La paroisse Notre Dame de la Rédemption
de Klikamé a connu ce dimanche 24 avril 2016, un mouvement inhabituel.
Et pour cause. Cette paroisse a été choisie par le clergé catholique du
Togo pour abriter la célébration eucharistique marquant la commémoration
du 56e anniversaire du Togo à la souveraineté internationale. Pour
cela, ladite paroisse a été complètement militarisée, y compris
l’intérieur de l’Eglise à cause de la présence des membres du
gouvernement et surtout du chef de l’état, Faure GNASSINGBE.
«Tous les Hommes sont égaux devant Dieu », nous enseigne le Catéchisme
de l’Eglise catholique et surtout les Saintes Ecritures. Ce passage
biblique, les hommes de Dieu de l’Eglise catholique du Togo l’ignorent
parfois. Surtout lorsqu’il est question d’une solennité à laquelle doit
prendre part le chef de l’Etat. On oublie vite ce passage biblique et on
met tout le monde aux pas, y compris les célébrants mêmes (les prêtres
pour la plupart du temps).
C’est justement ce qui s’est passé hier dimanche à la paroisse Notre
Dame de la Rédemption de Klikamé où tous les abords ainsi que toutes
voies menant à cette paroisse, ont été bouclés par des bérets verts et
des individus en tenue civile armés jusqu’aux dents. Cela n’est pas
encore grave. Toutefois, si pour des raisons protocolaires dues à la
présence du chef de l’Etat, la messe qui doit être dite à 6 heures, est
ramenée à 5h45 sans que les fidèles chrétiens qui y prennent part ne
soient pas informés, cela devient dans ce cas grave. Ceci est d’autant
plus grave parce que la messe a débuté avant que la majorité des fidèles
chrétiens n’arrivent puisqu’ils n’étaient pas informés à temps.
Pourquoi cela ? Les indiscrétions ont fait état de ce qu’il fallait vite
démarrer la première messe et vite l’achever pour permettre une mise en
place des autorités au sein de l’Eglise avant l’arrivée du chef de
l’Etat. Alors pour cela, on a précipité les choses. Dans ce cas, tous
les Hommes ne sont plus égaux devant Dieu. Ou bien ?
Non seulement il y a eu de nombreux retardataires mais surtout ces
retardataires étaient plus nombreux que ceux qui étaient à l’intérieur
au début de la messe. Le fait marquant, c’est l’impressionnant
dispositif de sécurité aux abords et devant les entrées principales de
l’Eglise. Tous étaient ébahis parce que soumis aux fouilles minutieuses.
Les sacs à mains des femmes sont passés au peigne fin.
Nombreuses sont celles qui poussaient des jurons une fois qu’elles ont
été priées par les bérets verts positionnés aux entrées d’ouvrir leurs
sacs pour des fouilles. Interdiction de passer par les autres entrées à
part les deux principales où les fouilles minutieuses sont faites. La
place réservée au stationnement des engins et véhicules rasés et
remplacés par des bérets verts et hommes en costumes armes au point.
C’est la menace djihadiste que l’on craint ainsi ? Se demandent les
fidèles. Non ! C’est une habitude propre aux services de sécurité du
chef de l’Etat.
Un fait à dénoncer vigoureusement
Il s’agit de l’entrée dans l’Eglise des hommes en costumes qui avaient
des armes de gros calibres en mains et qui jouaient au rodéo. Les
responsables de l’Eglise catholiques n’arrivent pas à dénoncer cet état
de chose et laissent entrer au sein même de l’Eglise des individus armés
pendant que le prêtre dit la messe. Ils se donnent même le loisir de se
promener dans l’Eglise. Ils ne cachent même pas les armes comme cela se
fait ailleurs. Une manière de terroriser les gens jusque dans
l’enceinte d’une Eglise.
