Au Togo, le numéro 1 de l’opposition,
Jean-Pierre Fabre, est candidat à la présidentielle du début de l’année
prochaine. Son parti, l’ANC, l’Alliance nationale pour le changement,
l’a investi le 11 octobre dernier.
Mais au Togo, la présidentielle est à un seul tour. L’opposition ne
risque-t-elle pas d’être battue si elle part en ordre dispersé ?
En ligne de Lomé, le président de l’ANC répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Qu’est-ce qui changera au Togo si vous êtes élu ?
Jean-Pierre Fabre : Beaucoup de choses parce qu’au Togo tout est à faire
! Il y a aura certainement l’édification d’un Etat de droit et surtout
l’amélioration des conditions de vie des populations togolaises.
Mais n’y a-t-il pas eu des progrès quand même, depuis l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005 ?
Non, pas du tout. C’est plus sournois, mais c’est plus féroce. La
dictature s’est renforcée, il y a eu des cas de tortures avérés, il y a
des députés qui ont été chassés de l’Assemblée nationale. Et puis
surtout, les conditions de vie des populations togolaises se sont
dégradées. Donc tout est à faire ; les infrastructures routières, les
infrastructures scolaires. Et surtout, mettons fin à la pénurie de l’eau
! A 35 kilomètres au nord de Lomé vous n’avez plus d’eau. Vous avez des
populations qui vivent en buvant de l’eau des marigots. Des pays comme
le Burkina, le Niger se sont attaqués avec succès à ce grave problème.
Et donc nous mettrons à peu près un mandat, au bout de cinq ans, je
crois que nous mettrons fin à la grave pénurie de l’eau au Togo.
Vous dites qu’au Togo les élections sont fraudées et pourtant vous vous
présentez à la présidentielle de l’an prochain. Est-ce que ce n’est pas
contradictoire ?
Pas du tout. Est-ce qu’il faut rester là à se croiser les bras et à dire
: comme ce régime cinquantenaire est habitué à frauder il vaut mieux ne
pas participer aux élections ? Non. Nous allons lutter, nous sommes des
combattants. Nous allons tout mettre en œuvre pour obtenir une
amélioration des conditions de ces élections.
Vous dites qu’en 2010 vous avez été battu par la fraude. Quelle
amélioration depuis vous permet de dire que l’an prochain vous pourrez
gagner ?
Mais si vous vous rappelez en 2010, au moment où nous avions constaté
que nous étions vainqueurs, le régime a envoyé la gendarmerie saisir les
procès verbaux qui attestaient de notre victoire. Et donc, évidemment
cette fois-ci nous allons tout mettre en œuvre pour que cette situation
ne se reproduise plus. Qu’on ne vienne pas saisir nos procès verbaux,
qu’on ne vienne pas arrêter ceux qui font le travail des centralisations
et de compilation des résultats. Pour l’opposition, nous sommes en
train de travailler ensemble depuis un moment pour obtenir la
désignation d’un candidat unique. Ça nous faciliterait la tâche et nous
mettrons nos moyens ensemble pour travailler. Si nous réussissons à
désigner un candidat, nous allons créer une dynamique qui va permettre
une grande mobilisation populaire !
Vous souhaitez ce candidat unique, mais pour l’instant l’opposition
togolaise est divisée : maître Agboyibo, Brigitte Adjamagbo ou Kofi
Yamgnane ne sont pas dans la même coalition que vous ?
C’est possible, mais je crois que chacun mesure le danger qu’il y a à se
présenter à ces élections en rangs dispersés. Nous sommes dans des
discussions qui sont assez difficiles, des discussions qui durent depuis
deux mois. Mais l’opposition n’est pas aussi divisée que vous le
croyez. Vous parlez de maître Agboyibo, je crois qu’il a pris sa
retraite politique. Le parti qu’il dirigeait est présidé désormais par
maître Apévon. On participe ensemble à des discussions et on verra.
Et Kofi Yamgnane ?
Il est actuellement à Lomé. On va se voir pour discuter. J’ai rencontré
Brigitte Adjamagbo ce matin. Nous nous voyons, nous discutons !
Et justement, on s’étonne peut-être à ce moment-là que vous ayez
présenté votre candidature dès le 11 octobre dernier, comme si vous
vouliez prendre de vitesse vos camarades de l’opposition.
Non, non. Pas du tout. Il ne s’agit pas de prendre qui que ce soit de
vitesse. Nous étions dans un congrès de mon parti, il est normal que le
parti désigne son candidat pour la prochaine élection. Mais le congrès a
dit : « La candidature de monsieur Jean-Pierre Fabre, président de
l’ANC à proposer aux forces démocratiques », on a pris toutes les
précautions qu’il fallait pour ne pas effaroucher ou créer des
frustrations.
Jean-Pierre Fabre, si le conclave du collectif Sauvons le Togo et de la
coalition Arc-en-ciel désigne au bout du compte un autre candidat unique
que vous, est-ce que vous retirerez votre candidature ?
C’est une question difficile. Je sais qu’il y a des velléités, mais en
cette matière-là il y a des critères objectifs pour la candidature
unique et je pense que j’ai réuni ces critères-là.
Les critères objectifs c’est quoi ? C’est le nombre de députés que chaque parti possède à l’Assemblée nationale ?
Par exemple : la qualité, le niveau de l’implantation des partis. Il y a
beaucoup de critères et je pense que j’ai mes chances. J’ai réuni les
conditions pour être candidat unique. D’autres peuvent penser également
les réunir, mais on verra bien.
Dans une présidentielle à un tour comme au Togo, est-ce que l’opposition
n’est pas sûre de perdre si elle n’arrive pas à trouver un candidat
unique ?
Oui. Je pense que ça va être très difficile si on n’arrive pas à dégager
un candidat unique. Et c’est pour ça qu’on fait des efforts pour éviter
cette situation.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez un tempérament
peut-être un petit peu distant, un petit peu hautain, et que quelquefois
ça rend la réconciliation entre tous les opposants un petit peu plus
difficile ?
Je ne peux pas empêcher les gens de dire des choses qui ne sont pas
vraies. Peut-être que j’ai un tempérament un peu réservé, mais de toute
façon tout le monde sait que je ne suis pas hautain. Je fais du sport,
j’ai joué dans l’équipe nationale de volley du Togo à 16 ans. Qui veut
noyer son chien l’accuse de rage. Donc je dis ceci : nous sommes prêts à
faire tous les sacrifices qu’il faut pour mettre un terme à un système
qui dure maintenant depuis 50 ans. C’est trop.
RFI
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