Saturday, October 19, 2013

TOGO:Abass Kaboua : « Il était clair que ceux qui m’avaient arrêté, avaient pour plan de m’assassiner »

Le leader du Mouvement des Républicains Centristes (MRC) Abass Kaboua, détenu pendant 4 mois à la prison civile de Notsé (90 km au nord de Lomé) est largement revenu dans une interview accordée en direct vendredi sur la radio Kanal Fm sur les conditions de détention dans cette prison.

Selon le responsable du Collectif « Sauvons le Togo » CST, il y a dans la prison civile de Notsé des détenus qui ont passé une dizaine d’années sans possibilité de voir un juge.
« Des gens sont inculpés pendant des années allant jusqu'à 11 ans, et attendent le juge qui dit qu’il n’a pas de moyen pour se déplacer de Tohoun à Notsè », a-t-il regretté.
Pour lui, il avait été arrêté pour être ensuite assassiné. Le président du MRC, arrêté pour avoir brisé le secret de l’instruction du dossier des incendies des marchés pour lesquels il avait été inculpé, continue de clamer haut et fort son innocence dans cette affaire.
Lire l’intégralité de l’interview qu’il a accordée
Question : Tel qu’on vous connaissait, vous n’avez pas la pleine forme, est-ce à dire que c’est la prison qui vous a mis dans cet état ?
Abass Kaboua : Je suis arrêté et déposé à la prison de Lomé et puis 2heures après, la gendarmerie et le Service Renseignements et Investigation (SRI) ont fait assaut sur moi, ils m’ont molesté, menotté dans le dos, et on a fait 100 km par terre dans une vieille Land Cruiser, et j’ai tapé 118 jours en toute illégalité. Mais je remets tout à Dieu.
C’est vrai, la prison à contribuer à détériorer l’état de ma santé. Je rends grâce à Dieu, parce que les gens avaient planifié autre chose, jusqu’au sommet de l’Etat, mais ce n’est pas grave.J’étais préparé psychologiquement à affronter tout cela. Je savais. J’étais en France quand les 2 marchés prenaient feu. J’ai même pleuré, ma mère peut en témoigner. Elle était surprise de me voir dans cet état à l’hôpital, quand j’ai appris l’incendie du marché de Kara. Elle voulait savoir ce qui m’a fait verser des larmes. J’ai dit à ma mère « il n’y a rien à Kara, tu sais très bien que tout ce qui brûle là-bas ce sont les marchandises des femmes de Lomé ». Donc nos sœurs sont payées sur commission.
Question : Mais la femme togolaise dans son ensemble est battante n’est-ce pas ?
Abass Kaboua : C’est ça qui m’a fait verser les larmes. Je vais au marché, j’ai toujours dit ça sur les antennes. Je sais combien coûte une boite de tomate concentrée, une baguette de pain, contrairement à certains qui ont oublié cela.
Ce qui est triste, dans tout ce qui se passe dans ce pays, c’est que les gens sont devenus amnésiques.
Question :est-ce à dire qu’on vit, advienne que pourra ?
Abass Kaboua : Oui, c’est tout, et ça ce n’est pas une bonne chose. Quand vous avez la lourde charge de conduire des hommes et que l’atmosphère est ainsi, vous-même vous n’êtes pas heureux. J’ai l’habitude de revenir sur le passage d’Eyadéma. Malgré la situation économique difficile des gens sous Eyadema, ils mangeaient. Par exemple, aujourd’hui vendredi, tout le monde se préparait pour aller infiltrer les groupes à Lomé 2 le lendemain samedi. Parce qu’on sait que le samedi est devenu le jour de prédilection où les marcheurs allaient prendre 2000 ou 5000. Mais aujourd’hui il y a plus ça. Quand vous stoppez tout ça, il faut trouver une autre formule pour canaliser les jeunes et les diplômés.
Ce n’est pas tout de dire aux enfants que vous faites développement à la base, vous prenez des gens qui ont un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA), vous les mettez sous pension leur payez 60 000 francs CFA, moins de 3000 francs par mois, et vous êtes content que vous faites quelque chose. Ça ce sont des scoops inutiles. C’était même mieux qu’on n’en parle pas.
Question : vous avez été détenu à la prison civile de Notsè, sans pour autant revenir sur les raisons qui vous ont conduit là, dites-nous comment avez-vous trouvé les conditions de détention dans cette prison ?
Abass Kaboua : je vais vous dire des choses qui vont vous surprendre. En décembre, ça va faire 17 ans que je gère les prisons du Togo, et je suis incontestablement le plus ancien de l’administration pénitentiaire du Togo. Je n’avais jamais passé plus d’une demi-journée dans les prisons pour les visites et les inspections. Il y a quelques jours j’ai envoyé des produits pharmaceutiques à mes anciens codétenus.
C’est triste, pour une petite prison, comme celle de Notsè où on met tous ceux qui viennent de Tohoun, puisque la préfecture de Moyen-Mono n’a pas de prison, des gens sont inculpés pendant des années allant jusqu'à 11 ans, et attendent le juge qui dit qu’il n’a pas de moyen pour se déplacer de Tohoun à Notsè.
Chose insolite, pour déférer un prisonnier de Tohoun vers Notsè, c’est à moto (Zémidjan) que ça se fait. On le menotte à la barre des amortisseurs. Ce que je dis ici, j’attends la première personne qui viendra me contredire parce que j’ai les preuves et je suis une personne responsable, ceux-là même qui m’ont arrêté le savent.
