Tuesday, February 2, 2016

TOGO : Fulbert ATISSO veut trouver une solution au « mal togolais » grâce à la littérature

Fulbert Sassou Atisso est journaliste, écrivain et homme politique togolais. L’homme vient de mettre sur le marché, un nouveau livre qui étudie en profondeur le mal togolais. « Le mal togolais, quelle solution ? ». C’est le titre de l’ouvrage qu’il a présenté au public samedi à Brother Home à Lomé. Une sortie couplée avec la rentrée politique du parti « Le Togo autrement » de l’écrivain.

Quel est l’origine du problème togolais et que faire pour le résoudre ? Voilà le fil d’Ariane  qui a mené le président du parti « Le Togo Autrement » vers la dénonciation du face à face instauré depuis les années d’indépendance par les héritiers des nationalistes « Ablodè » et des progrès. Ce livre de 227 pages, préconise pour sortir de cet affrontement, l’émergence d’un nouveau courant politique.

En marge de cette présentation, l’écrivain s’est adonné à un exercice de question-réponse avec le reporter de l’Agence de presse Afreepress. Voici ce que ça donne.
   
Bonjour M. Fulbert ATISSO. Vous venez de dédicacer un nouvel ouvrage qui parle du problème togolais. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?  

Fulbert ATISSO : Le livre que nous venons de dédicacer aujourd’hui à Brother Home est le 3eme d’une série de livres que j’ai écrit sur le Togo et qui consiste à réfléchir pour savoir exactement ce qui se passe au Togo. Voilà un pays qui plus de 50 ans n’a pas connu d’alternance. Voilà un pays où toutes les tentatives qui ont été faites pour le remettre dans le bon sens, pour faire la réconciliation, n’ont pas abouti et nous sommes parvenus à la conclusion qu’il existe un mal. Ce mal ; nous le dissocions de la formulation qui consiste à dire que : « le Togo va mal ». Le Togo va mal, c’est plutôt l’échec des politiques publiques, c’est plutôt l’échec de la gouvernance depuis quelques années.

Mais là, nous disons qu’il existe un mal togolais. Et le mal togolais à notre avis, c’est le fait que la politique togolaise soit restée enfermée dans un face à face entre les nationalistes et les progrès depuis la période de la décolonisation jusqu’à ce jour, il y a un enfermement de la politique dans les deux doctrines. D’abord il y a le nationalisme qui était le courant qui à l’époque coloniale, revendiquait l’indépendance immédiate et les progrès qui voulaient que le Togo reste encore dans le giron de la France et que l’indépendance advienne plus tard.

Donc après les indépendances en 1960, ce face à face a continué. Après le 5 octobre où le peuple s’est soulevé pour exiger un autre Togo, le face à face a continué jusqu’à ce jour. Nous sommes parvenus à la conclusion dans le livre que nous avons sorti que le mal togolais, c’est le fait que la vie politique togolaise soit l’objet d’une dispute permanente entre les deux doctrines, la doctrine des nationalistes et la doctrine des progressistes.

Quelles solutions préconisez-vous pour résoudre ce problème ?

La solution que nous préconisons c’est d’extirper la vie politique de ce face à face entre les nationalistes et les progressistes. C’est en cela que nous disons que d’autres courants politiques doivent proposer un nouvel idéal. Une autre voie, une voie qui sorte la politique de ce face à face entre les nationalistes et les progrès et leurs héritiers. Il faut donc absolument sortir la politique togolaise de ce face à face. Pour nous, du côté de l’opposition togolaise, nous proposons l’émergence de nouveaux courants qui s’affranchissent de ce vieux  face à face et du côté du parti au pouvoir, il faut également que des courants sortent de là pour refuser l’idéal de la conservation du pouvoir. L’idéal de la peur qui est nourrie dans ce camp et qui mène à ce que l’on dise que le pouvoir ne bougera pas parce que si le pouvoir bouge, ce sont les héritiers des nationalistes qui viendraient le prendre. Nous disons que c’est le croisement de ces deux courants de pensée qui va former en réalité le vrai courant politique qui va concourir à l’émergence d’une véritable réconciliation.

Deuxième solution que nous avons préconisée, c’est le fait que le Togo devrait tendre vers une seule et même histoire parce que chaque courant doctrinaire a son histoire. Les nationalistes ont leur histoire, une histoire idyllique et les progrès ont leur histoire, une histoire falsifiée. Donc le Togo doit aller vers une seule et même histoire où les héros seront communs à tout le monde, où les hauts faits de l’histoire seront acceptés par tous, où les grandes dates seront acceptées par tout le monde. Il faut un travail pour faire accepter par tout le monde, une histoire commune au Togo.

Pensez-vous que ce nouveau courant de pensée est la bienvenue au moment où la classe politique parle de réformes institutionnelles et constitutionnelles ?

Les réformes politiques relèvent des revendications immédiates. Mais nous nous sommes dans une réflexion à long terme qui est axée sur l’éducation. Nous pensons qu’il faut changer les mentalités des populations pour que le Togo puisse changer.  Nous pensons que le changement arrivera tout seul lorsque les mentalités des populations auront changé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre parti politique qui s’appelle « Le Togo Autrement » veut incarner cette troisième voie, c'est-à-dire ce nouvel idéal politique, ce nouveau projet qui va consister à dire aux Togolais que la politique doit sortir de cet engrenage entre les héritiers des nationalistes et des progrès pour aller vers un idéal plutôt de réconciliation et de paix.

A quel public  votre livre s’adresse-t-il ?

Le livre s’adresse d’abord aux hommes politiques. A cette conférence de dédicace j’ai invité presque tout le gratin, malheureusement beaucoup n’ont pas cru bon de devoir venir. Mais nous sommes samedi et les gens ont des engagements. Le débat va continuer.

Le livre s’adresse en seconde position aux intellectuels et aux historiens qui doivent le dépouiller, le fouiller pour le compléter parce que nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons mené une réflexion exhaustive, la réflexion n’est pas finie, elle continue. Et en dernière position, le livre s’adresse aux populations. Si elles ne peuvent pas l’acheter et le lire, nous irons vers elles pour faire une vulgarisation de son contenu. Donc, finalement le livre s’adresse à tout le public togolais, à tout le monde.

Pendant la période de la lutte pour les indépendances, les nationalistes étaient incarnés par le CUT (Le Comité de l’Unité Togolaise) et les progrès par le PTP (le Parti togolais du Progrès). Et après, les partis ont été interdits au Togo, mais les nationalistes se sont toujours organisés pour revenir au pouvoir et donc après, l’UFC a repris le flambeau du nationalisme et a incarné ce courant jusqu’à l’accord RPT-UFC où le flambeau a été transmis à l’ANC. Mais ce ne sont pas des sigles qui sont en question ici. C’est une doctrine, c’est une façon de voir la politique togolaise qui est en question. Ce sont des symboles qui sont en question, ce sont des revendications qui sont en question.

Le livre préconise que nous nous séparions de ces deux doctrines qui ont infesté la vie politique togolaise jusqu’à présent.
Interview réalisée par A.G.

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