Le feuilleton judiciaire qui oppose le
groupe Ecobank à son ex-DG, n’est, semble-t-il, que la partie émergée de
l’iceberg. Depuis quelques mois, les têtes ne cessent de tomber au
siège de la banque où les langues commencent à se délier et la révolte à
gronder. Selon des salariés et ex-salariés de l’établissement qui sont
entrés en contact avec l’agence Ecofin, ce sont environ 200 postes qui
ont été biffés ces derniers temps à la holding.
Un « plan d’optimisation »
Tout d’abord, « une centaine de postes a été supprimée au siège, dont la
majeure partie sous forme de renvois dans les filiales d’origine, avec
des baisses de traitement qui peuvent aller jusqu’à 40% », nous confie
l’avocat de plusieurs plaignants.
Richard Uku, directeur de la communication du groupe, reconnaît
qu’Ecobank « a entamé un plan d’optimisation de son personnel visant à
redéployer auprès des filiales une partie du personnel précédemment
affecté au siège.»
Selon un salarié licencié, ce « plan d’optimisation » serait plutôt une «
chasse aux sorcières » qui vise prioritairement les « pro-Tanoh » ou
tout simplement « ceux qui ne sont pas clairement acquis au management
actuel ».
Ainsi, la cellule de suivi des grands projets (SPIO), créée par l’ancien
DG pour mieux coordonner les dossiers stratégiques du groupe, a été
démantelée. Sa directrice, Binta Touré N'Doye, qui dirigeait la filiale
malienne avant d’accepter cette mission au siège, vient finalement
d’être rétrogradée à la direction de la filiale togolaise. « La cellule
SPIO a effectivement été dissoute et les membres de l’équipe ont été
affectés à différents autres départements », confirme M. Uku.
Une centaine de licenciements
Chez eProcess, le département informatique du groupe dont la base
opérationnelle se trouve à Accra, les salariés font état d’une centaine
de licenciements dits « économiques ». « Plus d’une quarantaine serait
encore programmée », nous assure un cadre récemment remercié. Des
informaticiens de haut niveau, débauchés en Europe il y a quelques
années, installés à Accra avec leurs familles, se sont ainsi retrouvés
du jour au lendemain sans emploi, souvent avec des enfants en cours
d’année scolaire. Aussi, plusieurs employés licenciés ont décidé de
faire valoir leurs droits en justice.
Pourtant, selon M. Uku, « cette restructuration n’est en rien différente
des restructurations stratégiques réalisées par de nombreuses
institutions à travers le monde. Elle s’opère dans le respect de la loi
et des droits des employés ». Un avis que ne semble pas partager la
justice togolaise, comme en témoigne le cas de Fabrice Agondanou, un
informaticien qui avait quitté une bonne situation chez Peoplesoft
Europe pour rejoindre Ecobank et son bel idéal panafricain. Licencié
après 7 années de services, il a gagné son procès en première instance,
puis en appel, contraignant ainsi la banque à lui verser 3 millions de
dollars d’indemnités. Le dossier est maintenant devant la Cour Suprême,
l’ultime juridiction du Togo.
On citera encore Erasmus Akushie, qui avait lâché la Standard Chartered
pour Ecobank. Il avait mis en place avec succès le système de cartes
bancaires et largement contribué à résoudre les problèmes de fraudes.
Devenu soudainement indésirable, M. Akushie se verra tout d’abord muté à
un autre poste à son retour de congés, puis placé sur une voie de
garage et, pour finir, licencié, rapporte The Herald qui annonce que
l’informaticien a également entamé une procédure en justice pour obtenir
réparation.
Parmi les méthodes employées par le management, « un schéma classique :
des postes redondants sont créés pour éliminer petit à petit les
salariés indésirables, devenus d’inutiles doublons », nous précise l’un
des plaignants.
On comprend, dans ce climat délétère, que le groupe ait choisi
d’organiser son Assemblée générale, vendredi prochain, à Dar Es Salam,
en Tanzanie, à plus de 4000 kilomètres des mécontents…
Le désamour
« L’objectif de la holding, à Lomé, est de passer de 200 salariés à 50 »
nous confie un avocat de la place. Ce qui reviendrait à retirer au
siège de Lomé, encore flambant neuf, l’essentiel de ses fonctions
opérationnelles. Si ce projet allait à son terme, ce serait tout le
modèle d’affaires du groupe qui serait remis en cause, probablement
réorienté sur les grands marchés d’Afrique anglophone.
Le désamour de la « banque panafricaine » pour l’Afrique francophone qui
l’a vue naître, semble en effet se confirmer. Après avoir congédié sans
ménagement un DG ivoirien dont la réussite faisait la fierté de
beaucoup de ses compatriotes, on se souvient des déclarations
maladroites de la direction mettant en cause « l’indépendance et
l’objectivité des décisions de justice » des tribunaux de Lomé et
d’Abidjan, leur préférant ceux de Londres. On relèvera également, à
l’examen des comptes 2014, une baisse de 10% des encours de prêts aux
économies francophones contre une augmentation de 27% pour ceux accordés
aux économies anglophones d’Afrique de l’Est et australe.
Le nouveau DG, Ade Ayeyemi, Nigérian tout comme le président du Conseil
d’administration, entrera en fonctions en septembre. On le dit très
rigoureux en terme de gouvernance. Il ne reste plus que deux mois à
l’actuelle équipe de management pour terminer « l’optimisation de son
personnel »
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