Monday, August 15, 2016

Togo : ALBERTO OLYMPIO (vraiment) victime d’une machination politique?

Les déboires judiciaires du patron du Parti des Togolais ont pris depuis quelques jours une nouvelle tournure avec l’annonce de sa comparution devant la justice pour le 17 août prochain. Une échéance qui, visiblement a suffit à faire sortir ses conseils et soutiens de leurs gongs. Désormais, la thèse du complot politique semble être l’unique moyen (sinon le plus important) de défense de l’informaticien. A tort ou à raison ? Décryptage.

Lorsqu’en 2014 les Togolais découvrent l’impressionnant CV d’Alberto Olympio, certains compatriotes ont très vite cru en l’homme providentiel pouvant bousculer les codes d’une opposition névrosée par une absence de stratégie efficace de conquête de pouvoir. Le CV est beau. Les diplômes prestigieux, le parcours en entreprise exceptionnel.... Sur le terrain politique, les prises de parole de l’homme sont jugées cohérentes par les observateurs. Car « Alberto Olympio propose » là où de nombreux opposants se contentent de réclamer simplement l’alternance. Son livre « Je prends le parti des Togolais » publié en octobre 2014 conforte ses partisans et parfois même ses détracteurs sur la naissance d’un homme providentiel qui, sur le moyen ou le long terme, peut bousculer les codes notamment dans les rangs de l’opposition.

Mais dès la fin de l’année 2014, les rumeurs de l’implication du néo-politicien bruissent dans la presse nationale et internationale. En février 2015, quelques mois avant l’élection présidentielle pour laquelle Alberto Olympio s’est porté candidat, ses rendez-vous avec la justice s’enchaînent et aboutissent à une inculpation. Il est alors accusé de faux en écriture bancaire, de détournement de crédits et d’abus de bien sociaux dans une affaire qui l’oppose non seulement à Cauris Management, mais à l’ensemble de ses coactionnaires dans Axxend.


Gros sous

Basée à Lomé et Abidjan, la société Cauris Management est la première structure de gestion de fonds de capital-investissement à vocation sous-régionale créée en Afrique de l’Ouest Francophone. Opérationnelle depuis 1996, Cauris Management investit dans des entreprises à fort potentiel de croissance et de rentabilité. Et justement la société Axxend, spécialisée dans les systèmes d’information et qui en 2013 était dirigée par Alberto Olympio, est en pleine expansion à cette époque.

Avec 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et une soixantaine d’employés dans plusieurs pays, l’entreprise a besoin d’investisseurs pour diversifier son offre et se développer sur de nouveaux marchés. 9 millions d’euros (près de 6 milliards de Francs CFA) sont donc mis à disposition de la société Axxend, société de service et d’ingénierie informatique (SSII), qui a à sa tête le « brillant » informaticien, « programmé pour gagner » selon un important magazine panafricain basé à Paris (France). C’était ainsi la troisième opération menée sur le fonds Cauris Croissance II, géré par le capital-investisseur. Important à souligner, la société Management gère des fonds mis à disposition par de grands groupes internationaux comme la Banque africaine de développement (BAD), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), IFC (International Finance Corporation, Groupe Banque mondiale), la Banque européenne d’investissement (BEI)....

Entrée en politique

Comme tout investisseur, Cauris Management pose toutes les questions possibles avant de s’engager ou plutôt d’engager ses fonds dans la société. « Nous menons dans tous les cas des enquêtes sur les sociétés et leurs dirigeants avant de mettre nos ressources », indique une source proche de l’investisseur. A l’époque, les responsables de Cauris Management souhaitent savoir si le patronyme du principal dirigeant d’Axxend ne poserait pas problèmes au Togo, « un pays où le groupe espère développer ses activités ».

Les signaux sont positifs et les 6 milliards de francs CFA sont investis dans le groupe. Un an plus tard, en 2014, le Parti des Togolais est créé. Tout est grandiose. Le siège du parti, une villa imposante dans le quartier Ablogamé à Lomé. Un concert géant donné au stade de Kégué avec d’importants moyens. Les dépenses s’enchainent... pour montrer la réussite du tout neuf politicien. C’est à ce moment que les investisseurs s’approchent du PDG d’Axxend –intrigués par cette entrée subite en politique et par les moyens importants déployés- pour avoir des explications. Alberto Olympio assure donc à ses interlocuteurs qu’il a l’intention de démissionner de son poste de PDG de la boîte pour se consacrer à ses nouvelles activités politiques, ce qui rassure – pour un temps- les investisseurs.

