Déjà en 1748, dans l’Esprit des Lois, Montesquieu
écrivait ceci : « Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que
l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ».
De
son vrai nom Charles-Louis de Secondat, né au château de la Brède le 18
janvier 1689, le célèbre écrivain français du siècle des Lumières, ne
croyait pas si bien prédire et décrire la forme de tyrannie dont le
Prince du Togo fera sienne plus de 3 siècles plus tard.
Eh
bien nous y sommes de plain-pied !!! Faure Gnassingbé, le fils-héritier
du feu général Eyadema a très vite fait d’opter, en ce 21ème siècle, pour cette « cruelle tyrannie » qu’il exerce allègrement « à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ».
Cette
forme de gouvernance tout à fait atypique et singulière en son genre
est désignée ailleurs sous le nom tout aussi atypique de
« démocrature », une forme hybride de gestion d’un Etat où s’applique
une dictature habillée d’une forme biaisée de démocratie.
Comme tout le monde le sait, les exemples en la matière au Togo de Faure Gnassingbé sont légions.
Nous
partirons d’abord de la fameuse affaire Kpatcha Gnassingbé dans
laquelle le Prince a instruit Félix Katanga, à l’époque patron de la FIR
d’attaquer nuitamment le domicile privé de Kpatcha Gnassingbé avec des
armes lourdes.
Le
prétexte était que Kpatcha Gnassingbé fomentait un projet de coup
d’Etat contre son frère. Le plus gros des fils du feu général sera
arrêté quelques jours plus tard à l’entrée de l’ambassade des USA au
Togo puis gardé avec ses présumés complices au secret pendant deux ans
dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR).
Sous
la pression de la France, un simulacre de procès aura lieu en 2011
conduit de bout en bout par le palais de la Marina où des peines aussi
lourdes que cruelles ont été décrétées à l’encontre de Kpatcha
Gnassingbé et ses coaccusés.
Jusque-là
beaucoup de togolais avaient naïvement cru que la détention de ce fils
d’Eyadema était réellement liée à ce projet de coup d’Etat.
Mais
il a fallu que la Cour de Justice de la CEDEAO fasse le constat du fait
que le procès qui avait condamné ce dernier et ses coaccusés n’était
pas équitable, que la plupart des détenus dans cette affaire avaient
fait l’objet de torture, qu’il fallait faire cesser la violation du
droit de ceux-ci à un procès équitable et que, très curieusement, le
Prince refuse de s’exécuter, pour que tout le monde se rende à
l’évidence que les motifs de la détention de ces derniers étaient bien
ailleurs.
En
clair, Faure Gnassingbé a pris prétexte d’un projet de coup d’Etat pour
réduire au silence son frère qui semblait trop chercher à voir clair
dans la gestion opaque que lui, l’héritier faisait justement du colossal
héritage laissé par le Papa défunt.
C’est
dire donc qu’aujourd’hui, la détention de Kpatcha Gnassingbé et ses
coaccusés ne repose plus sur aucun principe juridique fiable dès lors
qu’il est établi que le procès qui les y a amenés, a notoirement
souffert d’une carence d’équité.
Pour
conclure ce point, nous retenons simplement que Kpatcha Gnassingbé et
ses coaccusés sont victimes de cette cruelle tyrannie que le Prince a choisie d’exercer « à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ».
Ensuite
vient la fameuse affaire des incendies où, en moins de 48 heures après
ces incendies des marchés de Lomé et de Kara, les chiens de garde du
Prince ont déjà commencé à mettre la main sur la plupart des leaders
politiques de l’opposition sans même avoir mené une seule enquête de
fond.
Le
Ministre de la sécurité, Yark Damehane, présentera quelques jours plus
tard, un prétendu corps du délit avec à la clé, un bidon bleu d’essence,
un paquet d’allumettes, de la poudre à canon et quelques freluquets qui
disent avoir été manipulés par les leaders de l’opposition pour
incendier le marché de Lomé.
Le
ministre de la sécurité, gendarme de son état, a même précisé que selon
les aveux que lui il a retenus comme éléments de preuves, ce plan
aurait été monté dans un cimetière après des pratiques mystiques et que
c’est de façon mystique que les pyromanes avaient eu accès au bâtiment
du marché de Lomé…Mon Dieu !!!
