Togo : Les chefs cantons d’Agoenyivé dans le mauvais rôle ?
Une marche en appelle une autre. Comme on aime le
dire dans le sérail, l’opposition n’a pas le titre foncier de la rue.
Donc les chefs cantons d’Agoenyivé, les populations et les cadres et
militants d’UNIR vont envahir samedi prochain les rues comme les fourmis
magnans. Non pas pour exiger la mise en œuvre des réformes
constitutionnelles et institutionnelles comme le réclament à cor et à
cri les partis regroupés au sein du CAP 2015, mais exprimer leur
profonde gratitude et apporter leur indéfectible soutien à la politique
de balkanisation de Faure Gnassingbé. Caricature : Donisen Donald / Liberté
Dans l’entendement de certains Togolais entièrement à part, la mise
en œuvre des réformes politiques ne profiterait qu’à Jean-Pierre Fabre.
C’est pourquoi ils ne se sentent pas concernés par cette affaire. Or ces
réformes conditionnent l’avenir du Togo. Elles sont nécessaires à la
consolidation de la démocratie dans notre pays, de l’Etat de droit, de
la réconciliation nationale et de la bonne gouvernance, c’est-à-dire
qu’elles permettront de mettre fin au pillage systématique des richesses
du pays par la minorité de Faure Gnassingbé et une meilleure
répartition des ressources nationales. Au regard de ce qui précède, en
quoi les réformes profiteraient-elles plus au leader de l’ANC qu’au chef
traditionnel d’Agoe Telessou, au chef canton de Pya ou à une revendeuse
de légumes à Agome Glozou?
Les têtes couronnées d’Agoenyivé, on le disait, ne s’inscrivent pas
dans la dynamique des réformes. Ils vont battre le pavé dans un déluge
de décibel pour dire merci à papa Faure Gnassingbé d’avoir érigé leur
localité en préfecture. La manifestation est minutieusement préparée par
les chefs cantons et les cadres d’UNIR qui multiplieraient les
réunions.
Il est parfois difficile de comprendre l’attitude de certains garants
des us et coutumes. On ne sait vraiment pas le mérite qu’il y a à se
réjouir d’un découpage qui ne tient pas compte des cultures et des
traditions, bref de l’histoire des peuples. Puisque le canton
d’Adétikopé par exemple a été arraché à son assise territoriale, la
préfecture de Zio et imposé à la nouvelle préfecture. Les préparatifs de la marche UNIR pour Faure dans la maison d’un chef canton d’Agoe-nyivé | Photo : D.B-Z.
Que la Constitution togolaise soit allègrement violée dans le projet
de décentralisation importe peu aux chefs traditionnels. Le plus
important à leurs yeux, c’est de témoigner leur soutien à Faure
Gnassingbé. A moins d’un cas de force majeure, ils seront dans les rues
samedi prochain pour inaugurer les marches de soutien à Faure
Gnassingbé.
Ce serait un précédent qui peut inspirer les autres préfectures
nouvellement créées. Il ne serait pas exclu qu’à la suite d’Agoenyivé,
les chefs cantons et les populations des préfectures de Mô, de l’Oti-Sud
et de Kpendjal Ouest descendent eux aussi dans la rue pour remercier le
N°1 togolais. Sans oublier les populations qui estiment que leurs
localités méritent d’être érigées en préfecture. Et ce serait simplement
un retour humiliant au passé. Avec les fameuses marches de soutien
ponctuées de motions de lecture où on louange le chef de l’Etat et
soumet les opposants à un lynchage médiatique.
Des pratiques décriées au temps de Gnassingbé père qui semblent avoir
vécu avec l’avènement de Faure Gnassingbé. Même si des velléités
existent. On se souvient qu’en 2010, des chefs traditionnels des Lacs
avaient organisé une marche de soutien au fils dans la ville d’Aného
dans l’affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Une
démarche qui avait été vertement fustigée et condamnée par l’opinion, et
depuis, ces chefs traditionnels sans repères se sont tassés.
Les chefs cantons d’Agoenyivé vont-ils donner le mauvais exemple ? On attend de voir. Quelques rues de la nouvelle préfecture canton d’Agoenyivé, banlieue nord de Lomé | Photo : D.B-Z.
Source : Médard Amétépé, Liberté
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