Au Togo, les forces qui se réclament de
l’opposition ne forment plus une alternative crédible face au pouvoir
UNIR. Dans les fora des citoyens partisans du changement démocratique,
cela relève désormais d’une évidence, surtout après la piteuse
prestation offerte en Avril passé par le CAP 2015 dans le cadre de
l’élection présidentielle dont le processus eût pu se dérouler
autrement.
Il devient clair pour tout observateur averti de la scène politique au
Togo que les opposants au régime ont non seulement perdu le combat des
urnes mais également celui de la rue et du cœur de leurs partisans.
La présidentielle 2015 est le pire scrutin auquel les partis de
l’opposition démocratique aient participé depuis 1998. Ils avaient une
chance extraordinaire de contraindre le régime UNIR, non seulement à
accéder aux réformes politiques mais à abdiquer sous la pression
populaire. A la fin de l’année 2014, avec le contexte politique au
niveau sous-régional et l’ambiance générale sur le plan international
sur la question de la limitation des mandats, il ne restait aux
opposants qu’à se réunir, avoir un plan d’action commun pour soumettre
le pouvoir. Mais la tendance dominante de l’opposition représentée par
le parti Alliance des Forces de Changement (ANC) a décidé d’œuvrer
autrement. Forte de son score relatif aux législatives de 2013, l’ANC
dicte mène la danse à sa manière.
Une popularité à fleur de peau
L’ANC est ses alliés du moment ont cru pouvoir surfer sur la popularité
apparente dont ils jouissaient à Lomé et dans quelques localités du
pays. Ils ont fait preuve de beaucoup de suffisance, allant jusqu’à
croire qu’ils avaient les cartes en main pour déjouer les fraudes et les
manipulations dont le régime s’était toujours servi pour se maintenir.
L’opposition traditionnelle avait conservé au sein de l’opinion la
confiance dont elle jouissait. Mais elle n’avait pas réussi à se faire
une place au sein des classes moyennes urbaines et des forces sociales.
Ces dernières avaient tout pour détester le gouvernement et son manque
de résultat, mais n’étaient pas disposées à suivre les opposants dans
une aventure électorale sans issue.
L’opposition ANC avait commencé à perdre depuis les opérations de
révision des listes électorales. Elle était restée à Lomé, pendant que
le pouvoir avait disposé dans toutes les préfectures ses missi dominici
pour identifier, mobiliser et conditionner les électeurs potentiels…
Quand on écoute les gens parler aujourd’hui, à Lomé et dans d’autres
villes, on a l’impression que les citoyens ordinaires sont devenus plus
stratèges que les politiques qui sont supposés les former et les guider.
C’est ainsi que plusieurs organisations de la société civile et des
acteurs clé de la presse d’opposition ne sont plus disposés à suivre ces
responsables politiques. Les critiques sont devenues plus virulentes et
les adversités plus incisives, au point qu’au lendemain de la
présidentielle, de nombreuses voix (et pas des moindres) s’étaient
élevées contre toute action visant à défendre “la victoire” de
Jean-Pierre Fabre. Le charme est rompu!
On se cherche…
Comme d’habitude, c’est de la diaspora que des appels et des initiatives
viennent le plus pour essayer à nouveau de colmater les brèches. Mais
comme de coutume, ces tentatives ne font pas long feu et ne peuvent
remplacer l’action politique de terrain. Les Togolais au pays et à
l’étranger sont nombreux à conjurer un renouveau dans l’opposition. Mais
ceci n’est pas nouveau; chaque fois que l’opposition perd une élection –
et elle en a perdu des masses – ses partisans ont envie de tout
chambouler.
Certains veulent donner du sang neuf dans l’opposition. Voir émerger de
nouvelles têtes qui porteraient mieux la lutte pour le changement.
D’autres pensent qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il
n’est pas possible à leurs yeux de réformer tout de go toute
l’opposition, au regard du contexte politique particulier du pays.
L’avenir de l’opposition politique togolaise ne se dessine pas sous de
bons auspices. La chose la plus malheureuse, c’est qu’elle risque de se
faire plaquer au poteau dans le cadre du processus des élections
municipales en vue. Les signes ne trompent pas et la configuration du
nouveau gouvernement le montre bien: la décentralisation est devenue une
priorité pour Faure Gnassingbé. Et l’UNIR fera tout pour remporter ces
élections locales, y compris en tripatouillant. Comme pour la
présidentielle 2015, le pouvoir risque de n’avoir face à lui qu’une
opposition désorganisée et sans stratégie.
K. Agboglati.
le temps
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