M. Agbéyomé Messan Kodjo
L’Organisation pour bâtir dans l’union
un Togo solidaire (OBUTS) a célébré mardi 2 août 2016, ses huit (8) ans
d’existence. Pour marquer l’événement, les premiers responsables de
cette formation politique annoncent la tenue samedi d’une conférence
bilan avec la presse nationale et internationale. Mais en attendant
cette date, le président national de l’OBUTS, Messan Agbéyomé Kodjo se
confie à l’Agence de presse Afreepress dans une interview. Il dresse
dans une première partie le bilan de ces 8 années d’existence et dans
une seconde partie, il décortique la riche actualité sociopolitique du
Togo.
La question des réformes politiques et
institutionnelles, les résultats de l’atelier du HCRRUN, les réformes
économiques et le scandale des Panama Papers. Tous ces sujets
intéressent l’ex-Premier ministre et président de l’Assemblée nationale,
Messan Agbéyomé Kodjo.
Voici pour vous, l’intégralité de cette interview.
Afreepress : Bonjour Excellence
Agbéyomé Kodjo. Votre formation politique a célébré le 2 août 2016, ses 8
années d’existence. Dites-nous ce que vous retenez de ces 8 années
d’existence ?
Agbéyomé Kodjo : En
effet, notre formation politique Organisation pour bâtir dans l’union un
Togo solidaire (OBUTS) a 8 ans. Cette formation politique est née dans
des conditions particulières que je dirais un peu ardues parce qu’en
2008, tout précisément au mois de juillet, une semaine avant de porter
OBUTS sur les fonds-baptismaux, il y avait sept (7) ponts qui avaient
cédé sur les routes du pays, rendant très difficile la mobilité des
délégués au Congrès. Ce ne fut pas aisé de rejoindre la capitale où se
tenait l’assemblée constitutive du parti. Le pays était quasiment inondé
et c’est dans ces conditions que OBUTS est née.
Nous dirons que, OBUTS est sortie de
l’eau le 2 août 2008 pour prendre part à la vie politique de notre
pays. Son avènement sur l’échiquier politique avait suscité beaucoup
d’enthousiasme et d’espérance. Elle a participé à l’élection
présidentielle de 2010 et elle s’est positionnée à la 3ème place. Elle a
également eu à prendre part de manière très active, aux manifestations
populaires sous la bannière du FRAC et du Collectif Sauvons le Togo.
Vous savez aussi qu’au lendemain de la
présidentielle 2010, nous avons été traduits devant des tribunaux et la
formation politique fut dissoute, son siège placé sous scellé. Après une
longue bataille judiciaire le droit a triomphé et le parti fut
réhabilité. Elle a pris part aux élections législatives de Juillet 2013,
sous la bannière du Collectif Sauvons le Togo, mais ne dispose d’aucun
élu à la représentation nationale, pour des raisons que seule la volonté
de marginalisation pourrait expliquer. Dans l’épreuve et dans la
douleur, nous restons débout et chevillés à notre objectif celui de
contribuer à faire du Togo, une terre de démocratie, une terre de
tolérance, une terre de respect des droits de l’Homme, une terre de
prospérité partagée pour tous.
Afreepress : Vous dites que
OBUTS reste débout et chevillée pour faire du Togo, une terre de
démocratie, une terre de tolérance, une terre de respect des droits de
l’Homme, et de prospérité partagée pour tous. En 8 ans d’existence,
OBUTS a fait du chemin et est devenue une fille pleine de vigueur et
d’espérance. Quel est aujourd’hui le positionnement de votre parti dans
la géographie politique togolaise ? Est-ce une formation politique de
gauche, d’extrême gauche ou de centre gauche ?
Agbéyomé Kodjo : Notre
philosophie dès le départ était de mettre au service de la nation
l’expérience et la compétence des hommes et des femmes qui animent cette
formation politique, par l’alternance. Mais toutes les conditions ne
furent pas réunies en raison des divergences et des objectifs différents
dans le landernau politique togolais. Idéologiquement nous sommes des
sociaux-libéraux, et œuvrons chaque jour pour le renforcement de la
démocratie, le respect des droits de l’homme et la prospérité partagée.
Afreepress : OBUTS est l’un des
partis politiques de l’opposition qui a activement participé aux travaux
du HCRRUN centrés sur la question des réformes politiques. Qu’est-ce
qui a motivé OBUTS à se lancer dans cette aventure avec pour capitaine,
Mme Awa Nana Daboya ?
