TOGO :: LES TRAVAUX PUBLICS , FAUREVI PREND LES CHOSES EN MAIN
C’est dans une surprise totale que nous apprenons
la décision prise, mercredi dernier en conseil des ministres en faveur
de la création d’une Agence Togolaise des Grands Travaux (ATGT).
Faure-vi
crée l’Agence de Déplacement des Problèmes de Corruption dans les
Travaux Public au Togo | Caricature : Donisen Donald / Liberté
Au moment où Faure Gnassingbé vient juste d’achever une « tournée
d’inaugurations », on comprend mal le sens de ce décret. Lorsqu’on
revisite les maintes critiques portées sur les ouvrages, leur qualité et
les conditions de leur financement, il est aisé de conclure que
l’actuel locataire de la présidence n’est pas insensible à la gestion
approximative des chantiers dans le pays. Mais se
contentera-t-il de cette fuite en avant ou osera-t-il mettre en branle
la machine de contrôle derrière tout ce qui a englouti autant de
milliards des citoyens Togolais ?La rigueur dans la
gestion des finances publiques ne mérite-t-elle pas qu’on fouille dans
les poches de ceux à cause de qui ce nouveau décret est pris ?
La goutte d’eau persistante finit toujours par creuser la roche, même
si de prétendus hommes de médias, plutôt que de s’adonner aux mêmes
obligations de recherche de l’information, préfèrent remettre en
question le travail citoyen d’autres. S’il est une décision qui a
surpris plus d’un, c’est bien le premier décret pris en conseil des
ministres mercredi dernier. « Créée en application de la loi n°2014-014
du 22 octobre 2014, l’Agence Togolaise des Grands Travaux a pour
missions d’assister le gouvernement dans l’identification, la conduite
et le contrôle des grands projets de travaux publics, d’infrastructures
ou d’équipements prioritaires, puis d’assurer la maîtrise d’ouvrage
déléguée pour leur réalisation », dit le décret qui donne les raisons
ayant conduit à cette décision. « En effet, la priorité du gouvernement
est de créer les conditions d’une croissance soutenue, durable et plus
inclusive pour le bien-être des populations. L’atteinte de cet objectif
passe par la réalisation d’infrastructures en matière d’énergie, de
transport, de télécommunications et de services sociaux de base. Ce
décret traduit l’engagement manifeste du gouvernement d’imposer une
nouvelle dynamique forte dans la conception, la réalisation, la conduite
et l’exécution des projets prioritaires ».
« Better late than never » ou « mieux vaut tard que jamais »,
estiment les Anglophones. Si, comme doivent le penser beaucoup de
citoyens, ce sont les vagues créées dans les médias par les
approximations dans la conception, la réalisation et surtout le suivi
des travaux qui ont décidé Faure Gnassingbé à changer d’épaule à son
fusil, c’est à moitié à son honneur. Lorsqu’on analyse la qualité des
travaux par rapport aux énormes investissements consentis, qui sur le
budget de l’Etat, qui par préfinancements, on court le risque d’être
atteint de la maladie de Parkinson, tellement le rapport qualité/prix
est inexistant. Tenez par exemple :
115 milliards F CFA pour l’aérogare de Lomé alors que le budget de départ était de 75 milliards,
l’hôtel Radisson Blu 2 Février dont les coûts sont partis de moins de 14 milliards à 40 milliards,
les travaux de contournement d’Alédjo et de Défalé dont les voies
ont été refermées après l’ouverture pour des défauts de réalisation,
le bassin de rétention de Klikamé dont les parois ont été refaites par suite d’affaissements,
certaines voies de la capitale dont les chaussées ou les trottoirs
démontrent que « trop de commissionnaires se sont léchés trop de doigts
», etc.
Mais comme nous le disions plus haut, c’est à moitié à
l’honneur de Faure Gnassingbé, car il reste une autre décision à prendre
s’il veut conférer plus de respectabilité à la fonction de premier
magistrat.
Si autant de milliards ont été mal utilisés, raison pour laquelle la
mise en place d’une agence des travaux publics devient une exigence,
c’est à cause d’hommes ne s’étant pas acquittés de leurs tâches, malgré
les parcelles de pouvoir dont ils disposent.