Alors que ce sont les mêmes autorités ecclésiales qui enseignent aux
fidèles chrétiens que l’Eglise est la « Maison de Dieu. » Pourquoi donc
entrer dans la maison de Dieu avec des armes ? Les Saintes Ecritures
permettent-elles cet état de chose ? Ou bien c’est l’Eglise catholique
du Togo seule qui fait l’exception ? Sinon au Vatican on ne les voit pas
les gardes rapprochés du Pape, les armes dans les mains. Qu’on entre
dans une Eglise avec des armes au vue et au su de tous les fidèles ? Sur
certaines paroisses, il suffit juste que des fidèles soient un peu en
retard et entrent dans l’Eglise pendant que le prêtre dit la messe que
le célébrant l’arrête ou le fasse sortir carrément. Mais dans le cas
d’espèce où des individus se donnent le plaisir de faire des va-et-vient
dans l’Eglise armes aux points, on n’a pas le courage de rappeler à
l’ordre ces messieurs comme cela a été le cas hier dimanche à la
paroisse Notre Dame de la Rédemption où le chef de l’Etat Faure
GNASSINGBE est venu assister à la célébration eucharistique marquant la
commémoration du 56e anniversaire de la fête nationale du Togo.
On dirait que la maison de Dieu, c’est-à-dire l’Eglise du Togo n’a plus
de valeur s’il faut accepter qu’elle soit à longueur de journée violée
par des hommes armés. Ce dimanche donc, des fidèles ébahis et désabusés
avaient de la peine à suivre le célébrant de la première messe,
c’est-à-dire celle qui a débuté à 5h45 parce que justement des hommes en
costume sombre pour la plupart, armes aux points (fusil à lunette pour
certains, fusils mitrailleur pour d’autres) se sont introduits au sein
de cette Eglise.
Certains se sont postés en haut de l’Eglise où restent d’habitude les
enfants qui viennent à la messe de 8 heures. D’autres au sous-sol
puisque ladite Eglise en dispose. D’autres encore se sont confondus aux
fidèles. Alors que la messe battait son plein. Ce qui était
incompréhensible est que la messe à laquelle le chef de l’Etat devait
assister, est prévue pour 8 heures. Si déjà la première de 5h45, les
fidèles sont bousculés de la sorte, qu’adviendrait-il à ceux qui
participeront à celle de 8 heures ? « Jusqu’à quand ?» lança d’une voix
basse une vieille dame qui venait de faire son entrée dans l’église
après avoir été soumise aux fouilles par les bérets verts. D’ailleurs
les tracasseries se faisaient dehors aussi. Ce qui a fait que toute
l’attention des fidèles était aussi câblée sur ce qui se passait dehors
où on entendait des voix qui disaient : « Eh ! Mon ami, quitte là-bas »,
ou «Eh ! Passez par ici » ou encore « Retournez vite ». Faut-il faire
tout cela pour la sécurité d’un seul individu quand on sait que, quand
le Seigneur décide quelque chose, il le fait ? En tout cas, le célébrant
a fini par envoyer quelques piques. Dans un style ironique, en
clôturant les annonces, il a dit en substance: « Comme vous le voyez,
notre paroisse a été choisie par Mgr l’Archevêque pour abriter la messe
d’action de grâce marquant la célébration de la fête nationale. C’est
d’ailleurs pour cela que vous voyez cette présence massive des soldats.
N’ayez pas peur. Ils sont là pour notre sécurité. Mais je dois vous dire
une chose. A la fin de la messe, il n’y aura pas de prise de photos
comme vous le faites d’habitude sur le parvis de l’Eglise. Aussitôt la
messe finie, rentrez rapidement chez vous. Je dis bien fuyez dans vos
maisons. » Allusion faite aux comportements des hommes en treillis et en
costume armés parce que le spectacle était vraiment désolant. Le comble
arriva à la fin de cette première messe quand le sacristain demandait
aux fidèles de ne plus passer par les portes centrales mais celles des
extrémités. Ce dernier n’a pas terminé la phrase quand des huées
accompagnées de murmures et de jurons se sont abattus sur lui.
