Il faut, selon lui, que les apports des
uns et des autres puissent contribuer à chercher les réponses adéquates
et les plus proches de la vie quotidienne des hommes et des femmes,
s’agissant surtout de l’accès aux services publics de base et de la
participation à un système démocratique qui doit viser un juste
équilibre entre les compétences à décentraliser et les compétences
régaliennes assurant la cohésion sociale et la sécurité de l’Etat.
« Ceux qui, de tous bords, penseraient
qu’il vaut mieux temporiser, qui spéculeraient pour que l’immobilisme
favorise leurs intérêts politiques ou économiques, qui décideraient de
traiter la question de la décentralisation comme une affaire partisane,
risquent de s’installer dans la nostalgie paralysante du passé donnant
des solutions d’antan à des problèmes d’aujourd’hui », a lancé le chef
de la Délégation de l’UE au Togo
« La diversité des opinions devrait par
conséquent accompagner le processus de décentralisation aidant à diluer
les inerties identitaires, parfois pernicieuses, et participer à
l’émergence d’une conscience nationale togolaise composée des
citoyens », a-t-il ajouté.
Il n’a pas manqué de saluer la récente
Lettre pastorale de la conférence des évêques du Togo qui, selon lui,
« a montré le chemin pour atteindre des réponses à la série de questions
raisonnables et cruciales qui se connectent avec la majorité sociale du
Togo ».
Telli K.
Voici l’intégralité du Discours pour le jour de l’Europe 2016
Chers citoyens européens au Togo, chers
togolais amis de l’Europe, bienvenus une année de plus à la résidence de
l’Europe à Lomé.
Je voudrais commencer mon intervention
en remerciant toute l’équipe de la Délégation et tous ceux qui rendent
possible la réception de ce soir et les autres évènements que nous
organisons autour du jour de l’Europe 2016, comme la visite de lycées
aux projets de développement et le forum de femmes sous le thème « La
contribution des femmes et la cohésion nationale ».
Formellement ce soir nous célébrons le 66ème anniversaire de la « déclaration Schumann », le texte qui marque le lancement d’un projet d’avenir commun qui consolide la paix, la prospérité et la démocratie sur notre continent.
Comme un clin d’œil pour l’histoire
récente du Togo, la « déclaration Schumann » bannissait la nostalgie,
évitait de se tourner exagérément vers le passé pour se lancer vers
l’avenir. Elle ne voulait pas que les morts de la guerre décident du
futur de ceux qui étaient en vie.
Depuis l’année dernière, les faits ont
confirmé que les atteintes à la sécurité, notamment le terrorisme et le
radicalisme, constituent des épées de Damoclès devant lesquelles nous
devons montrer une mentalité ferme d’action, en travaillant
collectivement. Chers amis togolais, l’Union européenne est profondément
choquée et en deuil après les attaques terroristes de Paris, Bamako,
Bruxelles ou Abidjan. Il s’agit des attaques contre nous tous, Africains
et Européens. Nous ferons face à cette menace ensemble, avec tous les
moyens nécessaires et une détermination sans faille.
Nous ne devons pas ignorer non plus que
la crise économique et les défis posés par les conflits au-delà de nos
frontières ont aussi déclenché ces dernières années des réflexes
identitaires, des impulsions de repli en Europe.
Pourtant, le projet européen demeure
toujours notre meilleur atout pour y donner une réponse de manière
efficace aux crises. Le projet européen nous fait plus forts, plus
respectueux de notre diversité et à la fois plus solidaires avec nos
voisins. Malgré toutes les difficultés, l’Union européenne reste le
projet d’intégration régionale le plus réussie de l’histoire
contemporaine et l’espace au monde avec plus de liberté pour opiner,
pour aimer, pour se déplacer, pour prier ou ne pas prier, pour voter et
choisir notre destin. Le patriotisme européen devient par conséquent et
avant tout celui d’une expression de partage de souveraineté qui aspire à
réunir des individus autour d’un modèle de société et
non à organiser des masses derrière un drapeau. Ces idées, chers
concitoyens européens, nous sommes convaincus, persistent toujours. Oui,
nous avons des raisons valables pour fêter le 9 mai.
