Tuesday, June 10, 2014

TOGO:: Targone Sambiéri prévient : « Vous imaginez que mes militants attendent paisiblement prendre leur député... C’est mal connaître ce que c’est qu’un Komkomba. »



Targone Sambieri est depuis quelques jours dans le viseur de la justice. Elu dans la préfecture de Dankpen sur la liste de la coalition Arc-En-Ciel, ce député dénonce depuis un certain temps de nombreuses violations des droits de l’homme dans cette préfecture qui connait de plus en plus une présence accrue des populations peulhs avec des milliers de troupeaux qui envahissent et détruisent les champs des paysans.
Le préfet de la localité M. Dadja Maganawé et ses chefs cantons l’accusent d’appeler la population à la désobéissance civique, à l’insubordination, etc.
Pour le député, c’est plutôt le contraire. Le préfet lui en veut parce qu’il dénonce ses exactions sur les populations de Dankpen et des militants de l’opposition de la préfecture.
Pour tirer cette affaire au clair, le procureur de la République a requis de l’Assemblée Nationale une levée de l’immunité de l’honorable Targone. Ce qui a été fait très rapidement. A l’heure où nous apprenons qu’un des 12 chefs cantons de la préfecture de Dankpen vient de fuir sous la pression de la population, le député annonce lui-même qu’il craint dans les conditions actuelles, une guerre civile et appelle les autorités à prendre leur responsabilité. Sur quoi se base-t-il pour annoncer le chaos dans la préfecture où il a été élu ?
Lisons-le à travers cette interview.

pa-lunion.com : Honorable Targone Sambieri, bonjour !

Targone Sambieri : Bonjour !

 

Vous êtes député élu dans la préfecture de Dankpen, vous êtes député de l’opposition de la Coalition Arc-En-Ciel, venant du parti, le PDP. Nous avons appris la semaine dernière que le procureur de la République, requiert de l’Assemblée, une levée de votre immunité pour une plainte qui serait déposée contre vous. Est-ce que c’est vrai, et que vous reproche-t-on ?

Merci. Effectivement, le mardi, le président de l’Assemblée Nationale m’a tenu informé que je faisais l’objet d’une poursuite judiciaire et que le procureur a envoyé une note pour demander la levée de mon immunité parlementaire. Le mercredi, j’ai rencontré la commission spéciale chargée de m’écouter, c’est là qu’on m’a lu le contenu de la plainte, et ils ont demandé à ce que je réponde. Comme j’ai été surpris par le contenu, alors, j’ai demandé à ce que, on me permette d’aller réfléchir, et que le lendemain, je vienne leur donner quelques idées là-dessus, et c’est ce qui a été fait.

 

Précisément, dans ce qui vous a été lu, qu’est-ce qu’on vous reproche ?

On me reproche d’appeler au soulèvement, de demander la désobéissance des autorités, tels que le préfet, les autorités locales, appeler mes militants à s’attaquer aux peuples nomades. On me reproche de demander aux gens de ne pas payer les tickets, de ne pas payer la douane, on me prête même des paroles, on dit que je monte les gens de mon canton. C’est là même, les violences quotidiennes contre les peuples se pratiqueraient et on m’a cité quelques cas. Comme le cas d’un Koucouman à Bapuré, Ouro. En vérifiant, j’ai vu que c’est un évènement qui s’est passé en 2005. En 2005, le parti PDP n’existait même pas à Guérin-Kouka. On m’a cité des cas comme celui Ayégbé Tapou. Des cas qui ont fait objet de jugement en 2012. Rien n’a été mentionné dans les décisions de justice comme quoi c’est l’honorable qui l’avait envoyé s’en prendre aux peuhls. Il y a aussi d’autres cas où on a cité Djabongoune. Djabongoune, je ne sais pas si ça existe à Kouka ou pas, et c’est les cas sur lesquels ont été opérés. Il y a le cas de Katchamba, où tout récemment, il y a deux semaines, j’ai appris qu’on a arrêté un de nos militants que, il se serait pris aux peuhls nomades. Alors que tout le village comporte les gens d’UNIR et les gens de l’opposition. Et c’est tous ceux là qui se sont mobilisés pour renvoyer les peuhls. Notre militant habitait même à trois kilomètre de là, puis qu’il n’avait même pas un champ dans la localité là-bas. Donc, c’est lui qu’on a pris, et le problème réel qui a fait qu’on l’a pris, parce que notre militant a sa petite sœur en classe de troisième que le Chef de Katchamba a enceinté. Et notre militant l’avait menacé ces jours-là qui coïncidaient avec ces histoires, de le poursuivre, conformément à la loi du 10 mars. Et c’est tout. C’est pourquoi il a appelé le préfet, en lui indiquant que c’est l’élément le plus virulent, et on est venu le prendre. Il est maintenant à la prison civile de Bassar. Pour rien du tout. Juste pour l’inculper, on fabrique des histoires incroyables, et voilà comment cela s’est fait.

