Le ministre de la Sécurité dans l’obligation d’assurer l’intégrité physique du chef de file de l’opposition
A
peine Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition et son équipe
ont-ils entamé la seconde série de leur campagne d’information et
d’explication dans le septentrion qu’un tract appelant le Togolais à se
lever, à se battre et à faire échouer « ce honteux complot », a inondé
la capitale et peut-être l’intérieur du pays. De surcroit, le tract
invite le Togolais à les « chasser ». A quelques mois d’échéances
cruciales pour le Togo, l’invitation est loin d’être fortuite. Et pour
tous ceux qui se rappellent que c’est dans les mêmes conditions il y a
bientôt 22 ans, que le leader de l’Union des forces du changement (Ufc)
originelle a été criblé de balles explosives un 5 mai 1992, il y a lieu
d’interpeller le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le
Colonel Yark Daméhame sur ses garanties quant à la sécurité qui entoure
la tournée de l’Anc.
A l’origine du lynchage médiatique dont
Jean-Pierre Fabre et son entourage sont l’objet depuis un moment, la
rencontre entre lui et le chef de l’Etat. Selon les propres mots du chef
de l’Etat rapportés par le leader de l’Alliance nationale pour le
changement (Anc), il est inscrit dans la Constitution togolaise que le
chef de l’Etat se doit de recevoir au moins une fois l’an le chef de
file de l’opposition, c’est-à-dire le chef de parti de l’opposition
ayant recueilli le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale.
Or, les dernières élections législatives, quoique décevantes au regard
des résultats issus des fraudes, consacraient le leader de l’Anc à ce
poste. Et depuis, au lieu que les autres chefs de partis créent une
union agissante avec l’homme et étudient les voies pour damer
définitivement les pions au régime actuel lors des prochaines joutes,
ceux-ci se consacrent plutôt à des « futilités ». Si ce n’est pas
les uns qui prétendent être plus expérimentés pour assumer ce rôle, ce
sont les autres qui, par petitesse d’esprit, qualifient le rôle de chef
de file de l’opposition, de « truc ». Alors que les populations
attendent la venue des leaders pour déterminer la marche à suivre. Il
n’en fallait pas plus aux esprits retors pour « rentrer dans la danse » et troubler l’eau déjà trouble.
Hier, nous relations le contenu d’un tract titré : « Cri de colère des jeunes militants de l’Anc contre Fabre et consorts »
qui est distillé au sein de la population depuis la semaine dernière.
Sans prétendre revenir sur son contenu, nous avons relevé l’amateurisme
des instigateurs du tract qui veulent donner l’impression que ce sont
des jeunes de l’Anc qui en seraient à l’origine. Cet acte rappelle
d’abord celui posé par des nostalgiques des temps glorieux de l’Ufc à
Aného, quelques jours avant les élections de juillet 2013. On se
rappelle que des tracts voulaient faire croire aux populations de cette
ville que MM. Patrick Lawson et Fabre étaient toujours des lieutenants
du parti de Gilchrist Olympio à quelques jours du scrutin. La mayonnaise
n’avait pas pris.
Ensuite, et c’est une remarque qui
vaudra son pesant d’or, la période choisie pour instiller ce tract au
sein de la population rappelle des événements douloureux que le ministre
de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehame n’a pas non
plus oublié et qui doivent l’inciter à prendre ce tract au sérieux.
Il vous souvient, pour ceux qui le
peuvent encore, que le 5 mai 1992, en pleine campagne de sensibilisation
dans les régions septentrionales, le leader de l’Ufc adulé dans le
temps, a été attaqué par un commando armé à Soudou. Des proches
collaborateurs de Gilchrist Olympio – le vrai – ont été abattus dans
l’attaque et lui-même s’en était sorti avec des séquelles et stigmates à
vie. Des rapports avaient conclu à l’implication du fils d’Eyadema,
Ernest Gnassingbé. Aujourd’hui, il n’est plus. Il se serait défenestré
suite à une énième crise puisqu’il était paralysé depuis un moment. Même
ses hommes de confiance dont Amako, Coco, Tsrè ne sont plus de ce
monde. Ces derniers sont passés de vie à trépas dans des conditions que
seul Dieu le Père n’ignore pas, de même que ceux qui étaient chargés de
les faire disparaître.
Les expériences corrigent mieux que les conseils, dit-on souvent. Ernest « le Terrible »
et ses plus proches collaborateurs ne sont plus. Mais le régime n’a
rien perdu de son degré de nuisance, surtout envers celui ou ceux qui
veulent prétendre un jour à la magistrature suprême. Les responsables de
tortures et d’actes inhumains courent toujours ; les miliciens qui ont
sévi lors de l’élection présidentielle de 2005 ne sont pas démantelés.
Des disparitions au sein de certains corps n’ont pas cessé. Et si
aujourd’hui un tract invite le Togolais à « chasser Fabre » au
moment où celui-ci est dans le septentrion et a depuis fait connaître
l’itinéraire de sa tournée, il y a des raisons d’être alarmistes quant à
la sécurité de son convoi.
Cette alerte n’est pas seulement dirigée
contre le pouvoir, loin s’en faut. Au sein même de l’opposition dans
son entièreté, des brebis galeuses sont à extraire. Il suffit de
parcourir l’actualité récente des leaders de l’opposition pour réaliser
le degré d’animosité que certains nourrissent envers Jean-Pierre Fabre
dont le seul crime est de savoir braver les gaz lacrymogènes, de savoir
tenir tête au régime, de ne pas lâcher des pets par-dessus des murs et
de savoir user les semelles de ses chaussures pour troubler la quiétude
du régime. Pour tous ces « griefs » retenus contre lui, il est considéré
comme un apatride, un « inculte », un « inexpérimenté » aux côtés
d’autres opposants « plus expérimentés » en politique. Ceux-ci croient
détenir la science infuse de la politique. De là à chercher à lui mettre
des bâtons dans les roues, beaucoup de leaders qui sursautent au
moindre bruit de gaz lacrymogènes lors de manifestations n’hésiteraient
pas à franchir le pas.
Au ministre Yark Damehame et ses agents de « faire leur part »
en assurant la liberté de circulation et la sécurité à tous et partout.
Dans moins d’un mois, les Togolais en général et les populations de
Soudou se rappelleront ce jour sanglant où dame mort a enjambé leur
rivière et fauché Dr Marc Atidépé assis à côté de son mentor d’antan.
Jean-Pierre Fabre semble représenter cet espoir que certains avaient
semblé apporter aux populations de Soudou il y a plus de deux décennies
avant que des mains obscures n’en décident autrement. Nous aurions aimé
être là au cas où des habitants de Soudou oseraient demander à Fabre
s’il pourra faire le serment de ne jamais trahir le peuple, comme l’a
fait celui qui venait à eux, mais qui n’est jamais arrivé, il y a
bientôt 22 ans.
Abbé Faria SOURCE: LIBERTE HEBDO
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