Une
exposition au Goethe Institut en plein cœur de la capitale togolaise
suscite le débat. De nombreux visiteurs affluent pour voir cette
exposition qui regroupe jusqu'au 5 février prochain, quinze tableaux
A travers cette exposition, l'artiste Kobla E.
Wonanu, très connu sous le nom CHAM et pour ses œuvres numériques, fait
parler de lui tantôt positivement pour ceux qui connaissent son univers
artistique, et "maladroitement" par ceux qui viennent de découvrir ces
œuvres.
De nombreux visiteurs se disent surpris et déroutés.
L'exposition a démarré depuis le 20 janvier 2016, sous le titre très
attirant ici à Lomé de "l'Eldorado". L'ambassadeur de l'union
européenne, Berlanga Martinez était présent parmi les visiteurs.
Pour
l'artiste, l'utilisation d'un matériau aussi inattendu que surprenant
que sont les débris de circuits électroniques est un «challenge» qu'il
s'est donné lui-même en tombant sur cet objet tout à fait banal et
inutile, trainant çà et là par terre chez les dépanneurs des bidonvilles
de Lomé.
Des objets vulgaires à travers lesquels l'artiste voit
pourtant des individus, des couleurs et des émotions. La poussière qui
recouvre parfois ces objets ne rebute guère. Il y voit au contraire la
symbolique étonnante des routes poussiéreuses qui reflète une certaine
réalité à Lomé, sa ville natale, ou ailleurs en Afrique.
Wonanu
va plus loin en expliquant son choix: "Je suis attiré vers ces objets
qui nous ressemble beaucoup. Je les questionne pour les confronter à
cette réalité où il quitte la rue pour devenir des objets d'art. Ainsi
exposés, ils nous confrontent et nous déroutent".
A ses yeux,
tous les objets ont une valeur, y compris les plus banals. L'artiste
africain, ajoute-t-il, se doit de constamment s'interroger toutes les
réalités qui sont les nôtres sur le continent et dans le monde. Avant de
définir son «eldorado», comme étant "le territoire dérisoire d'une
richesse miroitée et l'espace fantasmé d'un désir de conquête".
Les
tableaux, fabriqués à base des circuits de radios, de télévision ou
d'ordinateurs, mettent en jeu avec force et insistance, l'imagination de
tous ceux qui cherchent un mieux-être.
Première étape d'une
recherche sur les représentations possibles de "l'Eldorado", l'artiste
questionne les fantasmes et les convoitises des êtres humains en les
mettant devant des œuvres qu'il leur tend comme un miroir.
"On
peut faire beaucoup de choses avec ces objets et de manière illimitée.
On peut les utiliser pour décrire une ville ou un quartier. On peut les
utiliser pour aborder des sujets comme l'immigration en mettant ces
objets de manière à composer un territoire isolé, occupé, un territoire
qui se livre au fantasme de l'individu. A partir de cet objet tout à
fait commun, on peut voyager et cela permet à celui qui voit les œuvres
de s'interroger sur ce qu'il voit", dit-il avec fierté.
Réactions
Parmi
les invités qui ont déjà visité plusieurs expositions de Kobla Wonanu,
figure Kangni Alem, écrivain togolais de renom. Mais à l'exposition "
l'Eldorado", il n'a pas caché sa surprise. "J'ai l'habitude de
collectionner les œuvres de cet artiste, pourtant ce que j'ai vu à cette
exposition n'a rien à voir avec les tableaux que j'ai vus de cette même
personne il y a 4 mois".
Est-ce que c'est ce à quoi vous attendez voir ? Kangni Alem répond par la négative.
"Je
crois qu'il y a quelque chose qui se trame dans sa tête. Il y a des
nouveautés, de nouvelles préoccupations en terme de techniques et de
problématique chez l'artiste qu'il faudra suivre à l'avenir", explique
notre interlocuteur.
Kangni Alem poursuit : "quand tu ouvres la
radio, la télévision, ce qu'on attend de l'eldorado, ce n'est pas du
tout encourageant: l'eldorado, c'est la mort, la perte des illusions.
L'eldorado, c'est les bateaux qui chavirent avec plein de migrants. Et
là, avec les tableaux avec des transistors de radio, le nouvel eldorado
n'est pas réjouissant que cela. Je crois que notre artiste tente de nous
dire ici de ne plus rêver à l'eldorado mais de penser autrement".
Diplômé
de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Kobla E.
Wonanu, dit Cham, est rentré dans son pays, le Togo, en 2005. Il a
ramené avec lui un savoir-faire artistique qui combine arts visuels et
nouvelles technologies.
D'ailleurs, il est l'un des premiers et
rares peintres africains à fonder son travail sur le numérique.
Jusqu'ici, il focalisait son travail sur le visage, la scène des
émotions explicites ou implicites, le lieu de relations complexes entre
le dedans et le dehors. Ses œuvres dévoilaient des visages saisissants
où le doute, la joie, l'angoisse, la tristesse, la jeunesse, le
vieillissement... définissaient la vie et le monde dans lequel nous
vivons.
Ses œuvres ont fait l'objet de plusieurs expositions
collectives et individuelles, au Togo et ailleurs. Elles figurent dans
de prestigieuses collections nationales et internationales, dont celle
du Président de la République togolaise, Faure Gnassingbé.
L A T ICILOMRE
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