Les déboires judiciaires du patron du
Parti des Togolais ont pris depuis quelques jours une nouvelle tournure
avec l’annonce de sa comparution devant la justice pour le 17 août
prochain. Une échéance qui, visiblement a suffit à faire sortir ses
conseils et soutiens de leurs gongs. Désormais, la thèse du complot
politique semble être l’unique moyen (sinon le plus important) de
défense de l’informaticien. A tort ou à raison ? Décryptage.
Lorsqu’en 2014 les Togolais découvrent l’impressionnant CV d’Alberto
Olympio, certains compatriotes ont très vite cru en l’homme providentiel
pouvant bousculer les codes d’une opposition névrosée par une absence
de stratégie efficace de conquête de pouvoir. Le CV est beau. Les
diplômes prestigieux, le parcours en entreprise exceptionnel.... Sur le
terrain politique, les prises de parole de l’homme sont jugées
cohérentes par les observateurs. Car « Alberto Olympio propose » là où
de nombreux opposants se contentent de réclamer simplement l’alternance.
Son livre « Je prends le parti des Togolais » publié en octobre 2014
conforte ses partisans et parfois même ses détracteurs sur la naissance
d’un homme providentiel qui, sur le moyen ou le long terme, peut
bousculer les codes notamment dans les rangs de l’opposition.
Mais dès la fin de l’année 2014, les rumeurs de l’implication du
néo-politicien bruissent dans la presse nationale et internationale. En
février 2015, quelques mois avant l’élection présidentielle pour
laquelle Alberto Olympio s’est porté candidat, ses rendez-vous avec la
justice s’enchaînent et aboutissent à une inculpation. Il est alors
accusé de faux en écriture bancaire, de détournement de crédits et
d’abus de bien sociaux dans une affaire qui l’oppose non seulement à
Cauris Management, mais à l’ensemble de ses coactionnaires dans Axxend.
Gros sous
Basée à Lomé et Abidjan, la société Cauris Management est la première
structure de gestion de fonds de capital-investissement à vocation
sous-régionale créée en Afrique de l’Ouest Francophone. Opérationnelle
depuis 1996, Cauris Management investit dans des entreprises à fort
potentiel de croissance et de rentabilité. Et justement la société
Axxend, spécialisée dans les systèmes d’information et qui en 2013 était
dirigée par Alberto Olympio, est en pleine expansion à cette époque.
Avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et une soixantaine
d’employés dans plusieurs pays, l’entreprise a besoin d’investisseurs
pour diversifier son offre et se développer sur de nouveaux marchés. 9
millions d’euros (près de 6 milliards de Francs CFA) sont donc mis à
disposition de la société Axxend, société de service et d’ingénierie
informatique (SSII), qui a à sa tête le « brillant » informaticien, «
programmé pour gagner » selon un important magazine panafricain basé à
Paris (France). C’était ainsi la troisième opération menée sur le fonds
Cauris Croissance II, géré par le capital-investisseur. Important à
souligner, la société Management gère des fonds mis à disposition par de
grands groupes internationaux comme la Banque africaine de
développement (BAD), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD),
IFC (International Finance Corporation, Groupe Banque mondiale), la
Banque européenne d’investissement (BEI)....
Entrée en politique
Comme tout investisseur, Cauris Management pose toutes les questions
possibles avant de s’engager ou plutôt d’engager ses fonds dans la
société. « Nous menons dans tous les cas des enquêtes sur les sociétés
et leurs dirigeants avant de mettre nos ressources », indique une source
proche de l’investisseur. A l’époque, les responsables de Cauris
Management souhaitent savoir si le patronyme du principal dirigeant
d’Axxend ne poserait pas problèmes au Togo, « un pays où le groupe
espère développer ses activités ».
Les signaux sont positifs et les 6 milliards de francs CFA sont
investis dans le groupe. Un an plus tard, en 2014, le Parti des Togolais
est créé. Tout est grandiose. Le siège du parti, une villa imposante
dans le quartier Ablogamé à Lomé. Un concert géant donné au stade de
Kégué avec d’importants moyens. Les dépenses s’enchainent... pour
montrer la réussite du tout neuf politicien. C’est à ce moment que les
investisseurs s’approchent du PDG d’Axxend –intrigués par cette entrée
subite en politique et par les moyens importants déployés- pour avoir
des explications. Alberto Olympio assure donc à ses interlocuteurs
qu’il a l’intention de démissionner de son poste de PDG de la boîte pour
se consacrer à ses nouvelles activités politiques, ce qui rassure –
pour un temps- les investisseurs.
Tempête
Tout s’enlise en juillet 2014 lorsque, sur demande de Cauris Management
qui souhaite naturellement avoir un œil sur ses milliards, Alberto
Olympio produit des relevés de comptes bancaires de Axxend. Sur les
documents fournis, le compte domicilié dans les livres de la BGFI Côte
d’Ivoire est créditeur de la somme de 1 milliards 75 millions de francs
CFA. Après des investigations, on se rendra compte que le compte ne
contenait que 3 millions de francs CFA.... D’où l’accusation de faux en
écriture bancaire contre le patron du Parti des Togolais.
