. Le Contre-amiral Fogan Adégnon parle d’« instructions reçues » et exécutées
. Une contrepublicité à la drague de la diaspora par le pouvoir…
Hier, le Togo officiel célébrait le 54e
anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté
internationale. Après les manifestations officielles, une autre beaucoup
plus populaire devrait se dérouler dans la soirée à partir de 17
heures, en guise d’apothéose. Il s’agit du concert offert par le
compatriote Alberto Olympio et qui devrait avoir lieu au stade de Kégué.
Mais bien qu’autorisée au préalable, la manifestation a été interdite
in extrémis par la Délégation spéciale de la ville de Lomé. Sans aucun
motif valable.
La déception des organisateurs
C’est en effet très déçus qu’Achille
Komlan Kanabo, le président de Tra’danse, l’association pour la
promotion des arts et de la culture organisatrice de l’événement, et
Nathanael Olympio, représentant du parrain du concert Alberto Olympio,
ont porté la mauvaise nouvelle à la connaissance de l’opinion à travers
une conférence de presse organisée vendredi dernier dans l’après-midi à
Brother Homé.
« Nous sommes désolés de ne plus
pouvoir tenir le concert, et tenons à exprimer au peuple togolais et
surtout à la jeunesse nos regrets », a déclaré M. Kanabo. « Le 27
avril offre une occasion de réjouissance, mais on vient de priver la
jeunesse d’une réjouissance populaire un jour symbolique », s’est désolé Nathanael Olympio, et d’ajouter que cela « suscite beaucoup d’interrogations »,
vu qu’aucun autre concert n’a été annulé. Il se dit beaucoup plus
chagriné pour ces jeunes Togolais à qui ce concert, gratuit s’il vous
plait, offrait une occasion de rencontrer leurs idoles qu’ils n’ont
jamais eu la chance de croiser vis-à-vis, car les concerts jusqu’ici
organisés étaient payants. « Ce n’est pas un meeting politique que
nous avons voulu organiser, mais un concert musical gratuit, et on
l’interdit ! Mais Pourquoi ? », a-t-il pesté, et de laisser entendre aux journalistes : « (…) Peut-être que vous qui savez rentrer partout, vous saurez ».
Interdit pour des raisons indépendantes de la volonté d’Adégnon
Pour ce concert, toutes les démarches
administratives ont été entreprises aussi bien auprès des ministères des
Sports et des Loisirs, des Arts et de la Culture que de la Mairie. La
demande fut introduite le 8 avril et l’autorisation accordée par la
Délégation spéciale de la ville de Lomé le 16 avril 2014, à travers une
correspondance signée de sa Vice-présidente, Mme Suzanne Aho-Assouma.
C’est forts de ce ok que les organisateurs ont engagé divers frais
afférents au concert. Mais huit (08) jours après, soit à 72 heures du
concert, l’autorisation est rapportée par les autorités municipales.
Sans raison apparente.
« Pour des raisons indépendantes de
notre volonté, nous avons le regret de porter à votre connaissance que
l’autorisation susvisée vous permettant d’organiser un méga concert
musical au stade de Kégué, le dimanche 27 avril 2014, est et demeure
rapportée », écrit la Mairie de Lomé aux organisateurs, dans une
correspondance datée du jeudi 24 avril et signée de son président, le
Contre-amiral Fogan Adégnon. « L’Administration municipale, soucieuse
du désagrément que cette annulation pourrait vous causer, vous prie de
recevoir, Monsieur le Président, les assurances de nos salutations
distinguées », ajoute-t-on. Et c’est tout. Comme on peut donc le
constater, le Président de la Délégation spéciale n’a avancé aucun motif
pouvant légitimer cette décision. Pas des raisons de sécurité, ni même
d’occupation du lieu du concert par une autre manifestation. Une
décision que les organisateurs ont du mal à comprendre, d’autant plus
qu’il ne s’agissait que d’un simple concert musical, gratuit, et qui
plus est, organisé à l’occasion de la fête de l’indépendance du Togo. De
même que les artistes. A en croire M. Kanabo, il fallu 49 minutes de
conversation téléphonique avec l’artiste ivoirien Bébé Philip invité,
pour le convaincre de l’annulation du concert et calmer sa désolation. « (…)
C’est irresponsable de parler de raisons indépendantes de sa volonté
pour annuler un simple concert qu’on a autorisé. C’est d’un autre
siècle ! », a pesté Mme Célestin Agbogan, le conseil engagé par les
organisateurs pour déterminer la suite à donner à cette volte-face des
autorités municipales.