Comme votre voisin et partenaire, nous
pensons que l’Afrique doit elle aussi faire face aux grands défis. La
croissance et le rythme de réduction de la pauvreté doivent être
renforcés et en bénéficier à tous davantage. Cela nécessitera plus
d'écoles, plus d'infrastructures, de meilleures conditions pour faire
des affaires et plus d'investissements. Il réclame mettre un terme aux
conflits et aux guerres civiles. Il faudra également des démocraties
plus fortes.
Ces défis auxquels vous êtes confrontés,
vous n'allez pas y faire face seuls. Vos défis sont les nôtres. La
diplomatie européenne édifiée tout au long des dernières décennies,
libérée du lourd fardeau du passé, est déterminée à explorer notre
avenir commun d’une manière pragmatique et responsable.
Et si nous, Européens, voulons vraiment
ouvrir un nouveau chapitre, nous ne devrions pas nous demander ce que
nous pouvons faire pour l'Afrique. La bonne question à se poser est plutôt : que pouvons-nous faire avec l'Afrique?
Dans cet esprit de partenariat, Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs,
Que veut faire l’Union européenne avec le Togo ?
Permettez-moi d’esquisser quelques exemples.
La semaine du 27 avril, le Président de
la République a procédé à l’inauguration de grands ouvrages : une
aérogare flambant neuve qui va certainement impacter positivement le
nombre d’arrivées, un hôtel haut de gamme nécessaire pour couvrir un
créneau du marché propice à des rencontres et à des sommets
internationaux, et finalement les travaux pour l’aménagement du 4ème
lac et la construction d’un système d’assainissement dans des quartiers
périphériques à Lomé, habités par 300.000 personnes et où l’accès aux
services publics n’est pas encore suffisant.
Nous sommes reconnaissants et satisfaits
d’associer le nom de l’Union européenne à cette dernière action à fort
contenu social qui montre un partenariat caractérisé par des travaux
financés avec les dons des citoyens européens à la hauteur de 43
millions d’euro (c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de contrepartie
financière de l’état togolais), et qui seront réalisés par un consortium
d’entreprises européennes et togolaises qui ont été sélectionnés suite à
un processus concurrentiel transparent avec la maitrise de l’Agence
française de développement. Cet engagement reflète surtout notre
priorité de répondre aux besoins de base d’une tranche de population
défavorisée.
L’Union européenne avec le Togo.
Un autre exemple : On a tendance parfois
à oublier l’importance de la compétence et de la formation, l’aspect
humain essentiel pour le progrès. Nous investissons autant d’effort et
d’intérêt dans ces actions qualitatives que dans la construction
d’infrastructures, si flamboyantes qu’elles puissent être.
A cet égard, le partenariat européen
comprend un travail discret et patient pour le renforcement des
capacités de l’administration (ministère de la justice, du plan, de
l’économie, de l’eau et de l’assainissement, bientôt de l’énergie, la
nouvelle école de police, etc.), pour la formation des planificateurs
dans les différents ministères, pour accompagner l’institut national de
la statistique et des études économiques et démographiques – INSEED –
afin qu’il serve d’outil à la prise des décisions politiques, enfin
pour améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques de
telle sorte que les ressources propres soient maximisées pour rendre
plus efficaces les services publics sur tout le territoire.
L’Union européenne avec le Togo.
Là encore il s’agit d’un dernier
exemple quand nous venons de clôturer un projet d’appui à la société
civile, actif pendant 5 ans, et connu sous le nom de PASCRENA. Tout au
long ses années d’activité, il a appuyé financièrement et accompagné la
« Commission vérité, justice et réconciliation » du début à la fin de sa
mission, et a aussi soutenu plus d’une centaine d’actions, par exemple
pour l’amélioration de l’accès des femmes aux terres cultivables, pour
outiller la chefferie traditionnelle à la résolution de conflits, pour
rétablir les personnes handicapées dans leurs droits, pour encourager la
participation des comités de quartiers dans la gestion des communes,
pour la formation au civisme et à la veille citoyenne avant les
élections, etc.
