On a souvent parlé du Franc CFA, mais
s’il y a un sujet qui devrait vraiment nous interpeller ces derniers
temps, c’est bien la crise grecque. Cette crise, disais-je il y a peu,
devrait nous interpeller au plus haut point, nous Africains. Elle est
certes lointaine, mais elle nous concerne d’une certaine manière.
Je suis intimement convaincu que les Africains devraient tirer les
leçons aussi bien de l’expérience de la crise grecque que des politiques
hétérodoxes mises en œuvre par les IFI (Institutions Financières
Internationales) pour sortir différents pays de la crise économique et
financière. Beaucoup d’entre nous se contentent de crier au complot du
CFA, de réciter des slogans sans tête ni queue sur l´émergence… Mais
nous ne réalisons pas à quel point tous ces argumentaires font sourire
les fossoyeurs de l’Afrique. Nous aimons bien les envolées verbales,
nous nous étendons souvent sur la forme et non sur le fond.
Quand je vois toute l’énergie déployée sur la question du CFA et le
silence assourdissant sur les politiques d’austérité (l’autre nom des
ajustements structurels), je me dis qu’il y a quelque chose qui cloche
dans notre manière d’aborder nos problèmes. Non pas que je néglige la
question du CFA, mais je la trouve bien moins grave que les politiques
d’ajustements structurels auxquelles l’Afrique est confrontée depuis
près de trente ans maintenant et dont les dégâts se passent de tout
commentaire. Je me rends compte à quel point nous rêvons les yeux
grandement ouverts.
Nous ne maîtrisons pas les différents mécanismes de domination
économique mis en place par l’Occident pour assujettir économiquement
nos pays. Certaines théories sur le CFA doivent faire rire ces
Occidentaux qui nous dominent par les ajustements structurels. Qu’on
soit de la zone CFA ou non. Bref. Que nous apprend les crise grecque?
Qu’il n’y a point de salut avec les IFI, que l’Afrique doit trouver sa
propre voie en s’éloignant [le plus loin possible] des «tueurs à gage
économiques» des IFI, comme l’ont fait les Argentins au début des années
2000 qui avaient compris que ces politiques renforçaient mécaniquement
la crise.
En effet, les politiques d’austérité, contrairement à ce que nous
racontent la plupart des économistes occidentaux et africains
intellectuellement aliénés, ne visent pas à promouvoir le développement à
long terme, mais à «stabiliser» ou disons «corriger» les déséquilibres
économiques et financiers à court terme. Certains diront que je suis
radical. Je dis OUI. Non seulement j’assume, mais je leur demande de se
poser la question de savoir pourquoi lorsque les Etats-Unis et l’Union
européenne ont été confrontés à la crise économique et financière il y a
quelques années, ils n’ont pas appliqué les politiques d’austérité
qu’ils imposent aux autres pays depuis près de trois décennies
maintenant?
Patrick Mbeko
Oeil d'Afrique
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