Ce
fut donc le point de départ d’un acharnement politico-judiciaire contre
la plupart des leaders de l’opposition qui, placés arbitrairement sous
contrôle judiciaire, sont bien obligés de courber l’échine chez le juge
d’instruction avant d’avoir droit de sortir ou même d’aller à
l’intérieur du pays.
La
pratique est restée telle quelle malgré le volte-face du principal
accusateur, Mohamed Loom qui a fini par dire clairement qu’il était
manipulé par le capitaine Akakpo, à l’époque patron des Services de
Renseignement et d’Investigation et bien d’autres ténors du régime pour
incriminer injustement les responsables de l’opposition.
Voilà
encore un habillage parfait qui fait croire qu’il s’agit d’une pratique
de la justice mais qui au fond, n’est rien d’autre qu’un plan malsain,
savamment orchestré pour bâillonner la dynamique amorcée par
l’opposition. Une vraie tyrannie !!!!
L’autre
habillage parfait reste l’affaire Sambrini Wakin Targone, député de
Dankpen dont l’audience auprès de l’électorat du grand Bassar fait
trembler Faure et ses amis du pouvoir.Ils le redoutent gravement du fait
de sa capacité à haranguer les foules et à mobiliser le grand Bassar
derrière l’opposition démocratique.
Les
clercs du Prince n’ont pas hésité à trouver, en juin dernier, un
prétexte farfelu pour lever grossièrement l’immunité parlementaire de
celui-ci pour ensuite le jeter en pâture entre les mains des pantins de
juges, vrais activistes du pouvoir qui l’ont aussitôt placé sous
contrôle judiciaire avec interdiction de sortir hors de Lomé.
Tout cela sans honte, ni vergogne. Eh la folie du pouvoir, quand tu
nous tiens !!!! Depuis lors, Targone vit comme un troglodyte reduit au
statut de prisonnier de Lomé par la seule volonté du Prince et ses
cruels clercs.
Le
dernier exemple vient naturellement des déboires actuels de Pascal
Bodjona, du nom de ce ministre "grand format" que l’on a cru pouvoir
plonger maladroitement dans une infamante affaire d’escroquerie.
Là
aussi, le tyran a eu toutes les difficultés possibles pour camoufler
son rôle pernicieux dans ce plan macabre de démolition politique de
l’ancien ministre de l’administration territoriale.
Dans cette affaire, la mayonnaise a tout le mal à prendre sur le plan du droit.
Toutes
les gesticulations du Prince, de ses conseillers et de certains
officiers hauts gradés de l’armée n’ont réussi à cacher la vérité. Mais,
malgré tout, ils s’enlisent encore dans un forcing abscons qui frise
l’animalité ou plutôt la bestialité pour finir par détenir
arbitrairement Pascal Bodjona en prison.
Oh mon Dieu !!! Qui va sortir Montesquieu de sa tombe pour qu’il vive en live sa vue prémonitoire plus de 300 ans après ?
Certainement
qu’en affirmant déjà au 18 ème siècle ce genre de propos pour dénoncer
la tyrannie biaisée sous les couleurs de la justice, Montesquieu ne
savait guère que de telles pratiques pouvaient autant résister au temps
et à l’espace pour s’installer dans un petit pays en Afrique, plus de
300 ans après.
Il
ne pouvait s’imaginer que des hommes doués de bon sens et de la raison
qui ont lu ses écrits et vécu certaines expériences de la vie pouvaient
encore s’adonner à cette forme hypocrite et dictatoriale de gouvernance
plus de 300 ans après.
Est-ce
à dire alors que la mentalité de nos dirigeants actuels est en deçà de
ce que nos arrières ancêtres ont déjà rangé et abandonné depuis
plusieurs siècles ?
L’homme
est-il créé pour faire avancer le monde ou le reculer ? Pourquoi alors
Dieu nous a-t-il dotés d’intelligence, de bon sens et de l’ensemble des
facultés qui nous distinguent des animaux ?
Il
faut vraiment être triste pour le Togo du fait de cette reculade
dangereuse qui se joue de toutes les valeurs morales et républicaines
pour plonger ce pays dans une jungle animalière où les dirigeants
s’érigent en fauves pour s’emparer de tout au détriment d’honnêtes
citoyens.
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