PASCRENA a été un instrument central de
notre « diplomatie de proximité », pour que, au-delà des tâches
traditionnelles de représentation, nous puissions faciliter les débats
publics qui jalonnent la société togolaise, pour affermir les actions
des acteurs du milieu d’affaires, des médias, des universités, des
organisations non étatiques qui contribuent à développer l’opinion
publique et par conséquent sont des « moteurs d’avenir »…par conséquent à
faire devenir normal dans le débat public ce qui l’est déjà dans les
rues des villages et des villes au Togo…dans le respect, que le dialogue
rationnel et adéquat conduit avec justice vers la solution des
problèmes économiques, politiques et sociaux les plus pressants. Nous
sommes convaincus, par ce que notre propre histoire nous le confirme,
que le dialogue en continu, qui remplace l’affrontement par le débat,
qui surmonte les différences par les accords, est l’expression la plus
honnête de la politique.
Prenons comme exemple la discussion sur
la décentralisation qui s’est bien implanté ces derniers mois et où la
volonté politique semble plus raffermie que jamais à transformer la
réflexion en action. Nous nous réjouissons de ces pas en avant et nous
encourageons tous les acteurs, les « moteurs d’avenir », à contribuer
chacun dans son rôle à cette discussion dans un esprit où l’intérêt
national prime sur la méfiance, et en évitant l’aveuglement intellectuel
consistant à penser que quelqu’un est le seul dépositaire de la raison.
Pour son esprit constructif, nous
saluons la récente Lettre pastorale de la conférence des évêques du Togo
qui a montré le chemin pour atteindre des réponses à la série de
questions raisonnables et cruciales qui se connectent avec la majorité
sociale du Togo.
Ceux qui, de tous bords, penseraient
qu’il vaut mieux temporiser, qui spéculeraient pour que l’immobilisme
favorise leurs intérêts politiques ou économiques, qui décideraient de
traiter la question de la décentralisation comme une affaire partisane,
risquent de s’installer dans la nostalgie paralysante du passé donnant
des solutions d’antan à des problèmes d’aujourd’hui.
Les apports des uns et des autres, un
débat citoyen responsable, contribueront à chercher les réponses
adéquates et les plus proches de la vie quotidienne des hommes et des
femmes, s’agissant surtout de l’accès aux services publics de base et de
la participation à un système démocratique qui doit viser un juste
équilibre entre les compétences à décentraliser et les compétences
régaliennes assurant la cohésion sociale et la sécurité de l’état. Ceci
est d’autant plus vrai au regard des menaces barbares de l’époque
tourmentée que nous traversons.
La diversité des opinions devrait par
conséquent accompagner le processus de décentralisation aidant à diluer
les inerties identitaires, parfois pernicieuses, et participer à
l’émergence d’une conscience nationale togolaise composée des citoyens.
Je l’avais déjà dit l’année dernière
après les élections présidentielles de 2015: les Togolais que nous
croisons partout (les éleveurs de Koundjouré, les femmes de Dapaong, le
personnel de l’hôpital à Mango ou à Niamtougou, les jeunes
universitaires à Kara, les prisonniers de la prison de Sokodé, les
ouvriers des mines de fer à Bangelí ou de marbre à Pagalá, les nouveaux
préfets, les travailleurs de la TDE à Notsé, les habitants des quartiers
à Lomé de Baguida, Kanyikopé, Akodéssewa ou Anfamé bénéficiaries du 4ème
lac) leurs visages ne sont pas ceux de la haine, mais plutôt du désir
de paix. Hommes et femmes, jeunes et personnes âgés, expriment un refus
de l’extrémisme. Ils ne cachent pas pour autant le malheur d’un accès
limité à la santé, l’adversité de ressources insuffisantes pour
l’éducation, le scepticisme vers une justice éloignée, ou le désespoir
face au manque d’opportunités. C’est ici que l’on voit que démocratie et
développement économique se rejoignent.
Ce soir nous fêtons surtout une manière
de faire de l’Europe dans le monde qui offre notre solidarité dans la
recherche des solutions et qui encourage le partage des regards d’espoir
pour renforcer l’amitié entre les hommes et femmes du Togo et de
l’Europe.
Vive l’avenir du Togo ! Longue vie à notre partenariat !
No comments:
Post a Comment