent des moyens d'émerger en consacrant ces 200 milliards FCFA par
an à l'éducation nationale, à la formation professionnelle, à la santé
publique, à l'électrification, aux infrastructures de transport et de
télécommunication ainsi qu'aux salaires.
2) Des détournements de l’aide extérieure destinée à la réduction de la
pauvreté, comme le scandale des moustiquaires imprégnées destinées aux
populations vulnérables. Il faut savoir que les 376 millions FCFA
détournés ont causé la mort d'un millier de décès du paludisme en 2013
de plus qu'en 2012. De tels agissements dévalorisent notre image auprès
des bailleurs de fonds.
3) Une perte de confiance des citoyens dans les recrutements de
l’Administration. Il s'agit surtout des discriminations pratiquées entre
1994 et 2005. Cela a discrédité le pouvoir en place aux yeux des
citoyens, nuisant à la cohésion nationale nécessaire pour le combat
commun pour l'émergence.
4) Les carences de gestion dans les entreprises publiques, dénoncées par
les rapports de la Cour des comptes depuis 2013. Ils font état de
graves pratiques illicites dans la gestion des grandes entreprises
publiques, comme TdE, TOGOTELECOM et TOGOCEL. Il s'agit du non-respect
de la réglementation sur les appels d’offre, beaucoup d'achats se
faisant de gré à gré, de même que des irrégularités dans la gestion
financière. Comme les fautifs ne sont pas sanctionnés, cette impunité
pousse la jeunesse diplômée togolaise vers l'argent facile et les
activités frauduleuses.
5) Des attributions viciées de marchés publics qui découragent l'afflux
des IDE et des investisseurs privés. En effet, ils craignent de se
retrouver exclus de la possibilité d’emporter les appels d’offres.
D'ailleurs, nombre d'opérateurs économiques togolais cherchent à
s’expatrier vers d’autres cieux plus justes. Et cela est d’autant plus
important que les marchés publics constituent le plus grand débouché du
secteur privé.
6) La grande corruption enrichit frauduleusement des potentats locaux
qui ne créent pas d'usines de valorisation de nos produits primaires, se
contentant surtout de spéculer dans l’immobilier sans créer des emplois
durables pour résorber le chômage des jeunes diplômés, obligés de ce
fait à faire du taxi-moto ou à verser dans l'informel frauduleux et la
délinquance. Ces nouveaux riches constituent une sorte de « maffia » des
affaires qui dénature la concurrence en ne payant pas l’impôt. Cet état
des lieux décourage l'entrepreneuriat des jeunes diplômés qui cherchent
alors à s'expatrier à défaut de verser dans la médiocrité ambiante.
Cela a aussi pour effet d'éliminer les opérateurs économiques sérieux,
et de dissuader les investisseurs sérieux à venir créer des affaires et
des emplois au Togo.
7) Enfin, le bas moral des Togolais joue contre l’émergence. En effet,
l’enquête des Nations Unies sur l’état de bonheur des nations en 2013
classe le Togo 156ème sur 156 Etats enquêtés. Cela montre l'absence de
consensus national et donc d'aspiration à ce grand projet
socioéconomique commun.
VII- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS POUR L'EMERGENCE DU TOGO
L’émergence résulte d’une stratégie de politique économique requérant
une gouvernance rigoureuse et méthodique avec le consensus de la
population..
Après plus d'un demi-siècle d’indépendance, le Togo demeure confronté à
de sérieux défis pour sortir de la pauvreté et prétendre à l'émergence.
Pour y arriver, le gouvernement doit réunir les 8 conditions suivantes :
I-. Garantir la sécurité physique protégeant la personne, condition
préalable pour rassurer les investisseurs privés qui viendront créer des
affaires et des emplois au Togo ;
II-. Garantir la sécurité juridique, c.à.d. assainir intégralement les
pratiques judiciaires: il s'agit d'une condition sine qua non pour
inspirer confiance aux entreprises parce qu'elles ont toujours affaire
avec la justice pour leurs conflits du travail, leurs litiges avec les
fournisseurs et les clients ainsi qu’avec l’Administration dans le cadre
de tribunaux administratifs ;
III-. Instaurer une formation professionnelle adaptée aux besoins des
industries exportatrices et des entreprises de services ouvertes sur
l’extérieur ;
IV-. Créer un bon climat des affaires, de façon à attirer les IDE et à
rassurer les investisseurs, sans discrimination dans les appels d’offre
des marchés publics qui constituent le principal débouché du secteur
privé ;
V-. Mettre en place une politique de crédit au service des investisseurs
et des PME/PMI qui sont les principaux créateurs d’emplois et de valeur
ajoutée ;
VI-. réformer la politique fiscale en allégeant les charges sociales et
l’imposition des entreprises et des revenus de façon à attirer les
investisseurs ;
VII-. Instaurer un bon climat des affaires avec fort partenariat
public/privé qui soit au service de l’entreprenariat privé national et
des IDE.
VIII-. Lutter efficacement contre la corruption et contre l’impunité,
tant au niveau des autorités politiques qu’à celui de l’Administration
financière et des entreprises publiques : cela servira, à la fois, d'une
part à procurer de plus grandes ressources au Budget de l'Etat pour
réaliser le progrès social, et d'autre part, à rétablir l’égalité
républicaine, base de la confiance des citoyens dans leurs institutions
et dans leur combat commun pour l'émergence du Togo en 2030.
LETOGOLAIS
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