S’il est une pratique qui remonte à
l’époque coloniale et qui s’est perpétuée chez nous à travers des
décennies, sans que les Autorités n’y trouvent rien à redire, c’est
l’exploitation des élèves par les enseignants à des fins personnelles
voire lucratives.
Dans le temps, lorsqu’une nouvelle école était construite dans un
village, les instituteurs et les maîtres d’école, qui y étaient affectés
et qui se retrouvaient du coup sans ressources humaines et matérielles,
bénéficiaient de l’aide des élèves de leurs classes tantôt pour
ramasser des fagots de bois, tantôt pour exécuter des travaux champêtres
ou encore pour des tâches ménagères.
S’il faut appeler un chat un chat, c’est de l’exploitation des élèves
par les enseignants et ceci, dans sa forme la plus naturelle. Les
travaux exécutés par les enfants varient selon les régions et selon les
milieux dans lesquels les enseignants sont appelés à exercer, mais
généralement, ces travaux extrascolaires se font au su et au vu des
parents et avec la bénédiction des autorités locales. A priori, pour les
parents, tout porte à croire que cela n’a rien de dégradant de voir
l’apport de leurs enfants compenser les efforts des maîtres d’école.
Au contraire, les parents que nous avons approchés dans ces milieux où
cette pratique a cours, nous ont laissé entendre que le fait pour les
enseignants de savoir qu’une main d’œuvre gratuite et disponible en tout
temps, est à leur disposition ne peut que les conforter et leur
permettre d’instruire les enfants, en toute sérénité.
Là où le bât blesse, c’est que, en dehors de l’ignorance des parents des
lois interdisant le travail des enfants, certains maîtres d’écoles
excellent dans cette forme d’exploitation et possèdent de grandes
parcelles de terre qui sont cultivées et entretenues tout au long de
l’année scolaire et même pendant les vacances par leurs élèves. On a
ainsi vu des maîtres et des responsables d’écoles qui pratiquaient de
l’agriculture de subsistance, devenir de véritables agriculteurs et
ceci, sur le dos des élèves impuissants.
Dans certaines localités où cette pratique est courante, certaines
initiatives privées sont prises à l’endroit des autorités locales et des
parents d’élèves par des associations œuvrant pour la protection des
droits des enfants, pour les conscientiser sur les effets néfastes de
cette exploitation. Mais c’est peine perdue. Il est regrettable que
quelques temps après leur intervention, l’exploitation des enfants par
les enseignants continue de plus bel. La raison souvent avancée par
certains instituteurs pour justifier cette ignominie est que leur
salaire est insuffisant pour entretenir leur famille. Comme si les
élèves sont devenus de la main d’œuvre gratuitement mise à leur
disposition par l’Etat.
Dans une localité de la Région des Plateaux, il est arrivé que les
élèves du CMII n’aient pas pu assister à la proclamation des résultats
du CEPD parce qu’ils étaient occupés, ce jour-là, à déterrer et à
ramasser du manioc dans le champ d’un certain directeur d’école.
Interrogé sur les raisons de l’absence des élèves, le directeur s’était
contenté de répondre, sans gêne, que la présence à la proclamation des
candidats ne changera en rien la réalité des résultats. Ce sont les
parents qui ont dû dépêcher d’autres membres de la famille et d’autres
enfants pour rendre compte du résultat fourni par leurs enfants après
l’examen. Bref, tout se passe comme si les enseignants qui s’évertuent à
exploiter leurs apprenants, ont perdu le sens des valeurs tandis que
leurs propres enfants sont souvent dispensés de ces travaux.
Si les enseignants qui abusent de leur autorité pour faire travailler
des jeunes enfants, ignorent là où se trouve leur rôle d’éducateur et
leur responsabilité, c’est au Ministère en charge de l’Education
Nationale notamment le Ministère des Enseignements primaire et
secondaire, de le leur rappeler. Ceci peut se faire par le biais des
inspecteurs régionaux, des associations de parents d’élèves et autres
responsables à qui incombe l’éducation des enfants.
Ailleurs, il a été rapporté que certains enseignants attribuent des
notes supplémentaires aux élèves qui font preuve de disponibilité,
d’ardeur et qui leur offrent de meilleures prestations.
D’autres élèves, par contre, sont recalés parce qu’ils sont insoumis et
réticents à exécuter les travaux que leurs maîtres attendent d’eux.
Toutes ces pratiques restent, bien sûr, des cas isolés ou des hypothèses
selon les enseignants, mais il se trouve qu’elles se vérifient et
qu’elles se généralisent à l’intérieur du pays. Dans ce cas, les auteurs
doivent être passibles de sanctions administratives comme c’est le cas
des parents qui maltraitent et qui abusent de leurs enfants.
En ces temps où les autorités s’évertuent à opérer des réformes dans le
secteur de l’éducation, des mesures doivent être prises non seulement au
profit des enseignants mais également pour faciliter les conditions
d’étude aux apprenants qui sont appelés à être la relève de demain.
Julles
Le Combat du Peuple
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