 

Donc vous, vous pensez que c’est des faits fabriqués contre vous. Mais qui précisément a porté cette plainte contre vous ? Est-ce que le président de l’Assemblée vous l’a dit ?

Oui, le président m’a précisément parlé du préfet. Et je crois qu’il a raison, puisque la plainte telle que le procureur l’a envoyée, il a dit que c’est les chefs cantons et la communauté des peuhls nomades.

 

Les douze chefs cantons ?

Oui les douze chefs cantons. Et malheureusement, le chef de Nandjota Adjouta a appelé. Il a dit que lui ignore des trucs comme ça. Que ha ! Il comprend. Qu’on lui avait dit qu’on devrait signer un document, et le préfet a envoyé l’idée d’envoyer son tampon, qu’on doit envoyer le document à Lomé. Donc, lui ne sait pas le contenu de ça. Il ne savait pas que c’est des choses contre moi. J’appelle le chef principal, Kidiss de Guérin-Kouka. Il me dit non, non, non. Ce qu’il peut me dire, c’est que, c’est deux chefs qui seraient venus chez le préfet avec un document, et qui demandaient aux autres chefs de signer par solidarité. Et après j’ai vérifié, j’ai vu que c’était le chef de Kidjabone et de Katchamba.

Le Chef de Kidjabone, il a tapé un de nos militants. Il l’a rendu handicapé à vie. Et c’est à partir de ce moment que le procureur de Kara avait envoyé un mandat d’arrêt contre lui. Et c’est le préfet Dadja Maganawé qui a bloqué le mandat, qui est toujours à la gendarmerie maintenant, et lui marche en liberté impunément. Notre militant est handicapé à vie là-bas. Le Chef de Katchamba qui aussi, est impliqué dans l’affaire avec le préfet, vous voyez que c’est notre militant qui l’a menacé de la loi du 10 mars et il l’a fait arrêté, juste parce que, il l’a reproché d’avoir enceinté sa petite sœur qui est en classe de troisième actuellement. Et je vous dis que ce chef a actuellement à son actif, trois femmes qu’il a enceintées sur les bancs et qu’il a mariées. Il a écourté comme ça leurs scolarités. Et c’est ce chef maintenant qui se plaint contre moi le député. Vous voyez comment des personnalités de moralité douteuse se mettent à s’attaquer à un honorable député comme ça, en fabriquant des faits et avec leurs complices, ces tampons ramassés, parce le chef de Nampocha a dit également que son tampon ne se trouve pas avec lui. C’est avec le préfet.

Nawari, quand j’ai appelé, il dit que, eux, ils sont des régents, que leurs tampons se trouvent chez le préfet. Donc, eux ils ne sont même pas au courant qu’il y a un truc comme ça qui se passe.

 

Donc, le préfet aurait tout organisé, n’est-ce pas ?

Il aurait tout organisé. Puisque, qu’est-ce qui se passe ? Dès que j’ai été élu, j’ai appris de son entourage, qu’il ferait tout pour me ramener. Que d’ailleurs, quand j’étais allé pour les remerciements, que je viens faire la bouche pour attirer la population vers moi. Qu’il va faire en sorte qu’on me fasse quitter de l’Assemblée, je vais vendre mon véhicule, et franchement je ne sais pas de quoi il me reproche. Vous imaginez le préfet, qui arrive dans un canton, les gens viennent des champs, il bloque simplement la route avec son véhicule, demande aux femmes de passer et aux hommes d’attendre. Les gendarmes sortent leurs cordelettes et se mettent à fouetter les paysans. 

 

Pourquoi ?

Juste parce que les paysans venaient des champs au-delà de dix huit heures trente. Et pour lui, le fait pour les paysans de revenir des champs à dix huit heures trente, il suppose qu’ils attendaient dans les champs en guettant que les bœufs des peuhls nomades entrent dans leurs champs pour les abattre.

 

En parlant de ces peuhls nomades, c’est vrai que ça fait plusieurs fois déjà que vous parlez de ce sujet, vous êtes intervenu même sur nos antennes pour parler de ces peuhls nomades qui, selon vous, constituent un problème même pour votre localité. Est-ce qu’il est arrivé à un moment donné au cours de vos sensibilisations d’appeler la population ou vos militants à les renvoyer ou à les chasser de la localité ?