On menotte le bras droit du prisonnier sur la barre des amortisseurs de la moto, suivi du gendarme ou du policier, arme en bandoulière sur une autre moto. Ils couvrent les environs de 70 km à vive allure et arrivent à la prison de Notsè tout rouge de poussière. En cas d’accident, c’est le prisonnier qui est plus en danger, car il ne pourra pas sauter alors que le conducteur le pourra aisément.
Nous parlons de modernisation mais en réalité cette modernisation commence où, et elle s’arrête où ? Si la modernisation consiste à faire des nouveaux bureaux aux juges ou à climatiser leurs bureaux, je pense dans ce cas que nous n’avançons pas.
Question : La prison de Notsè est-elle surpeuplée ?
Abass Kaboua : Elle est extrêmement surpeuplée, quand je suis arrivé, on était 37 dans 4 mètres carrés. Vous êtes assis, l’autre est entre vos deux jambes, il pose sa tête sur votre épaule. La chaleur était torride, parce qu’il n’y avait pas de plafonds, ce sont des tôles galvanisés où nos respirations forment des cumulus de vapeur qui retombent et vous bousille les tympans et les yeux. Je crois que c’est ce que j’ai reçu sur les yeux et dans les tympans. Il était clair que ceux qui m’avaient arrêté, avaient pour plan de m’assassiner.
Question : Est-ce qu’on ne peut pas dire que vous-même votre laxisme vous a rattrapé, puisque vous avez été vous-même un responsable de l’administration pénitentiaire ?
Abass Kaboua : Quand vous dites que mon laxisme m’a rattrapé, cela me fait rire à plus d’un titre. Je ne suis pas Gnassingbé Eyadema, je ne suis pas Faure Gnassingbé. Qui vous a dit que nous ne travaillions pas, nous ne sommes que des simples fonctionnaires comme tout le monde. Vous n’avez pas vu les enseignants ? Même la craie pour écrire et l’éponge pour essuyer, il n’y en a pas.
Question : Cela voudrait dire que vous étiez directeur mais vous n’aviez pas les moyens de travailler ?
Abass Kaboua : Vous savez, si on me met les moyens aujourd’hui, je ferai ce que je peux faire parce que de la prison où j’étais j’ai fait libérer des codétenus! Je suis venu trouver, par exemple, un petit qui a quinze ans et, tenez-vous bien, qui avait été déféré pour avoir volé trois régimes de noix de palmier. Il a fait deux mois trois semaines et on m’a dit qu’un régime coûtait 300 francs CFA. Donc ça veut dire que le petit avait volé 900F CFA de noix de palmier.
Je suis entré en contact avec le juge qui m’a dit que le plaignant ou le propriétaire des trois régimes de noix de palmier demande 42000 francs CFA de dommages-intérêts comme somme dépensée pour rechercher le petit et le retrouver. J’ai dit au juge que cet enfant pouvait être le sien, et c’est incontestablement le mien vu mon âge, et je lui ai proposé de dire au plaignant qu’un autre inculpé, et non prisonnier comme le disait l’ancien garde des sceaux qui ne sait pas faire la différence entre un prisonnier, un inculpé et un détenu, qu’un autre inculpé voulait résoudre le problème du petit mais qu’il faut qu’il coupe la poire en deux c'est-à-dire qu’il doit diviser la somme qu’il réclame en deux. Que je veux lui payer 20000F CFA pour qu’il libère le petit et c’est ce qui a été finalement!
Question :Et l’enfant a-t-il été libéré ?
Abass Kaboua : Oui il l’a été ! J’ai même dû lui remettre 5000 francs CFA pour ses frais de transport de Notsè à chez lui parce qu’il n’en avait pas les moyens. Et c’est là j’ai été surpris que le régisseur de la prison ne lui réclame les droits de sortie. C’est là que j’ai découvert moi-même étant responsable de prison qu’ils prennent de l’argent chez les gens pour rien avec la complicité des attachés de préfecture puisque l’Etat n’existe. Q : Monsieur Kaboua, est ce que vous pourriez nous levez le voile sur cette inquiétude, beaucoup de gens l’ont dit même si c’était des supputations, il parait que vous n’aviez pas eu la visite de vos camarades du CST quand vous étiez en détention àNotsè.
Je saisis cette occasion pour dire à tous les responsables du Collectif « Sauvons le Togo » (CST) qu’il faut qu’on prenne garde pour ne pas tomber dans un piège parce que le devenir du Togo est plus important que toutes ces petites histoires. C’est un grand sacrifice que j’ai fait en acceptant d’être humilié et traîné dans la boue ainsi. C’est pour ce pays que j’ai fait ça ! Que tout le monde se ressaisissent alors et se comporte comme moi.
Question :Vous n’avez pas pu participer aux dernières législatives mais les élections prochaines, comment les abordez-vous en tant que leader du Mouvement des Républicains Centristes(MCR), un parti politique ?
Abass Kaboua : Celui qui m’a empêché de participer aux élections passées connait bien ma force. Il sait qui je suis c’est pourquoi ils ont tout fait pour que je ne me retrouve pas à l’assemblé nationale. Je reste, quand même, le leader de mon parti, c’est moi qui organise la convention qui investit les candidats.
Pour les prochaines échéances nous irons aux élections comme la dernière fois c'est-à-dire sous la coupole du CST. Tout le monde a des problèmes, tous les partis politiques ont des problèmes, même Unir en a.
Question : Est- ce que cela voudrait dire que la sérénité est revenue au sein du Collectif Sauvons le Togo ?
Abass Kaboua : La sérénité est revenue. Il y a des problèmes partout, c’est juste la façon de gérer qui est à revoir. Je ne comprends pas pourquoi les gens laissent leurs problèmes pour s’occuper de ceux des autres.

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