Les non dits de l’interdiction
Tout Togolais qui apprend cette mauvaise
nouvelle devrait en être outré, d’autant plus que c’est la mairie
elle-même qui a donné son autorisation le 16 avril pour la tenue de ce
concert. La désolation est grande, vu qu’aucune raison exacte n’est
donnée pour justifier sa volte-face. « On est encore figé dans les pratiques de la vieille époque », s’est désolé Nathanael Olympio. Mais visiblement, ce revirement est l’effet des mains noires.
A en croire M. Kanabo, à leur insistance
pour connaître les vraies motivations, et devant leur dépit, le
Contre-amiral Fogan Adégnon a fini par lâcher : « Ce sont des instructions que j’ai reçues. Je ne suis pas un maire élu, je suis un maire nommé ».
Pour certains observateurs, le crime de lèse-majesté commis par Alberto
Olympio est de n’avoir pas placé son concert sous le haut patronage de
Faure Gnassingbé. « On devrait conseiller M. Olympio qu’aucun grand
événement ne s’organise au Togo sans être placé ‘‘Sous le Haut patronage
du Président de la République, Son Excellence Faure Essozimna
Gnassingbé’’, sinon il est voué à l’échec. Même les concerts Gospel n’y
échappent pas. C’est comme cela le pays est », glose un compatriote.
Plus sérieusement, dans certains milieux, on prête des intentions
politiques à M. Alberto Olympio, et donc voit derrière l’organisation de
ce concert musical une façon astucieuse de s’annoncer. « Même si c’était le cas, M. Olympio n’a-t-il pas le droit d’avoir des ambitions politiques ? », se demande un compatriote.
Des dépenses inutiles, une contrepublicité à la drague de la diaspora
Il y a une méchanceté manifeste du
pouvoir dans cette affaire, d’autant plus que l’autorisation a été
accordée au préalable, et les organisateurs ont engagé des dépenses en
conséquence. A titre d’illustrations, les frais de location du stade de
Kégué d’une somme de deux millions (2 000 000) FCFA avec une caution de
cinq cent mille (500 000) FCFA ont été soldés au ministère des Sports,
de même qu’un montant de quatre cent mille (400 000) FCFA au ministère
de la Culture, et vingt-cinq mille (25 000) FCFA à la Mairie. Au-delà,
d’autres dépenses ont été engagées. Il nous revient que les billets
d’avion ont été même envoyés aux invités de l’extérieur, de même que les
cartes d’invitation confectionnées. Sans doute que les artistes devant
prester ont aussi reçu une avance sur leur cachet. La mairie aura laissé
faire toutes ces dépenses avant d’interdire le concert.
Au-delà du manque à gagner engendré par
cette décision de la Délégation spéciale de la ville de Lomé, cette
interdiction est une contrepublicité pour la drague enclenchée par le
pouvoir Faure Gnassingbé à l’endroit de la diaspora. Alberto Olympio est
un homme d’affaires qui évolue depuis plusieurs années à l’extérieur.
Ce jeune togolais est à la tête d’une entreprise futuriste, Axxend
Corporation, dédiée à l’ingénierie informatique et aux
télécommunications. Selon les informations, son entreprise a réalisé un
chiffre d’affaires de près de 18,3 millions d’euros au titre de l’année
2012. C’est la première fois pour lui de revenir au pays, et ce concert
est sa façon de se rendre utile au peuple togolais, et surtout à la
jeunesse. Au moment où le pouvoir courtise ardemment les compatriotes de
la diaspora et leur demande de revenir investir au pays, cette
mésaventure d’Alberto Olympio n’est pas une bonne publicité à cette
dynamique. Il va de soi que le patron d’Axxend Corporation n’ait plus la
motivation nécessaire pour s’engager dans quelqu’entreprise au Togo.
Au-delà de sa personne, cette mésaventure n’est pas de nature à
encourager toute la diaspora à revenir investir au pays.
Tino KossiLIBERTE TOGO
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