Par ailleurs, afin d’avoir une idée de la manière dont les travaux
d’infrastructures ont été conduits jusqu’à récemment, seuls des audits
et des contrôles d’envergure peuvent situer les responsabilités de tous
les acteurs de la commande publique, depuis les autorités contractantes
jusqu’aux circuits de financement en passant par la direction de
contrôle des marchés publics. Mais manquer de demander des redditions de comptes à ces
acteurs serait un aveu de faiblesse, en même temps qu’il constituerait
une forme de justice à plusieurs vitesses. Car on a encore en mémoire le contrôle effectué par exemple à la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET)
ou au sujet de fonds dont les objectifs ont été détournés dans le
secteur de la santé et que des coupables sont sommés de rembourser.
Le texte lu par le ministre Guy Madjé Lorenzo, bien
que diplomatique, signe un aveu d’échec de la gestion des travaux
publics. « …engagement du gouvernement d’imposer une nouvelle dynamique
forte dans la conception, la réalisation, la conduite et l’exécution des
projets prioritaires », dit le communiqué.
Que s’est-il passé pour que le conseil des ministres en arrive à
cette décision, puisque le ministère des Infrastructures et des
Transports, existe déjà et celui des Finances aussi ? Quelle dynamique
ces deux structures, respectivement pilotées par Ninsao Gnofam et Adji Otèth Ayassor, impulsaient-elles au secteur avant cette décision ?
En ce moment, beaucoup de chantiers sont toujours en cours dans le
pays et dont les modes de financement ont été déjà ficelés. Les
conclusions d’une mission conjointe de la Banque Mondiale et du FMI sont
en possession des autorités et dont le contenu s’est largement consacré
au mode de financement des travaux publics, lequel mode constitue un gouffre financier dans lequel le pays s’est enfoncé. Et
il est presque certain qu’un sentiment de satisfaction aurait animé
plus d’un Togolais si le décret pris en conseil des ministres exigeait
des contrôles de tous les travaux déjà réalisés, de ceux en cours de
réalisation, ainsi que leurs conditions de financement. Aujourd’hui, c’est le ministre de l’Economie, des Finances et
de la Planification du Développement, Adji Otèth Ayassor, qui est
l’ordonnateur des dépenses publiques. A ce titre, lui, tout comme celui
des Infrastructures Ninsao Gnofam devraient répondre de l’état des
ouvrages ainsi que des engagements pris au nom de l’Etat togolais.
Le communiqué est resté évasif quant à la primauté de cette agence
sur les prises de décision des ministères qui seront concernés par les
travaux. Pourra-t-elle s’opposer à certains actes pris par des ministres ou deviendra-t-elle une vassale des suzerains ? Autant de remarques qu’il paraît important de clarifier aux contribuables. Mais savez-vous que la même structure créée au Bénin, vient d’être dissoute par Patrice Talon ?
« Elle n’existe plus. L’Agence Béninoise des Grands Travaux (ABGT)
créée pour « appuyer techniquement les Ministères dans la mise en œuvre
efficace et efficiente des grands travaux d’infrastructures en vue de la
maîtrise des coûts, de la qualité des travaux et des délais d’exécution
dans un but d’intérêt général » n’existe plus », écrit La Nouvelle Tribune le 5 mai dernier. Pendant qu’un président, soucieux de ne pas s’éterniser au
pouvoir en affirmant ne devoir faire qu’un seul mandat, dissout cette
structure pour des raisons de transparence, Faure Gnassingbé vient de
prendre un décret portant création de la même agence version togolaise. Et
de par les pratiques qui ont cours dans la cité Togo, on ne sera point
surpris de voir un de ses proches parachuté à la tête de l’ATGT. Ainsi, on accordera l’absolution à ceux qui se rendent coupables de légèretés dans la gestion de la chose publique. Au final, on
ne fait que déplacer les problèmes, mais dans la réalité, on prend les
mêmes et on recommence. La reddition de comptes n’est apparemment pas
pour demain. Parce qu’ici c’est Togo.
Source : [13/05/2016] Abbé Faria, Liberté N°2193
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