Tout cela à cause d’une seule personne. Ces faits se passent au sein
d’une Eglise, c’est-à-dire dans la maison de Dieu. Ça s’appelle « Culte
de la personnalité ». Bizarrement, les choses sont allées si vite
puisque la messe qui a débuté à 5h45 a pris fin à 7h05. Ailleurs, ce
n’est pas le cas. Et c’est malheureusement l’image de l’Eglise
catholique du Togo actuellement. Faire la part belle aux autorités du
pays oubliant que tous les Hommes sont égaux devant Dieu. Ce sont ces
scènes auxquelles assistent nombre de fidèles chrétiens catholiques qui
leur font dire que leurs pasteurs ont été achetés par les autorités du
pays parce qu’ils n’arrivent pas à leur dire la vérité. D’autres
martèlent même que les autorités ecclésiales ne pourront rien dire parce
que : « La bouche qui mange ne parle plus. »
Au-delà de toutes les considérations
Il est dans l’ordre normal des choses qu’on assure la sécurité et la
protection à la plus autorité de l’Etat. Chose normale. Même le Pape,
chef de l’Etat du Vatican a droit à une protection sécuritaire.
Cependant, le service rapproché et celui chargé de la sécurité du Pape
ne se font pas voir et ne terrorisent pas les gens qui cherchent à voir
le Souverain pontife avec leurs armes comme cela a été le cas hier
dimanche à la paroisse Notre Dame de la Rédemption de Klikamé. Il y a
lieu de se demander s’il est normal, en suivant les règles ou la
doctrine de l’Eglise catholique, qu’on joue au rodéo au sein d’une
Eglise? Non ! Le spectacle désole plus d’un. Il est même répugnant et
n’est pas à l’image même de celui qui dit avoir a été plébiscité par un
si grand nombre de ses compatriotes. De quoi ont-ils peur les
gouvernants et surtout le chef de l’Etat togolais en déployant tout une
armada de moyen de sécurité pour assurer leur sécurité lors de ces
cérémonies, si tant est qu’ils ont vraiment le soutien et l’adhésion du
peuple ?
Pourquoi celui qui dit avoir l’adhésion populaire a-t-il si peur au
point de se déplacer avec tout un camp militaire et faire autant peur à
ceux qui l’ont élu à ce haut poste de responsabilité ? Le Togo devient
de plus en plus une curiosité étonnante dans tous les domaines. Cette
scène des hommes en armes, on peut l’accorder aux cérémonies politiques
mais aux cérémonies religieuses ? Pardon qu’on évite de terroriser les
fidèles jusque dans l’enceinte d’une Eglise. Pauvre Togo, pays de
paradoxe !
Si le chef de l’Etat a si peur au point d’accepter que son service de
sécurité brandisse des armes pour faire peur aux fidèles chrétiens dans
les Eglises, qu’il demande pour qu’on lui construise une Eglise dans sa
résidence privée ou dans son palais puisqu’il est en bon terme avec le
Vatican. Il suffit juste d’en parler avec son ministre des affaires
étrangères, un adepte de Saint Egidio et le tour est joué. Comme ça,
certains prêtres et Evêques acquis à sa cause se relayeront pour lui
dire la messe.
Et le peuple de Dieu que son service de sécurité terrorise sera l’abri
de toute peur et de toute frustration. Cela fera d’ailleurs la part
belle à ces religieux acquis à sa cause. Cela mettra ensuite à l’abri
l’Eglise, des critiques et diatribes que leur lancent depuis un moment,
leurs fidèles en vivant ces scènes immondes. Si le Christ a pu dire: «
Ne faites pas de la maison de mon Père un lieu commerce », et qu’il a
fini par rouer de coups ces gens-là qui se livraient à ces choses, que
fera-t-il à ceux qui jouent au rodéo dans la maison de son Père, armes
aux points faisant peur à ses enfants?
Le mutisme des autorités ecclésiales togolaises devant ces choses est
suicidaire et rime à une complicité. Les autorités ecclésiales du Togo
doivent prendre leurs responsabilités pour éviter que ces genres de
situation ne se produisent dans les Eglises. Sinon, elles verront que
les forces de l’ordre et de sécurité n’hésiteront pas à récidiver en
pénétrant jusque dans l’enceinte des paroisses pour tirer des gaz
lacrymogène sur les fidèles.
La Gazette du Togo
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