Togo : Vivre dans le bidonville « Abové » à Lomé n’est pas une sinécure…
Ils sont une centaine dans ce bidonville au bord
des rails après Atikoumé, en longeant les rails menant à ‘’Gbossimé’’,
lieu communément appelé Abové. Photo : L’Alternative
Composés en majorité de femmes et d’enfants venus de l’intérieur du
pays à la quête d’une « vie meilleure », ces habitants sont entassés
dans des chambres qui ont perdu ce qualificatif depuis belle lurette.
Car faites de vieilles tôles, portes et fenêtres absentes, mais que le
génie humain a remplacées par des cartons, pour couvrir ce qui peut
encore l’être. Pas de sanitaires, si ce n’est une douche de fortune que
cachent les branches tressées de cocotier. Et tout cela, pour une
contribution journalière de 50 ou 75 Fcfa par personne. Reflet de
l’exode rural ou démonstration de l’acuité du problème de logement dans
la capitale togolaise ? Reportage à « Abové », un de ces nombreux taudis
que compte Lomé.
Le jour a déjà commencé pour les habitants de ces maisons toutes en
tôle, serrées les unes contre les autres, aux premières heures de ce
matin calme du 1er juin 2016. Quelques dormeuses, surprises, plient à la
hâte les nattes qui leur ont servi de couchettes durant la nuit
particulièrement froide. Des femmes balayent la cour, d’autres
s’activent pour le grand marché, lieu d’exercice de leur job de
portefaix. A droite de l’entrée principale du taudis, une revendeuse de
nourriture. A gauche, une table avec des bouteilles aux contenances
variées de couleurs. Du sodabi, boisson locale faite à base de vin de
palme. Des hommes sont visibles en discussion animée, tandis que les
femmes et les enfants sont regroupés de l’autre coté et sursautent à
chaque éclat de voix. A chacun son choix ! Un peu plus en retrait, sous
un hangar, une jeune dame aménage son étal : piment, sel, petit poisson,
épice…bref un marché en miniature.
Une femme d’une cinquantaine d’années surveille toutes ces animations
avec attention. Elle regarde surtout la file de seaux allant vers la
droite de la revendeuse de riz. « La queue pour la douche »,
explique-t-elle, indifférente. Du doigt, elle montre un enclos d’environ
deux mètres carrés entouré de branches tressées de cocotier. Seules
quelques portions témoignent que l’endroit a connu, un jour, le ciment.
Par manque de siphon, l’eau stagne sur le sol couvert de sable de
couleur verdâtre sous l’effet de la mousse. La prochaine à prendre la
douche doit alors attendre qu’elle s’assèche. Quant à la latrine, elle
est fermée depuis plusieurs années. « Vous demandez d’après le WC ?
Mais, c’est un luxe dans cette maison », s’éclate enfin la dame. « Nous
sommes obligés d’aller dans la nature (au bord des rails, par
excellence) pour faire nos besoins », ajoute une autre femme couchée sur
une natte. Alitée par une fièvre depuis trois jours, elle lutte contre
le paludisme devenu une banalité dans ce bidonville. «C’est notre seule
maladie ; ici, ce n’est pas pour les humains, mais on n’a pas le choix.
Regardez vous même », avoue-t-elle, lasse.
Le problème de logement est une des préoccupations majeures des
habitants des villes du Togo et surtout de Lomé. A l’instar des 60%
d’Africains vivant dans les taudis, ils sont nombreux à chercher un toit
décent dans la capitale togolaise. Mais l’exode rural et la hausse du
prix des loyers poussent beaucoup à vivre dans des maisons comme celle
décrite plus haut. Des habitations à matériaux précaires (claie) sont
disponibles dans les quartiers populeux au prix de 2000 à 3000 Fcfa par
mois la pièce. Les maisons avec les cours communes pouvant abriter
plusieurs familles, offrent les deux pièces communément appelées une
chambre salon, entre 15.000 et 20.000 Fcfa. Quant aux nouvelles
constructions avec des commodités modernes, leurs prix varient entre
25.000 et 30.000 Fcfa les deux pièces. Une fortune pour la plupart des
Togolais qui végètent dans la misère ambiante.
En l’absence de toute politique de logement dans le pays frappé par
une crise économique, beaucoup de Loméens abandonnent leur logement,
pour des taudis. « Les autorités nous font chaque fois des promesses,
mais notre situation ne change pas », vocifère une femme du bidonville
d’Abové.
Pourquoi une telle indifférence des gouvernants à la souffrance des
populations ? Où est donc le droit fondamental à un logement décent avec
des services de base ? La paix sociale est-elle possible dans ces
conditions ? Autant de questions qui interpellent les autorités en vue
d’une prise de conscience de l’acuité du problème de logement à Lomé.
Source : [03/06/2016] Robert Avotor,L’Alternative
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