Agbéyomé Kodjo : Nous
avons cru à cette aventure, parce que tout ce que nous avons déployé
comme effort pour que les réformes puissent advenir avant les dernières
élections présidentielles n’a pas été fructueux parce que nous n’avons
pas été compris par nos compères de l’opposition parlementaire. Si on
n’avait pris en compte la proposition que nous avons énoncée et qui fut
appuyée également par d’autres formations politiques, peut-être que le
problème des deux tours et de la limitation des mandats ne se poserait
plus aujourd’hui.
La démarche du HCRRUN se voulait
holistique, globale et systémique. Dans la 4ième République Rénovée ou
dans celle de demain, d’autres réformes urgentes deviennent exigeantes
pour un meilleur vivre ensemble. La modernisation de la gestion du
foncier, le rééquilibrage du développement régional, le renforcement de
la place républicaine de l’armée dans la Nation, la consolidation du
rôle de l’Assemblée, la consécration de l’indépendance de la justice
comme fondement de la démocratie, la place du tribunal électoral, pour
les contentieux nés des consultations électorales, la place et le rôle
de la chefferie traditionnelle, la limitation des mandats électifs, et
ceux de la représentation de l’Etat dans les services déconcentrés, le
contrat de performance… Bref, il a été question de faire un diagnostic
sérieux et sans complaisance pour un Togo plus juste et plus
démocratique. Nous avons donc fait œuvre utile c’est pour cela que
nous sommes sortis extrêmement enthousiastes. Certains se posaient la
question de savoir pourquoi nous étions si enthousiastes. Les sujets
abordés sont des sujets difficiles qui ont été abordés dans le calme et
la sérénité contrairement à ce que nous avons vécu il y a 25 ans à la
conférence nationale souveraine.
Afreepress : Peut-on dire que
les travaux du HCRRUN sont allés au-delà de la question des réformes
arc-boutées sur la limitation du mandat présidentiel et du mode de
scrutin ?
Agbéyomé Kodjo : Awa
Nana et le HCRRUN ont mis en œuvre une disposition de la CVJR exhortant
le HCRRUN à rassembler des intellectuels d’horizon divers pour réfléchir
les contours de la société togolaise en tenant compte de nos valeurs
et traditions.
Il n’y a pas que la question des
réformes parce que si nous réglons la question de la limitation des
mandats, des deux tours et que subsiste dans la gouvernance de profonds
dysfonctionnements, nous doutons que les aspirations des populations
puissent être satisfaites. La démarche du HCRRUN vise à donner tous les
leviers au peuple togolais afin qu’il assume dans la dignité son destin
dans un monde de plus en plus tourmenté.
Afreepress : Il y a quand même
une polémique que votre intervention au HCRRUN a suscitée. On vous
accuse de jouer contre les intérêts de l’opposition, d’avoir le chef de
file de cette opposition dans votre ligne de mire. Quelle est votre part
de vérité ?
Agbéyomé Kodjo :
J’avais déjà dit que les adversaires politiques ne sont pas des ennemis.
Le journal dont il s’agit a exagéré en m’attribuant des propos qui ne
sont pas les miens.
Ma communication au HCRRUN qui est
visée, ne comportait rien de tout ce qui a été évoqué dans l’article. On
m’a demandé de faire une communication sur le rôle et la responsabilité
des partis dans le processus de réformes. J’ai bien dit que le
maître-mot c’est le consensus. Je trouve qu’aller dresser un
réquisitoire et des récriminations cinglantes contre Jean-Pierre Fabre
n’est pas un élément qui participe à la recherche de consensus dont nous
parlons. Je n’ai donc pas parlé de Jean-Pierre Fabre dans mon exposé,
pas plus que j’ai chargé l’opposition. L’absence de consensus à travers
l’histoire justifie les différends rendez-vous des acteurs politiques.
Donc, si nous voulons de la stabilité institutionnelle et
constitutionnelle, entendons-nous avant de faire les réformes,
attendons-nous lorsqu’il s’agit de bâtir ou de construire un nouveau
contrat social, que nous puissions avoir des compromis partagés et
équilibrés.
J’ai rencontré pas plus tard que le
week-end dernier Jean-Pierre Fabre. On a rigolé ensemble comme des amis.
Les Togolais ne voient pas cela. Ce que je ne dis pas, c’est ce qu’ils
m’attribuent. Ça ne veut pas dire que si je considère que Jean-Pierre
Fabre dans sa mission, est dans l’erreur, je ne puisse pas en parler. Je
suis un homme politique.
