Sunday, January 24, 2016

TOGO : : Des circuits électroniques pour construire 'L'Eldorado' en exposition

Une exposition au Goethe Institut en plein cœur de la capitale togolaise suscite le débat. De nombreux visiteurs affluent pour voir cette exposition qui regroupe jusqu'au 5 février prochain, quinze tableaux
A travers cette exposition, l'artiste Kobla E. Wonanu, très connu sous le nom CHAM et pour ses œuvres numériques, fait parler de lui tantôt positivement pour ceux qui connaissent son univers artistique, et "maladroitement" par ceux qui viennent de découvrir ces œuvres.

De nombreux visiteurs se disent surpris et déroutés. L'exposition a démarré depuis le 20 janvier 2016, sous le titre très attirant ici à Lomé de "l'Eldorado". L'ambassadeur de l'union européenne, Berlanga Martinez était présent parmi les visiteurs.

Pour l'artiste, l'utilisation d'un matériau aussi inattendu que surprenant que sont les débris de circuits électroniques est un «challenge» qu'il s'est donné lui-même en tombant sur cet objet tout à fait banal et inutile, trainant çà et là par terre chez les dépanneurs des bidonvilles de Lomé.

Des objets vulgaires à travers lesquels l'artiste voit pourtant des individus, des couleurs et des émotions. La poussière qui recouvre parfois ces objets ne rebute guère. Il y voit au contraire la symbolique étonnante des routes poussiéreuses qui reflète une certaine réalité à Lomé, sa ville natale, ou ailleurs en Afrique.

Wonanu va plus loin en expliquant son choix: "Je suis attiré vers ces objets qui nous ressemble beaucoup. Je les questionne pour les confronter à cette réalité où il quitte la rue pour devenir des objets d'art. Ainsi exposés, ils nous confrontent et nous déroutent".

A ses yeux, tous les objets ont une valeur, y compris les plus banals. L'artiste africain, ajoute-t-il, se doit de constamment s'interroger toutes les réalités qui sont les nôtres sur le continent et dans le monde. Avant de définir son «eldorado», comme étant "le territoire dérisoire d'une richesse miroitée et l'espace fantasmé d'un désir de conquête".

Les tableaux, fabriqués à base des circuits de radios, de télévision ou d'ordinateurs, mettent en jeu avec force et insistance, l'imagination de tous ceux qui cherchent un mieux-être.

Première étape d'une recherche sur les représentations possibles de "l'Eldorado", l'artiste questionne les fantasmes et les convoitises des êtres humains en les mettant devant des œuvres qu'il leur tend comme un miroir.

"On peut faire beaucoup de choses avec ces objets et de manière illimitée. On peut les utiliser pour décrire une ville ou un quartier. On peut les utiliser pour aborder des sujets comme l'immigration en mettant ces objets de manière à composer un territoire isolé, occupé, un territoire qui se livre au fantasme de l'individu. A partir de cet objet tout à fait commun, on peut voyager et cela permet à celui qui voit les œuvres de s'interroger sur ce qu'il voit", dit-il avec fierté.

Réactions

Parmi les invités qui ont déjà visité plusieurs expositions de Kobla Wonanu, figure Kangni Alem, écrivain togolais de renom. Mais à l'exposition " l'Eldorado", il n'a pas caché sa surprise. "J'ai l'habitude de collectionner les œuvres de cet artiste, pourtant ce que j'ai vu à cette exposition n'a rien à voir avec les tableaux que j'ai vus de cette même personne il y a 4 mois".

Est-ce que c'est ce à quoi vous attendez voir ? Kangni Alem répond par la négative.

"Je crois qu'il y a quelque chose qui se trame dans sa tête. Il y a des nouveautés, de nouvelles préoccupations en terme de techniques et de problématique chez l'artiste qu'il faudra suivre à l'avenir", explique notre interlocuteur.

Kangni Alem poursuit : "quand tu ouvres la radio, la télévision, ce qu'on attend de l'eldorado, ce n'est pas du tout encourageant: l'eldorado, c'est la mort, la perte des illusions. L'eldorado, c'est les bateaux qui chavirent avec plein de migrants. Et là, avec les tableaux avec des transistors de radio, le nouvel eldorado n'est pas réjouissant que cela. Je crois que notre artiste tente de nous dire ici de ne plus rêver à l'eldorado mais de penser autrement".

Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Kobla E. Wonanu, dit Cham, est rentré dans son pays, le Togo, en 2005. Il a ramené avec lui un savoir-faire artistique qui combine arts visuels et nouvelles technologies.

D'ailleurs, il est l'un des premiers et rares peintres africains à fonder son travail sur le numérique. Jusqu'ici, il focalisait son travail sur le visage, la scène des émotions explicites ou implicites, le lieu de relations complexes entre le dedans et le dehors. Ses œuvres dévoilaient des visages saisissants où le doute, la joie, l'angoisse, la tristesse, la jeunesse, le vieillissement... définissaient la vie et le monde dans lequel nous vivons.

Ses œuvres ont fait l'objet de plusieurs expositions collectives et individuelles, au Togo et ailleurs. Elles figurent dans de prestigieuses collections nationales et internationales, dont celle du Président de la République togolaise, Faure Gnassingbé.

L A T  ICILOMRE

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