Lorsque quelques mois plus tard Cauris Management et d’autres
actionnaires réclament un audit, le PDG d’Axxend va demander un délai de
un mois pour préparer les documents etc. Début octobre 2014, les
auditeurs débarquent dans les locaux de la société à Abidjan où il ne
vont trouver qu’un seul responsable –la Directrice des Ressources
Humaines-, ce qui rend de facto impossible le bon déroulement de la
mission d’audit. Jusque là, tout est fait pour montrer que la société se
porte bien, alors qu’en réalité les comptes sont au plus mal. Ce qui
naturellement vaut l’accusation de faux en écriture bancaire contre le
patron –en exil- du Parti des Togolais. Dans la foulée, il est démis par
le Conseil d’Administration d’Axxend de son poste de
Président-Directeur-Général....
Exil
Entre temps Alberto Olympio renonce à se présenter à la Présidentielle
de 2015. « J’ai été investi pour être candidat à une élection propre,
transparente. Là, c’est une parodie d’élection qui s’annonce, je refuse
de m’associer à cette farce. J’attends qu’on prépare une élection
sérieuse au Togo », indiquait-il dans les colonnes du Monde Afrique pour
se justifier. La procédure judiciaire intentée par ses anciens
partenaires est en cours lorsqu’en mai 2015, Alberto Olympio quitte Lomé
pour se rendre à Paris. Comment a-t-il pu quitter le pays sous
inculpation ? De sources proches de la justice, il aurait indiqué au
juge en charge du dossier être en contact avec de nouveaux investisseurs
qu’il devait rencontrer dans la capitale française. Une semaine
avait-il demandé à l’époque. Depuis, il n’a plus remis les pieds au
Togo. Alberto Olympio a lui même toujours rappelé dans plusieurs
interventions dans les médias que le litige l’opposant à Cauris est
purement d’ordre commercial. Chose curieuse, le principal comptable de
la société, ayant aidé Alberto à manipuler les chiffres, aurait disparu
de la société avec toute la comptabilité depuis la création d’Axxend
jusqu’en 2014.
Axxend se retourne contre son ex-PDG
La société créée par le néo-politicien va aujourd’hui mal. Les caisses
auraient été siphonnées alors que les dettes se sont accumulées.
Conséquence, la société a également porté plainte contre son ancien
dirigeant pour détournement... Car l’un des arguments brandis par
Alberto Olympio – et depuis quelques jours par son frère « Directeur de
Cabinet »- est que la plainte de Cauris Management devrait viser Axxend
plutôt que lui. Or, Axxend est entrée dans la danse car la société peine
à se relever des trous creusés par son fondateur et ancien PDG.
Pendant un moment, des théories apparues dans la presse ont agité
l’instrumentalisation du PDG de Cauris Management par le pouvoir en
place pour « embêter » Alberto Olympio. Or à plusieurs reprises ce
dernier aurait reconnu devoir des sommes à l’investisseur. « Il a
notamment promis rembourser une partie en mai 2015 après la vente d’un
bien immobilier dont il serait propriétaire dans une capitale européenne
», indique-t-on de sources proches du dossier. Pourquoi faire une
pareille promesse si on a rien à se reprocher ? Libre réponse.
Qui a intérêt à couler Alberto Olympio ?
Faure Gnassingbé ? Jean-Pierre Fabre ? Et pourquoi ? Ici aussi libre
réponse. Mais il convient de préciser pour les tenants de la théorie du
complot fomenté par le régime togolais que jusqu’à preuve du contraire,
le petit frère de Harry Olympio n’a aucune légitimité issue des urnes.
Difficile de faire de lui une victime lorsqu’on sait qu’un opposant
–adepte de la couleur blanche- très virulent contre le régime a été
sorti des geôles d’un pays voisin grâce à l’intervention du pouvoir
togolais... Jean-Pierre Fabre, même inculpé dans l’affaire de l’incendie
des marchés de Lomé et de Kara circule tranquillement dans les rues de
Lomé et voyage dès qu’il en a envie.
Alberto Olympio devrait donc, en bon politicien rentrer au Togo, se
présenter à la justice et apporter les preuves de son innocence. Cette
affaire comme lui-même l’a toujours indiqué est un différent entre des
partenaires d’affaires... La ligne de défense du président du Parti des
Togolais sonne auprès de certains analystes comme une stratégie préparée
de longue date pour échapper à ses obligations contractuelles. Car on
sait que les pays qui s’engagent sur le chemin de la démocratie ont de
moins en moins envie de s’illustrer négativement en embastillant les
opposants. Et homme réputé intelligent, Alberto Olympio le sait. Ses
avocats également.
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