Pas du tout ! Tout ce que nous avons fait, concrètement, si quelqu’un pouvait rapporter leurs propos, ce que nous avons dans la population qu’il y a des lois qui réglementent la transhumance, et il n’y a pas lieu de s’en prendre aux peuhls. La loi, c’est une entente entre les pays sahéliens, la CEDEAO et notre pays. Et c’est clair que, ces bœufs, quand ils arrivent, dans notre pays, ils ont un pouvoir de passage. En plus de ça, ils ont une période d’arrivée et une période de départ. Quinze janvier ou quinze décembre et quinze mai. Ils doivent repartir. C’est tout. Leur installation dans notre milieu n’a pas de sens. C’est le préfet qui a imaginé cette stratégie, juste pour s’enrichir. Parce que les peuhls qui sont installés, ils récoltent mille francs par tête de bœuf, alors que chaque peuhl a au moins sept cent mille et quelque. En plus de ça, ils ont des cadeaux qu’ils font au préfet. Celui que j’ai vu m’a dit, moi, chaque année, je lui donne comme cadeau de bonne année, un bœuf. Donc, les peuhls sont repandus partout à Kouka là-bas, qui sont installés sous l’initiative du préfet comme je le dis.

Je voudrais revenir sur cette affaire de Nandjouta, parce que, ça me tient à cœur. Quand le préfet a fouetté les paysans, il a fait sortir les intestins des bœufs. Il a déchiré les intestins, et tous les paysans qu’il avait amassés là-bas, il leur a demandé de manger les excréments. Les paysans ont pensé que c’est de l’amusement. Les gendarmes les ont fouettés. D’abord, on a choisi un jeune pour venir commencer le truc. Le jeune a refusé, ils l’ont tapé à presque demi-mort. Et il a dit au suivant. Donc les gens ont été obligés de puiser ces excréments et de mettre dans la bouche. Et le préfet encore coupe les viscères et leur met dans la bouche avec ça. Et il cherche de l’eau en leur donnant pour accompagner et avaler. Celui qui vomissait, recommençait sous les coups de fouet et de ceinture.

 

Est-ce que vous avez porté cette affaire à la connaissance des autorités, du ministre de l’administration territoriale et des autres ? Puisque, les préfets sont sous ses ordres.

Moi, j’avais écrit en 2011 une lettre ouverte au président de la république où j’ai mentionné tous ces cas. Et vous voyez, en traitant des gens ainsi, dans un milieu, quel respect vous attendez d’eux.

 

Qu’est-ce que vous attendez des autorités aujourd’hui, que vous êtes sous la menace d’une levée d’immunité parlementaire, d’être poursuivi à la justice.

Vous voyez, la justice me culpabilise. Pas seulement moi. Mes complices qui sont tous mes militants qui m’ont voté. Des milliers. Ainsi, je crains beaucoup quelque chose. Il y a des gens comme le préfet qui a tiré personnellement sur un jeune qui est handicapé. Qui est actuellement à Nawa. Il a tiré juste parce que le jeune a dit, nous refusons les peuhls. Il dit, ah bon ! A qui tu réponds. Il a sorti le pistolet, il a tiré, il a cassé la jambe. Il marche impuni. Il y a les militants d’UNIR qui s’en sont pris à moi le 15 juillet 2008 quand le préfet a envoyé pour assassiner le juge Toké qui m’avait fait appel, juste pour me faire entendre qu’il a reçu un coup de fil anonyme, que le préfet devait envoyer des gens pour s’en prendre à lui. Il n’a qu’à fuir. Ils se sont pris physiquement à moi. Je ne me suis pas plaint contre le préfet ! Et ils ont blessé gravement le juge Toké. Et si nous n’étions pas là pour le secourir, le juge là serait tué. Celui qu’on a pu arrêter a déclaré en même temps, « partons, c’est le préfet qui m’a envoyé. Je n’ai rien contre le juge  ». Il a répété ça devant la gendarmerie. Malgré ça, rien n’a été fait. Les onze jeunes marchent impunément. Vous voyez ça ?

Imaginez une histoire pareille. Mes militants qui sont sur le terrain, ils n’ont jamais commis un crime ni un délit par rapport à ce qu’il me reproche ici. Vous vous imaginez que mes militants attendent paisiblement qu’on prenne leurs députés, qu’on vienne les arrêter pour enfermer ? C’est mal connaître ce que c’est qu’un Komkomba. Dès qu’ils vont l’apprendre, ils vont essayer de se défendre. C’est la légitime défense. Ils ne vont pas attendre qu’on vienne les prendre. Et je crains une guère civile. Ça, je vous le dis. Ce n’est pas que j’appelle quelqu’un à quoi que ce soit, je préfère attirer l’attention en tant que personnalité publique. C’est pourquoi je dis, ce que j’attends des autorités, c’est qu’ils prennent leurs responsabilités, et qu’ils n’ont qu’à savoir, qu’ils s’en prenne à un député qui draine une grande foule derrière lui, et cela est assez grave. 

 

Honorable Targone Sambieri, merci !

Merci beaucoup !

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