Saturday, June 14, 2014

Mandat non limitatif et limitatif des dirigeants de ce monde



« La limitation du nombre de mandats présidentiels serait- elle devenue l’une des pierres angulaires du néo-constitutionnalisme africain d’expression francophone ? », s’est demandé récemment, le Professeur Augustin LOADA, agrégé de Droit public et en Sciences Politiques de l’université de OUAGADOUGOU…
Le professeur sénégalais Souleymane Diop, lui, trouve que « la limitation des mandats est inhibitrice », et que les politiciens africains se contentent de se dire : « Tu prends deux mandats de 5 ans, et puis, moi je prends les deux mandats de 5 ans suivants ! »…
Mais plusieurs intellectuels et les peuples africains sont, pour leur grande majorité, pour la limitation des mandats, meurtris par les années de dictature et de conservation exagérée du pouvoir par nos dirigeants africains…

A) Avantages et inconvénients des limitations de mandats
1) Les avantages
La limitation des mandats des dirigeants politiques de ce monde (Présidents et Premiers Ministres) est un concept diversement apprécié par les acteurs politiques de tous les pays du monde…
En Afrique, on a plus l’impression que les candidats à la présidentielle attendent que le sortant termine ses 2 mandats, pour qu’ils puissent récupérer le fauteuil présidentiel. Pour l’Africain, la limitation des mandats va empêcher le candidat sortant de s’éterniser au pouvoir !’
La paresse légendaire des africains, fait que les candidats ne cherchent pas à battre le Président en place, à la fin de son premier mandat, mais attendent que celui-ci finisse son second mandat, pour le remplacer tranquillement…
En Europe et aux Etats-Unis, on ne laisse pas le Président respirer et finir son premier mandat tranquillement. On tient à le battre à la fin de son premier mandat ! Un vrai challenge ! Sarkozy l’a appris à ses dépens, quand François Hollande ne lui a pas laissé le loisir de faire un deuxième mandat. De même, Jimmy CARTER a été désillusionné par Ronald Reagan, qui l’a débarqué au bout de ses quatre ans à la Maison Blanche !
Au Togo, L’UFC (de Gilchrist Olympio et Jean-Pierre Fabre), seul parti pouvant battre Faure Gnassingbé en 2010, implose, par étourderie, à quelques semaines de l’élection présidentielle ! Les deux leaders oublient leur adversaire commun, Faure Gnassingbé, et deviennent adversaires corrosifs l’un pour l’autre ! Le Président gagne, sans coup férir l’élection, et Fabre ânonne à la plage, pendant 4 ans, avant d’aller s’incliner devant le « Président, Chef de l’Etat » Faure Gnassingbé ! ...
Les avantages de la limitation des mandats sont évidents ; ce n’est pas seulement « pour ne pas laisser les dirigeants s’incruster au pouvoir », comme le pensent les africains en général, mais les avantages réels sont représentés par :
 L’amélioration de la gouvernance étatique (le tenant du pouvoir est constamment mis sous l’obligation d’améliorer sa gouvernance, s’il veut rempiler) ;
 La recherche de l’excellence des nouveaux dirigeants programmés, qui doivent se surpasser, pour se présenter meilleurs que celui qui est assis aujourd’hui sur le fauteuil présidentiel ;
 Le renouvellement des cadres de la classe politique qui est alors, en perpétuelle mutation…
La question n’est donc pas de changer de dirigeant pour changer, mais de rechercher des dirigeants meilleurs, ou d’inciter à l’amélioration du dirigeant en fonction. Cette logique est constante dans les 4 systèmes politiques en cours dans le monde :
 La monarchie constitutionnelle
 Le régime présidentiel
 Le régime semi-présidentiel
 Le régime parlementaire…
Dans le régime présidentiel, ce sont les Présidents de la République qui changent tous les 8 ou dix ans au maximum, selon que le mandat est d’une durée de 4 ans ou 5 ans (exceptés les cas des septennats, où, c’est au bout de 14 ans que le Président daigne laisser son fauteuil, comme Mitterand, ce qui est long !)
Dans le régime parlementaire, ou la monarchie constitutionnelle, ce sont les Premiers Ministres qui ont une durée de fonction de 4, 5, ou 6 ans, en général, mais rares sont les pays qui limitent le nombre de mandats « premier-ministériels ». Ils sont nommés-élus aux élections législatives, mais ces législatives peuvent se précipiter, et la majorité parlementaire peut basculer d’une élection à une autre…
2) Inconvénients de la limitation des mandats
Les inconvénients sont aussi évidents, quand un très bon Président est obligé de céder sa place, après avoir accompli son second et dernier mandat. Ainsi les Américains ont regretté le départ de Ronald Reagan, après ses 2 mandats, mais l’âge du locataire de la Maison Blanche ne plaidait pas en sa faveur. On regrettera aussi certainement le départ de Barak OBAMA, quand il aura fait ses 8 ans.
Le basculement d’une diplomatie performante, à la faveur d’une autre plus laxiste, est également à craindre. Mais le plus gros des inconvénients, est la perte d’un Président qui a fait de très innovantes réformes sociales, comme le président LULA du Brésil, qui a fait émerger le pays, et tirer vers la classe moyenne, des millions de brésiliens… en huit ans de règne !
L’autre inconvénient est la perte d’un Président pacifiste, à la faveur d’un faucon Président belliciste, qui peut faire courir au pays, le risque d’une guerre avec un pays voisin…
B) Les pays de la non limitation des mandats de l’EXECUTIF
1) Les monarchies constitutionnelles et les régimes parlementaires
2) Parmi ces pays, figurent les plus grandes démocraties du monde :