Tempête

Tout s’enlise en juillet 2014 lorsque, sur demande de Cauris Management qui souhaite naturellement avoir un œil sur ses milliards, Alberto Olympio produit des relevés de comptes bancaires de Axxend. Sur les documents fournis, le compte domicilié dans les livres de la BGFI Côte d’Ivoire est créditeur de la somme de 1 milliards 75 millions de francs CFA. Après des investigations, on se rendra compte que le compte ne contenait que 3 millions de francs CFA.... D’où l’accusation de faux en écriture bancaire contre le patron du Parti des Togolais.

Lorsque quelques mois plus tard Cauris Management et d’autres actionnaires réclament un audit, le PDG d’Axxend va demander un délai de un mois pour préparer les documents etc. Début octobre 2014, les auditeurs débarquent dans les locaux de la société à Abidjan où il ne vont trouver qu’un seul responsable –la Directrice des Ressources Humaines-, ce qui rend de facto impossible le bon déroulement de la mission d’audit. Jusque là, tout est fait pour montrer que la société se porte bien, alors qu’en réalité les comptes sont au plus mal. Ce qui naturellement vaut l’accusation de faux en écriture bancaire contre le patron –en exil- du Parti des Togolais. Dans la foulée, il est démis par le Conseil d’Administration d’Axxend de son poste de Président-Directeur-Général....

Exil

Entre temps Alberto Olympio renonce à se présenter à la Présidentielle de 2015. « J’ai été investi pour être candidat à une élection propre, transparente. Là, c’est une parodie d’élection qui s’annonce, je refuse de m’associer à cette farce. J’attends qu’on prépare une élection sérieuse au Togo », indiquait-il dans les colonnes du Monde Afrique pour se justifier. La procédure judiciaire intentée par ses anciens partenaires est en cours lorsqu’en mai 2015, Alberto Olympio quitte Lomé pour se rendre à Paris. Comment a-t-il pu quitter le pays sous inculpation ? De sources proches de la justice, il aurait indiqué au juge en charge du dossier être en contact avec de nouveaux investisseurs qu’il devait rencontrer dans la capitale française. Une semaine avait-il demandé à l’époque. Depuis, il n’a plus remis les pieds au Togo. Alberto Olympio a lui même toujours rappelé dans plusieurs interventions dans les médias que le litige l’opposant à Cauris est purement d’ordre commercial. Chose curieuse, le principal comptable de la société, ayant aidé Alberto à manipuler les chiffres, aurait disparu de la société avec toute la comptabilité depuis la création d’Axxend jusqu’en 2014.

Axxend se retourne contre son ex-PDG

La société créée par le néo-politicien va aujourd’hui mal. Les caisses auraient été siphonnées alors que les dettes se sont accumulées. Conséquence, la société a également porté plainte contre son ancien dirigeant pour détournement... Car l’un des arguments brandis par Alberto Olympio – et depuis quelques jours par son frère « Directeur de Cabinet »- est que la plainte de Cauris Management devrait viser Axxend plutôt que lui. Or, Axxend est entrée dans la danse car la société peine à se relever des trous creusés par son fondateur et ancien PDG.

Pendant un moment, des théories apparues dans la presse ont agité l’instrumentalisation du PDG de Cauris Management par le pouvoir en place pour « embêter » Alberto Olympio. Or à plusieurs reprises ce dernier aurait reconnu devoir des sommes à l’investisseur. « Il a notamment promis rembourser une partie en mai 2015 après la vente d’un bien immobilier dont il serait propriétaire dans une capitale européenne », indique-t-on de sources proches du dossier. Pourquoi faire une pareille promesse si on a rien à se reprocher ? Libre réponse.


Qui a intérêt à couler Alberto Olympio ?

Faure Gnassingbé ? Jean-Pierre Fabre ? Et pourquoi ? Ici aussi libre réponse. Mais il convient de préciser pour les tenants de la théorie du complot fomenté par le régime togolais que jusqu’à preuve du contraire, le petit frère de Harry Olympio n’a aucune légitimité issue des urnes. Difficile de faire de lui une victime lorsqu’on sait qu’un opposant –adepte de la couleur blanche- très virulent contre le régime a été sorti des geôles d’un pays voisin grâce à l’intervention du pouvoir togolais... Jean-Pierre Fabre, même inculpé dans l’affaire de l’incendie des marchés de Lomé et de Kara circule tranquillement dans les rues de Lomé et voyage dès qu’il en a envie.


Alberto Olympio devrait donc, en bon politicien rentrer au Togo, se présenter à la justice et apporter les preuves de son innocence. Cette affaire comme lui-même l’a toujours indiqué est un différent entre des partenaires d’affaires... La ligne de défense du président du Parti des Togolais sonne auprès de certains analystes comme une stratégie préparée de longue date pour échapper à ses obligations contractuelles. Car on sait que les pays qui s’engagent sur le chemin de la démocratie ont de moins en moins envie de s’illustrer négativement en embastillant les opposants. Et homme réputé intelligent, Alberto Olympio le sait. Ses avocats également.

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