Le soulèvement populaire du 05 Octobre 1990 fit vaciller le régime militaire en place mais hélas la révolution n’a pas été à son terme et la situation d’échec ainsi créée a permis la mise en place d’un système plus vicieux, pire que le parti unique.
Tout semble avoir été fait pour instaurer la démocratie au Togo. Nous sommes passés d’une structure de parti unique, parti-état à une structure multipartite. Une nouvelle constitution a été votée à plus de 90% par les populations en 1992, Il y a eu une alternance au sommet de l’État et une bonne demi-douzaine de premiers ministres depuis 1990 mais le malaise persiste.
Les Togolais dans une grande majorité semblent insatisfaits du gouvernement et réclament le changement parce que le changement de structures politiques ne s’est pas accompagné d’un changement de culture politique. Le Togo se retrouve donc dans une situation où nous avons des structures démocratiques animées par des acteurs qui ont une culture politique du parti unique, la culture de la pensée unique et du passage en force, fraude au besoin.
Dans ces conditions, organiser des élections libres et démocratiques est difficile, réformer une constitution maintes fois violées est difficile, transmettre le pouvoir présidentiel à une personne non issue de la famille biologique qui gouverne ce pays depuis 51 ans est difficile, fédérer les forces de l’opposition pour mettre un terme à ce système est difficile. Dans ces conditions tout est difficile. Le système politique Togolais est mal ficelé et n’entraine que conflits et mégestion des ressources publiques. Tout est difficile parce que ce qui se passe dans la tête des acteurs politiques est en contradiction, en déphasage avec la constitution et tous les textes qui régissent le fonctionnement de l’État. Il en résulte des coups d’états militaires, électoraux, constitutionnels, intra-parti et les marches politiques sont banalisées et ont perdu leur effet dissuasif à force d’en abuser.
Le Togo est une démocratie sans démocrates. Tant et aussi longtemps que les acteurs politiques du pouvoir comme de l’opposition n’optent pas pour un comportement de démocrate, il n’y aura pas de démocratie au Togo. Il peut y avoir alternance, mais nous risquons de passer d’une dictature à une autre.
En ce 13 Janvier 2015, nous disons que les élections présidentielles à venir sont sans importance pour l’avenir à moyen et à long terme du Togo. Nous disons également que les réformes institutionnelles et constitutionnelles sont un faux problème n’ont aucune importance dans un pays ou la constitution n’est jamais respectée. Nous disons que même si demain matin le pouvoir actuel est balayé par la rue ou l’armée, nous ne sommes pas convaincus que nous irons à la démocratie, fautes de démocrates. Il y a un travail de fonds qui doit se faire pour démocratiser les esprits, ce n’est qu’alors qu’on peut convoquer une constituante pour élaborer une nouvelle constitution qui sera soumise à un referendum. Une fois approuvée on organise les élections locales, législatives et présidentielles.
Nombre d’entre vous diront que nous n’avons pas le temps d’attendre, que 51 ans d’une même famille c’est assez. C’est vrai que c’est plus qu’assez mais à force de prendre des raccourcis depuis 1990, nous n’arrivons pas à destination, prenons le temps de bien faire les choses.
La constitution actuelle a été trop tripatouillée et a perdu son caractère sacré, le Togo a besoin d’une nouvelle constitution et d’un nouveau découpage électoral qui n’est plus basé sur les 2 millions des années 80 mais sur les 6 millions d’habitants d’aujourd’hui.
Une commission ne saurait nous proposer une constitution ou des réformes, sur quelle base sont cooptés les membres de la commission ? Cette commission tire sa souveraineté d’où ? Le pouvoir actuel a un problème de légitimité et ne saurait gérer seul le processus de réformes ou une transition vers la démocratie.
Si l’on ne peut pas ou ne veut pas dissoudre l’assemblée actuelle pour convoquer une constituante, on peut tout de même s’entendre sur le fait que le vote de chaque Togolais est équivalent et sur cette base comptabiliser les votes à l’assemblée proportionnellement au nombre de votants ayant élu chaque député en attendant de régler la question du découpage électoral. L’assemblée nationale sur cette base peut proposer une nouvelle constitution qui sera soumise à un référendum populaire.
Une fois adoptée, on organise des élections locales, législatives et présidentielles sur la base de la nouvelle constitution.
Bien entendu, un gouvernement d’union nationale dont la composition reflète la composition de l’assemblée pas en termes d’élus mais en termes de nombres de voix obtenues par parti sera en place avec un premier ministre issu de l’opposition (Chef de l’opposition parlementaire) dont les prérogatives sont clairement définies étant entendu que le président ne bouge pas pendant la période de transition.
Sur cette base, on peut aborder une période de transition qui n’excède pas 5 ans et ainsi éviter des morts inutiles, des casses, des marchés brulés, des marches aussi intempestives qu’inutiles et bien entendu la mauvaise foi politique. Pendant les 5 ans de transition, des organismes de la société civile étrangers et Togolais épauleront la classe politique de façon vraiment impartiale dans la formation des politiciens , militants , cadres de l’administration et de l’armée pour démocratiser les esprits, apprendre aux gens à travailler ensemble et ainsi être prêt pour une alternance ou la continuité si c’est l’issue des élections en fin de transition.
Quand une femme tombe enceinte, elle n’accouche pas le lendemain, ça prend neuf mois de patience pendant lesquels le bébé se forme et quand il est complètement formé ça prend encore un ou deux mois avant qu’il ne sorte. Le bébé sort quand il est prêt et l’accouchement en lui-même est un autre examen. On ne prend pas de raccourci avec une grossesse, soit on laisse le cycle aller à son terme soit on l’interrompt avec tous les risques que cela comporte pour la vie du bébé et de la maman. Pendant la grossesse le corps de la maman et son tempérament change. Il y a donc un travail interne (le bébé se prépare à sortir) et un travail externe (la maman change et prépare la venue du bébé).
En ce 13 Janvier, jour anniversaire du décès d’un grand démocrate, au vu du temps passé dans l’obscurité et de la soif de lumière des Togolais… voilà une piste de sortie de crise que nous proposons qui nous croyons économisera les vies humaines, restaurera la légitimité populaire, garantira le caractère sacré de la constitution… et permettra d’instaurer une culture démocratique pendant que les structures sont en train d’être refondées.
Si les Togolais veulent la démocratie, comme la grossesse, il n’y a pas de raccourcis, il va falloir qu’ils se résoudre à faire le travail interne et externe requis et aussi se résoudre à devenir démocrates d’abord sinon tout ce pays avec son énorme potentiel restera enfermé dans les limites d’hommes politiques eux mêmes très limités et incapables de mettre en valeur le plein potentiel de ce pays à eux tout seul. C’est le risque que nous courrons si nous restons enfermés dans des détails inutiles, des raccourcis et le tapage politique stérile. Chez nous au Ghana voisin nous avons pu instaurer la démocratie de cette façon-là, un travail de fonds s’est fait avant l’alternance. Pourquoi pas au Togo ? Nous ne sommes pas obligés de suivre le mauvais exemple anti démocratique Burkinabè et passer par des casses de 120 milliards et des morts comme pour aller à la démocratie. On peut aller à la démocratie sans faire couler le sang des innocents et des autres.
Le Togo peut renouer avec son destin, avec la démocratie que nous avons connu sous le Président Olympio si nous prenons le temps de bien faire les choses, acceptons de bonne foi que le changement démocratique est nécessaire. Travaillons à devenir démocrates et le résultat suivra pour le bien du plus grand nombre.
La lutte continue.
Détia Kpoé le yi…
Séna Alipui
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