• L’Angleterre : Le Premier Ministre peut être reconduit, 2, 3, ou 4 fois, en fonction des résultats des législatives, et si l e Premier Ministre est bon et que sa coalition gagne 2, 3, ou 4 fois le scrutin législatif. Ainsi Margaret Thatcher a démissionné après avoir dirigé le pays du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990, soit 11 ans de règne. De même, Tony Blair a régné du 2 mai 1997 au 27 juin 2007
• En Allemagne, il n’y a pas de limitation de mandats pour le Chancelier. Angela Dorothée Merkel en est à son troisième mandat de 4 ans qu’elle terminera en 2017, et peut être réélue pour un quatrième mandat, si sa coalition gagne les prochaines législatives…
• Au Luxembourg, monarchie constitutionnelle, héréditaire, primogéniture, il n’y a pas de limitation de mandat pour le Premier ministre…
2) Régime Présidentiel et semi-Présidentiel
• Au Yémen, le Président est élu pour sept ans renouvelables ;
• En Indonésie, République Constitutionnelle, indépendante en 1945 ; ancienne colonie hollandaise ; le chef de l’Etat est aussi Chef du gouvernement, et est élu pour 5 ans renouvelable
• En Malaisie, monarchie fédérale, parlementaire, multipartiste, c’est un « roi » qui est élu, parmi les 9 sultans de la fédération des Etats, pour un mandat de cinq ans et plus, s’il le souhaite…
• Au Venezuela, le mandat est de 6 ans renouvelables ;
• Au Nicaragua, la limitation des mandats, qui était en vigueur, vient d’être supprimé ;
• Au Sri Lanka, le mandat est de 6 ans renouvelable ;
• L’Ouzbékistan : un système où le mandat est de 7 ans renouvelable ;
• En Biélorussie, la limitation des mandats est supprimée, et est de 5 ans renouvelables ;
• En Afrique : le Cameroun, l’Algérie, le Zimbabwe, le Togo etc. n’ont pas de limitation de mandats.
C) Les pays où il y a limitation du mandat de l’Exécutif
Dans plusieurs pays, le mandat présidentiel est limité à deux.
• A tout honneur, tout seigneur, les Etats Unis d’Amérique : la limitation des mandats présidentiels remonte à George Washington, qui a quitté volontairement sa fonction de Président des USA, après son second mandat, et ceci a créé une règle qui est devenue une coutume Constitutionnelle, à l’exception de Franklin Roosevelt, qui brigua un troisième, puis un quatrième mandat. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que la pratique limitative fut inscrite dans la Constitution américaine, par le fameux 22ème Amendement adopté le27 février1951 ;
• La France, avait un mandat de 7 ans, renouvelable autant de fois que l’on veut, mais seul François Mitterrand a pu terminer ses deux septennats. C’est sous Chirac, récemment, que le mandat présidentiel est ramené à cinq ans ;
• En Afrique, le mandat présidentiel est limité à deux, au Ghana, au Nigéria, au Bénin, et dans beaucoup de pays africains ; mais la tendance et la mode est de supprimer ce verrou de la limitation de mandats, comme on le voit au Burkina Faso, au Burundi, au Congo Kinshasa, etc. ;
• Quelques cas particuliers : Au Panama, le Président est élu au suffrage universel pour un mandat de 5 ans non renouvelable ; en Corée du Sud, le mandat du Président est de 5 ans non renouvelable. En Suisse, l’Assemblée Fédérale élit pour un an, un de ses sept membres du Conseil fédéral à la Présidence de la Confédération, et un autre, à la vice-présidence ; les mandats ne sont pas renouvelables pour l année suivante…
D) Limitation des mandats : la panacée ?
C’est la question que se posent les conseillers de plusieurs dirigeants, surtout du continent africain. Comme pour nous donner la réponse, Vladimir Poutine, de Russie, a fait un pied- de- nez à ce concept, que les Africains croient naïvement imparable : il fait élire son Premier Ministre et obligé, Medvedev, à la fin de son second et dernier mandat de 4 ans, et ce dernier lui a tenu au chaud, le fauteuil présidentiel, pendant 4 ans, le temps qu’il vienne s’y réinstaller démocratiquement pour… 8 ans encore ! ...
Au Burkina Faso, Blaise Compaoré peut jouer le même coup, en faisant élire son frère pour 5 ans, à la tête du pays, quitte à revenir peut-être aux affaires, 5 ans après ! Ou bien, c’est son frère qui décide, de faire deux mandats de cinq ans. Et cela fera combien d’années de gouvernance Compaoré ? Question à un franc symbolique à nos amis burkinabé !
Au Togo, il n’y a pas encore de limitation de mandats dans notre Constitution actuelle. Mais Faure Gnassingbé peut nous amener au Bolchoï russe, en faisant élire Victoire Dogbé, par exemple, en 2015, à la présidence de la République, le temps de revenir, cinq ans après, retrouver le fauteuil présidentiel en 2020… et y rester jusqu’en … 2030 !
Entre nous, entre Victoire Dogbé, et l’autoproclamé Président Jean-Pierre Fabre, pour qui voterez-vous en 2015, si Faure Gnassingbé ne se représente pas ?
Dodzi Apévon, Brigitte Adjamagbo, Isabelle Améganvi, Patrick Lawson, etc., font-ils le poids devant cette dame efficace, pragmatique, ancien fonctionnaire du PNUD ?
Mais, au Togo, on n’en est pas encore là, car, le mandat présidentiel n’est pas encore limitatif. Ce sera aux députés, élus du peuple (ils sont 91) de décider de la modification ou non de notre Constitution… et non à des moutons de la rue…
Dr David IHOU, consultant en géopolitique, et stratégie sécuritaire
NB : Cet article n’est que le point de vue d’un Togolais parmi tant d’autres. Il n’engage en rien la ligne éditoriale de ce site.

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