Afreepress : Parlons économie et
évasion fiscale. Notre pays le Togo est éclaboussé par le scandale des
Panama Papers avec au centre de l’affaire, les Indiens de WACEM. En
votre qualité d’économiste de renom et surtout natif de la préfecture de
Yoto où est implantée l’usine de WACEM, quelle analyse ce scandale
suscite en vous ?
Agbéyomé Kodjo : Je
pense que dans la semaine à venir, nous rencontrerons les autorités de
notre pays pour parler de ce scandale international qui cache un
scandale local. Le scandale local c’est que WACEM est implantée dans la
région, Scan-Mine est aussi implantée dans la région mais quand vous
voyez le paysage de la localité, c’est déplorable.
C’est un paysage moyenâgeux. On a le
sentiment que nous sommes dans une ferme éloignée de la civilisation
actuelle. Nous souhaiterions rencontrer donc les autorités de ce pays
pour qu’elles puissent intervenir afin que les industries installées sur
l’ensemble du territoire national et particulièrement dans le Yoto,
puissent avoir un plan pour aider les localités notamment dans la
construction des hôpitaux, des pistes rurales, la mise en place de
points d’eau et d’écoles.
Par rapport au scandale de Panama
Papers, je crois que s’il y a quelque chose à faire dans ce dossier,
c’est de vérifier si tous ceux qui sont des actionnaires remplissent
leurs devoirs fiscaux vis-à-vis du trésor. L’OTR devrait s’atteler à
cela.
La seconde chose à mon avis, c’est de
vérifier les comptes au niveau de WACEM parce que lorsqu’on parle de
Panama Papers, ça fait référence à l’évasion fiscale. Il faut vérifier
si ces entreprises sont en règle avec le fisc.
Nous ferons des propositions concrètes
aux autorités dans les jours à venir pour avancer et que WACEM puisse se
considérer comme une entreprise citoyenne et non comme une bande de
gens installés pour exploiter abusivement les richesses du pays, sans
aucun égard aux populations autochtones.
Afreepress : Selon-vous, est-ce
qu’un haut fonctionnaire de l’Etat peut avoir des actions dans des
industries et entreprises du pays. Vous qui aviez occupé de hautes
fonctions ici au Togo, vous ne trouvez pas qu’il peut y avoir conflit
d’intérêts ?
Agbéyomé Kodjo : Là il y
a un conflit d’intérêts. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont
acquis et acheté des actions chez WACEM qui peut-être n’ont pas une
fonction publique, pour eux le problème ne se pose pas dans les mêmes
termes.
Mais celui qui est encore en fonction et
qui est impliqué directement ou indirectement dans la gestion de
l’Etat, il n’est pas indiqué qu’il puisse être propriétaires des
actions. Je crois quand même que le Premier ministre Klassou devrait en
principe, lorsqu’il a été appelé à des responsabilités éminentes céder
ses actions pour ne pas se retrouver dans une situation de conflit
d’intérêt.
Lorsque David Cameron (Premier Ministre
de Londres) avait été mis en cause dans le dossier de Panama Papers, il
a reconnu les faits et affirmé avoir cédé son portefeuille depuis
longtemps et l’opinion s’était calmée.
Afreepress : Quelle appréciations avez-vous de la mise en place de l’OTR et des plaintes des opérateurs économiques ?
Agbéyomé Kodjo : Nous
avons salué l’arrivée de l’OTR dans son rôle de mobilisation des
ressources financières au service du développement de notre pays. Pour
autant, si l’on consent que l’OTR a réalisé de grandes choses ailleurs,
ici il peine à faire des miracles.
C’est pour cela que nous avions affirmé que l’OTR était dans une démarche dogmatique au lieu d’être une démarche pragmatique.
Il y a plein d’hommes d’affaires qui
quittent le port autonome de Lomé à cause des redressements
intempestifs, qu’ils subissent. Il y a également des commerçants qui se
plaignent des méthodes de cet office. Raison pour laquelle nous
affirmons que la démarche de l’OTR doit être revue. L’OTR est au service
de l’économie nationale mais l’économie nationale ne peut fonctionner
que lorsque les activités économiques prospèrent. Mais on a le sentiment
que les activités de l’OTR étouffent les activités économiques dans le
pays.
Propos recueillis par A.Y.
Afreepress
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